La sonnerie retentit, marquant la fin des cours. John attrapa son sac et se précipita vers la sortie. Il sourit en voyant que Derek l'attendait, appuyé contre la voiture, apparemment perdu dans ses pensées. L'adolescent resta quelques instants à regarder son oncle. Il avait encore du mal à réaliser que cet homme était le frère de ce père qu'il n'avait jamais connu. Lorsque Derek l'avait emmené au parc pour son anniversaire et qu'il avait vu les deux frères, enfants insouciants, jouer au base-ball, il s'était senti encore plus proche de lui. Il avait eu envie de lui confier tout ce qui embrumait son esprit, mais s'était tut... parce que parmi ces pensées se trouvaient des images qu'il tentait d'oublier... des réminiscences de rêves troublants qu'il faisait depuis quelques nuits et qui le hantaient à longueur de journée... et dont il ne pouvait parler à personne, surtout pas à son oncle.

Au bout d'un long moment, il se décida enfin à rejoindre Derek qui lui sourit en le voyant s'approcher.
- Tu étais vraiment obligé de rester là toute la journée à m'attendre ? demanda John en ouvrant la portière passager.
- Ta mère m'a dit "veille sur John" alors c'est ce que je fais ! Je n'ai pas envie de me faire tuer ! répondit Derek en riant.
Son neveu éclata de rire à son tour. Une fois dans la voiture, l'adolescent demanda :
- Elle t'a appelé ?
- Oui. Elle est toujours sur la trace de Sarkasian.
- J'étais plus rassuré quand Cameron était avec elle... soupira John.
- Moi aussi. Mais ta mère sait ce qu'elle fait.
- J'aurais quand même préféré qu'on l'accompagne. Si elle croit que j'arrive à me concentrer en cours alors qu'elle risque sa vie à tout moment, elle se trompe ! Je sais qu'elle fait ça pour mon bien, mais franchement, le lycée est la moindre de mes préoccupations en ce moment !
- Je te comprends... mais je comprends aussi Sarah. Elle fait tout ça pour ton bien. Elle est tout à fait capable de se défendre... et le fait de te savoir au lycée, dans une relative sécurité, avec moi pour veiller sur toi, lui permet de se concentrer sur sa tâche.
John soupira profondément.
- Je sais tout ça... mais je ne peux pas m'empêcher d'être inquiet pour elle...
- C'est naturel. Je le suis aussi.
Au moment où Derek garait la voiture, le portable de John sonna. Il sourit en reconnaissant le numéro de sa mère :
- Maman ?
- Salut, mon chéri. J'appelais juste pour te dire que je ne rentrerai pas cette nuit.
- Tu as du nouveau ?
- Oui. J'ai trouvé un informateur qui m'a donné pas mal de tuyaux sur Sarkasian et je vais devoir passer une partie de la nuit à vérifier tout ça.
- Tu pourrais le faire avec mon portable.
- Non, il faut que j'aille sur place.
- Alors, dis-moi où tu es et on vient te rejoindre !
- C'est trop dangereux. Je préfère que tu restes à l'appartement avec Derek. Je t'appelle demain matin avant les cours.
- Promis ?
- Promis. Je t'aime.
- A demain, Maman.

John n'arrivait pas à dormir. A chaque fois qu'il fermait les yeux, il plongeait soit dans un cauchemar terrifiant où il voyait sa mère mourir dans d'atroces souffrances, soit dans un rêve érotique dans lequel il se retrouvait entre les bras puissants d'un homme... du seul homme dont il n'aurait jamais dû rêver ainsi... A chaque fois, il s'éveillait en sursaut, se demandant lequel de ces songes était le pire. Finalement, vers trois heures du matin, n'y tenant plus, il se leva. Il soupira en constatant que son portable était resté dans le salon. Il s'y rendit sans bruit, ne voulant surtout pas réveiller Derek qui dormait sur le sofa. Alors qu'il attrapait son ordinateur, la voix de son oncle lui parvint :
- Pourquoi tu n'es pas au lit ?
John se flagella mentalement avant de répondre :
- Je n'arrivais pas à dormir. Alors je me suis dit que je pourrais bosser un peu. Au moins, mon insomnie ne serait pas du temps perdu !
Derek alluma la lampe qui se trouvait sur la table basse, près du sofa, puis se leva. Il n'était vêtu que d'un boxer gris. John ne put s'empêcher de détailler son torse musclé, parsemé de tatouages et de cicatrices plus ou moins profondes mais toutes impressionnantes. Soudain, il se rendit compte de ce qu'il faisait et détourna le regard, les joues en feu. Il pria pour que la relative obscurité du salon dissimule son trouble à Derek. Celui-ci, semblant n'avoir rien remarqué, se dirigea vers le coin cuisine et se servit un verre d'eau fraîche. Il s'appuya ensuite à l'évier et croisa les bras, fixant John qui se sentait de plus en plus mal à l'aise.
