Le temps des révélations by Cybelia
Summary: Post 2x13 : Après avoir vaincu le dragon, Merlin a changé. Arthur s'inquiète pour lui, ce qui va l'amener à des découvertes inattendues.
Categories: Séries Télé > Merlin Characters: Arthur Pendragon, Merlin
Genre : Slash
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 2 Completed: Oui Word count: 7941 Read: 5017 Published: 16/05/2010 Updated: 16/05/2010

1. 1e partie by Cybelia

2. 2e partie by Cybelia

1e partie by Cybelia
Cela faisait maintenant presque un mois qu'Arthur avait vaincu le dragon et ramené la paix à Camelot. La reconstruction de la cité et du château avançait rapidement, sous la surveillance constante du roi qui voulait que toute trace de cet épisode malheureux disparaisse de son regard et de celui de ses sujets.

La majorité des chevaliers ayant péri lors de l'attaque du dragon ou ayant été gravement blessés, Arthur fut chargé par son père d'en recruter de nouveaux parmi les héritiers des seigneurs du royaume. Des messagers avaient parcouru le pays pour demander aux vassaux d'Uther d'envoyer leurs fils en âge d'être chevaliers à Camelot. Très vites, les jeunes gens étaient arrivés des quatre coins du pays, tous déterminés à démontrer qu'ils étaient dignes d'être adoubés. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, le fait que le métier soit des plus dangereux ne semblait pas les rebuter et Arthur se retrouvait donc très occupé à tester tous les nouveaux venus.

Malgré son emploi du temps chargé, le prince avait eu le temps de remarquer que quelque chose avait changé dans l'attitude de Merlin depuis la lutte contre le dragon. Son valet semblait toujours aussi enjoué et insolent, mais parfois, quand il avait l'impression que le prince ne le regardait pas, son visage se fermait et ses yeux étaient assombris par un voile de tristesse. Au début, Arthur avait cru qu'il se faisait des idées, mais, au fil des jours, il comprit que quelque chose tourmentait réellement Merlin. Plusieurs fois, il avait tenté de le faire parler, sans succès. Comme à son habitude, son valet se sortait de la conversation avec une pirouette de langage et s'éclipsait avant qu'il ait eu le temps de l'interroger plus avant.

Ce matin-là, Arthur fut surpris de voir un autre serviteur lui apporter son petit-déjeuner.
— Où est Merlin ?
— Je ne sais pas, Sire. Il m'a demandé hier soir de le remplacer mais ne m'a pas donné d'explication.
Le serviteur sortit. Arthur mangea son repas sans appétit, perturbé par l'absence de son valet. Lorsqu'il eut fini, il décida que les futurs chevaliers pouvaient bien attendre un peu et se prépara à se rendre chez Gaius, espérant y trouver Merlin. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver celui-ci devant sa porte au moment où il allait sortir de sa chambre.
— Te voilà enfin ! Où étais-tu ?
— Je dois vous parler... en privé... souffla Merlin alors qu'une servante passait dans le couloir derrière lui.
Arthur rentra dans sa chambre, puis s'assit sur le bord de la table, les bras croisés, attendant que l'autre homme parle. Merlin le suivit à l'intérieur, ferma soigneusement le battant et s'y adossa, les mains dans le dos. Son visage ne reflétait aucune émotion mais son regard azur, qui fixait un point invisible à la droite du prince, semblait encore une fois assombri par le chagrin. Il prit une grande inspiration et lança :
— Je vais partir.
— Où ça ?
— À Ealdor... Cela fait longtemps que je n'ai pas vu ma mère... Après, je ne sais pas encore...
— Comment ça, « après » ? Tu comptes rester absent combien de temps ?
Comme Merlin baissait la tête, Arthur sentit son cœur se serrer lorsqu'il comprit la signification de ce silence.
— Tu ne reviendras pas ?
— Je ne sais pas... souffla le brun sans lever les yeux.
— Pourquoi ? J'ai fait quelque chose...
— Vous n'y êtes pour rien, je vous assure... J'ai seulement besoin de m'éloigner de Camelot... besoin d'être seul...
— Tu ne peux pas partir !
Cette fois-ci, Merlin releva la tête. Son regard était empreint de colère.
— Je ne suis pas votre esclave ! Je peux quitter votre service quand je le souhaite ! Je n'ai pas besoin de votre permission !
Arthur soupira, puis s'approcha, les mains levées en signe d'apaisement :
— Je n'ai jamais dit ça... Seulement... Je pensais que tu te plaisais ici... Que tu te sentais chez toi... Je ne comprends pas pourquoi tu veux quitter cet endroit... et les gens qui tiennent à toi...
— Gaius a compris mon besoin de m'éloigner.
— Il n'y a pas que lui... souffla Arthur.
Devant le regard interrogatif de Merlin, le prince reprit, sur un ton qu'il espérait léger :
— Ne m'as-tu pas dit que tu passais ton temps à sauver mon royal arrière-train ? Je ne vais jamais survivre si tu pars !
Un léger sourire étira les lèvres du brun, mais son regard restait éteint. Même si le départ de Merlin lui semblait inconcevable, Arthur ne savait plus quoi dire pour le faire changer d'avis. Il soupira profondément, puis souffla :
— Je suppose que ta décision est irrévocable ?
— Elle l'est.
— Quand pars-tu ?
— Mes bagages sont prêts. Il ne me restait qu'à vous dire « adieu » avant de prendre la route. Je veux profiter au maximum du jour, la route est longue jusqu'à Ealdor.
— Prends au moins un cheval. Tu me le rendras le jour où tu reviendras.
— Je ne préfère pas. Il se peut que vous soyez sur le trône quand je reviendrai... si je reviens...
Merlin se retourna, posa la main sur la poignée de la porte et souffla :
— Je tenais juste à vous dire que j'ai été honoré de vous servir... Vous serez le meilleur roi que le pays n'ait jamais connu, j'en suis certain. Adieu !
Arthur fit un pas en avant au moment où son valet quittait la chambre, mais il fut incapable d'aller plus loin. Sans en comprendre la raison, il sentit quelque chose se briser en lui, comme s'il perdait une partie de lui-même. Le temps qu'il reprenne ses esprits, Merlin était déjà presque sorti de la cour du château. Arthur voulut le rattraper, mais il fut intercepté par son père qui le cherchait, agacé de voir que les futurs chevaliers attendaient sans rien faire sur le champ d'entraînement. Soupirant profondément, il n'eut pas d'autre choix que d'aller accomplir son devoir, même si son esprit était entièrement tourné vers Merlin et ce qui venait de se passer.