- Qu'est-ce que tu me caches ?
L'adolescent tenta de soutenir son regard, mais n'y parvint pas. Les images de ses rêves lui revenaient trop violemment pour qu'il parvienne à faire comme si de rien n'était.
- Rien, rien, bredouilla t'il.
Puis, il commença à se diriger vers la porte pour retourner dans sa chambre. Alors qu'il allait sortir du salon, il sentit soudain une main se poser sur sa bouche, une autre sur son ventre et il se retrouva tiré en arrière jusqu'à ce que son dos soit plaqué contre le torse de Derek.
- Il y a quelqu'un dans l'appartement... murmura son oncle contre son oreille. Reste là !
John sentit comme un grand froid et une immense déception lorsque son oncle le relâcha. Il le suivit des yeux alors que Derek attrapait son arme qui était cachée sous son oreiller, puis se dirigeait vers la source du bruit : la chambre de Sarah.
Quelques secondes plus tard, Derek revint en soupirant :
- Je suis vraiment parano !
- Qu'est-ce que c'était ?
- La radio ! Ta mère avait mis son réveil très tôt hier matin et elle a oublié de le désactiver avant de partir.
John sourit devant l'air désappointé de son oncle.
- Ne me dis pas que tu aurais préféré que ça soit un cyborg ?
Derek haussa les épaules. L'adolescent se sentit à nouveau troublé en voyant les muscles puissants rouler sous la peau burinée. Tétanisé, il vit son oncle s'approcher de lui, l'air inquiet.
- Ca va ?
Il ne pouvait pas répondre. S'il ouvrait la bouche, il savait qu'il dirait quelque chose qu'il regretterait ensuite.
- John ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
Il était conscient qu'il devait bouger, ne pas rester là, les bras ballants. Il devait reprendre son chemin vers sa chambre, aller s'y enfermer et oublier ce trouble qui l'avait envahi. Il devait ne plus y penser... tout simplement parce que les sentiments qui torturaient son coeur étaient contre-nature. Il savait qu'il devait faire tout ça, mais son corps refusait d'obéir aux ordres que sa raison lui donnaient. Derek s'arrêta juste en face de lui et posa une main sur son épaule. Ce fut le geste de trop, celui qui fit tomber la dernière barrière qui l'empêchait de commettre l'irréparable. Sans se rendre compte de ce qu'il faisait, John parcourut la courte distance qui les séparait et posa ses lèvres sur celles de son oncle. Il réalisa ce qui se passait lorsqu'un violent frisson de désir le traversa. Honteux, mortifié, il s'écarta vivement de Derek et courut s'enfermer dans sa chambre.

John était allongé sur son lit, le visage enfoui dans son oreiller. Il n'arrivait pas à y croire ! Il n'arrivait pas à croire qu'il avait osé embrasser Derek ! Son oncle ! Il sursauta en entendant des coups frappés à la porte. Il ne répondit pas, ayant l'espoir fou que Derek retournerait se coucher et oublierait ce qui s'était passé.
- John ! Ouvre !
Il ne voulait pas... c'était sûrement un cauchemar ! Voilà, c'était ça : un cauchemar ! Il avait rêvé ce baiser et quand il se réveillerait, tout serait comme avant.
- Si tu n'ouvres pas cette porte, je te jure que je la défonce !
John gémit dans son oreiller. Soupirant profondément, il alla tourner la clé dans la serrure, puis recula lentement vers son lit. Derek entra et alluma la lumière. John cligna, surpris par la luminosité soudaine. Il recula encore d'un pas alors que son oncle s'approchait. Il n'osait pas lever les yeux, trop honteux de ce qu'il avait fait. Et surtout, il s'attendait à tout moment à recevoir une correction qu'il aurait bien méritée. Mais il ne s'attendait pas du tout à ce que Derek lui dise d'une voix douce :
- John, il faut qu'on parle...
Surpris par le ton de son oncle, l'adolescent leva enfin le regard vers lui. Il tenta de déchiffrer l'expression de l'autre homme, sans succès.
- Assieds-toi.
Il obéit, se laissant tomber sur le bord de son lit. Derek attrapa une chaise et prit place en face de lui.
- Ce qui s'est passé tout à l'heure...
- Je suis désolé, l'interrompit John. Je ne voulais pas ! Je ne sais pas ce qui m'a pris...
- Moi, je sais, le coupa son oncle.
Ebahi, le jeune homme se tut et attendit la suite.
- Il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit... quelque chose au sujet de ton avenir... de ton futur toi... et de moi...
Il prit une grande inspiration avant de continuer :
- Dans le futur, il est de notoriété publique que tu es gay... et, contrairement à Kyle, je le suis aussi... Lorsque je t'ai rencontré, après que Kyle et toi vous soyez évadés du camp, j'ai tout de suite été attiré par toi... enfin, le futur toi... et il s'est avéré que cette attirance était réciproque...
John était abasourdi. Il bredouilla :
- Tu veux dire que... toi et moi... enfin, le futur moi... vous avez été ensemble ?
- Oui. Seul Kyle était au courant... personne ne savait que tu étais son fils... on ne savait même pas que les voyages dans le temps étaient possibles ! On a vécu de très bons moments ensemble... notre relation était plutôt épisodique, ce n'était pas vraiment une époque propice à la romance... mais nous étions très proches.
- Vous étiez amoureux ?
John ne pouvait pas se résoudre à parler de son futur lui-même à la première personne. Surtout après une telle révélation ! Derek plongea son regard vert dans celui de son neveu.
- Oui, répondit-il simplement.
Un silence pesant s'installa dans la chambre. Bien loin de le rasséréner, ce que venait de lui apprendre son oncle plongeait encore plus John dans un sentiment de gêne. Au bout d'un long moment, Derek soupira :
- Si je t'ai raconté tout ça, c'est uniquement pour te dire que je comprends ton geste de tout à l'heure. Mais tout à changé... à présent, je sais que tu es le fils de Kyle, de mon frère...
John baissa à nouveau les yeux, sentant les larmes monter en lui. Il ne voulait pas pleurer devant Derek. Il voulait être fort, digne, comme devait l'être son futur lui-même.
- Je sais que rien n'est possible entre toi et moi... souffla t'il. Je sais que tu ne pourras jamais m'aimer comme... comme tu as aimé cet autre moi...
Derek vint s'asseoir à côté de lui sur le lit. Il posa sa main sur la joue du jeune homme, l'obligeant à lever le regard.
- C'est faux... et c'est bien ça le problème...
- Quoi ? Qu'est-ce que...
- Je tiens à toi beaucoup plus que je ne devrais compte tenu de notre lien de parenté... Je tiens à toi autant que je tenais à « lui »... Je...
Il s'interrompit et se pencha, capturant les lèvres de John avec les siennes. A peine quelques secondes plus tard, Derek s'écarta et se releva rapidement.
- Excuse-moi... il ne faut pas... il faut qu'on oublie tout ça !
- Pourquoi ?
- Parce que tu es...
- ... le fils de ton frère ? Je sais ! C'est bien à cause de ça que je me torture le coeur depuis plusieurs jours... depuis que j'ai réalisé que j'étais tombé amoureux de toi... Derek... mais réfléchit un peu ! Mon futur moi savait que tu étais le frère de... son... mon père... il le savait mais il ne t'a pas repoussé ! Vous étiez ensemble malgré tout ça ! Alors si tu m'aimes vraiment comme tu prétends m'aimer, laisse-nous une chance... je t'en prie...
Son oncle se détourna et John sentit une vague de désespoir l'envahir. Son coeur était brisé mais, tout au fond de lui, il savait que Derek avait raison.
- Laisse-moi... s'il te plaît...
Les larmes qu'il retenait depuis plusieurs minutes se mirent à couler sur ses joues. La vue brouillée, il vit Derek se tourner à nouveau vers lui et le rejoindre.
- Non... laisse-moi...
Il voulut résister lorsque son oncle l'enlaça, mais il se sentait trop faible pour résister. Il enfouit son visage dans le cou de Derek qui lui caressa tendrement le dos.
- Je suis désolé, John... tellement désolé...
A ces mots, l'adolescent retrouva un peu de force et réussit à s'échapper de son étreinte. Mais l'autre homme ne semblait pas décidé à le laisser partir. Il l'attira à nouveau contre lui et l'embrassa avec fougue. John se sentit fondre, incapable de le repousser encore. Lorsqu'ils se séparèrent, Derek souffla :
- Je ne peux pas... je pensais que je pourrais faire comme si de rien n'était, mais je ne peux pas... mais c'est si compliqué...
- Non, c'est simple, au contraire ! Sourit John, sentant son coeur se réchauffer.
- Tu as pensé à ta mère ? Qu'est-ce qu'elle va dire ?
- Elle n'a pas besoin de le savoir. Ca sera notre secret...
- Tu crois vraiment qu'on sera capable de lui dissimuler quelque chose d'aussi important ?
- On n'a pas le choix... elle ne pourrait pas comprendre...
Derek adressa un regard interrogateur à son neveu :
- Elle ne sait pas que tu es gay ?
- Je n'étais pas tout à fait sûr moi-même de l'être jusqu'à aujourd'hui...
Les deux hommes se sourirent, puis s'embrassèrent à nouveau très tendrement, essayant de savourer ce moment et d'oublier les obstacles qui risquaient, à l'avenir, de se mettre entre eux.

Fin.