***


Les jours et les mois passèrent. Malgré le temps, Arthur ressentait toujours aussi cruellement l'absence de Merlin. Et cela le perturbait au plus haut point car il était conscient qu'il n'aurait jamais dû être aussi touché par cet événement. Après tout, Merlin n'était qu'un serviteur ! Mais, lorsqu'il tentait de se rasséréner par cette pensée, son esprit la combattait violemment et sa conscience lui répondait autoritairement : « Non, c'est ton ami ! Et même plus... ».

Alors qu'il était ébranlé par le manque que l'absence de Merlin provoquait en lui, il réalisa parallèlement qu'il avait de plus en plus de mal à supporter la présence quasi permanente de Guenièvre. La jeune femme n'ayant plus de maîtresse depuis la disparition de Morgana, elle avait demandé à être affectée au service du prince, ce qui lui offrait d'innombrables prétextes pour être constamment près de lui. Cette présence lui avait d'abord permis de ne plus penser au départ de Merlin, mais au fil des jours, elle était devenue de plus en plus pesante.

Ce jour-là, Arthur avait réussi à fuir Gwen en rejoignant son père dans la salle du trône pour lui présenter la liste des jeunes nobles qu'il avait finalement choisis pour devenir chevaliers. Lorsque Uther eut donné son assentiment, Arthur se dirigea vers l'intendance afin d'ordonner la préparation de la cérémonie d'adoubement qui aurait lieu deux semaines plus tard, le temps pour les familles des futurs chevaliers de venir jusqu'à Camelot assister aux réjouissances. Alors qu'il traversait la cour, un visage familier attira son attention. Souriant, il s'approcha du nouveau venu qui s'inclina :
— Sire.
— Lancelot ! Que nous vaut le plaisir de votre présence à Camelot ?
— J'avais envie de revoir les amis que j'ai rencontrés ici.
— Vous êtes le bienvenu. Je suis occupé pour le moment, mais je serais ravi de dîner avec vous ce soir afin que vous me contiez vos aventures depuis notre dernière rencontre.
— Ça sera un honneur pour moi, Sire, répondit Lancelot en s'inclinant à nouveau.
Arthur s'éloigna de quelques pas, puis fit volte-face :
— Lancelot ?
— Oui, Sire ?
— Êtes-vous passé à proximité d'Ealdor récemment ?
— Non. Pourquoi ?
— Merlin est reparti chez sa mère... pour quelques temps... et je me disais que vous auriez pu l'avoir croisé lors de vos voyages.
— Non, je ne l'ai pas vu. Je suis désolé d'apprendre qu'il n'est plus ici. J'aurais beaucoup aimé le revoir.
« Moi aussi... » pensa Arthur, la blessure de son cœur se rouvrant subitement. Il se força à sourire, puis lança :
— Je vous attends pour le souper.
— J'y serai, Sire.

Après avoir passé plusieurs heures à régler les détails de la cérémonie avec l'intendant, Arthur retourna dans ses appartements. Il fut contrarié de trouver Gwen devant sa porte.
— Guenièvre...
— Sire, j'aurais besoin de vous entretenir quelques instants d'un sujet très important.
Intrigué, Arthur l'invita à entrer dans sa chambre. La jeune femme semblait mal à l'aise. Ses joues étaient inhabituellement rouges et elle ne cessait de se tordre les doigts.
— Je vous écoute.
— Sire...
Elle prit une grande inspiration avant de reprendre :
— Messire Lancelot vient de me demander de l'épouser.
Arthur n'était guère surpris. Il était conscient de l'intérêt de son ami pour la jeune femme. Ce qui l'étonna, en revanche, c'était de ne pas éprouver le moindre ennui à ce qu'elle se marie avec un autre.
— Qu'avez-vous répondu ? Finit-il par demander en voyant qu'elle guettait sa réaction.
— Que je devais y réfléchir...
— Acceptez ! Lança Arthur sans hésiter. Vous avez ma bénédiction. Et je me charge d'obtenir celle de mon père.
La jeune femme le fixait, totalement abasourdie. Un air de résignation passa fugitivement sur son visage. Finalement, elle sourit légèrement et s'inclina :
— Je vous remercie, Sire.
Une fois qu'elle eut quitté la pièce, Arthur alla s'allonger sur son lit. Il se sentait étrangement soulagé que Gwen épouse Lancelot. Il se força à ne pas penser à Merlin, mais son manque lui revint, toujours aussi déstabilisant. Il ferma les yeux et ne tarda pas à sombrer dans un sommeil troublé.

***


Arthur descendait les marches avec lenteur, incrédule face à ce que ses yeux lui montraient. Il s'approcha de celui qui se tenait au milieu de la cour et lui souriait.
— Merlin...
Le jeune homme brun avait changé. Son visage semblait un peu plus dur, ses joues ombrées d'une barbe de quelques jours. Il avait perdu les derniers traits de l'enfance pour entrer entièrement dans l'âge adulte. Son regard était lumineux comme il ne l'avait plus été les derniers jours de sa vie au château.
— Bonjour, Arthur.
— Tu es revenu.
Merlin sourit plus largement, puis souffla :
— Maintenant que tu as compris qui je suis vraiment, je n'ai plus aucune raison de rester loin de toi...
— De quoi parles-tu ?
Merlin s'approcha et posa deux doigts sur la tempe d'Arthur.
— Tout est là. Ce que je suis, la raison de mon départ... Tout est dans ton esprit...
— Je ne comprends pas de quoi...
— Souviens-toi, Arthur. Souviens-toi de tout ce qui est arrivé depuis que je suis entré dans ta vie...
Le prince vit soudain son ami reculer, comme tiré en arrière par une force invisible.
— Non, attends !
— Lorsque tu auras compris, tu sauras où me trouver...


Arthur se réveilla en sursaut et en nage, le cœur douloureux. Il n'avait jamais cru au pouvoir des rêves, mais celui-ci était beaucoup trop réaliste pour n'être qu'un simple songe. Il décida alors d'obéir au Merlin onirique qui lui était apparu. Il repassa dans son esprit tous les évènements intervenus depuis l'arrivée du jeune homme à Camelot, de la sorcière qui avait pris l'apparence de Lady Helen jusqu'à l'attaque du dragon. Il revit le visage défait de Merlin lors de la mort de Balinor et son insistance à l'accompagner combattre. Et là, il comprit. Il fut pris d'une brusque colère en réalisant que Merlin lui avait menti depuis leur rencontre, mais se calma presque instantanément, comprenant les raisons de ces mensonges. Comment Merlin aurait-il pu avouer son si dangereux secret au fils de l'homme qui avait exterminé ses semblables ?
Arthur se sentit un peu vexé : la plupart des exploits qu'il s'attribuait étaient du fait d'un autre et de la magie. Mais, tout au fond de lui, il ne parvint pas en vouloir à Merlin bien longtemps. Alors qu'il essayait de se remettre de cette révélation qui venait de lui tomber dessus sans crier gare, il entendit à nouveau la voix de son ami dans son esprit :
« Lorsque tu auras compris, tu sauras où me trouver... »
Arthur sourit. Il savait exactement où aller. Il se leva d'un bond, griffonna une note à l'attention de son père, lui expliquant qu'il se rendait dans le royaume voisin, puis s'équipa avant de descendre aux écuries. La déchirure de son cœur, provoquée par le départ de Merlin sembla se refermer un peu dès qu'il quitta Camelot et prit la route du royaume de Cendred.

***


Il faisait presque nuit lorsqu'Arthur mit pied à terre et attacha son cheval à un arbre. Il avança jusqu'à l'entrée de la grotte où, quelques mois plus tôt, Merlin et lui avaient trouvé Balinor. Il hésita un court instant avant d'entrer. La caverne était malheureusement déserte mais le désordre qui y régnait prouvait que quelqu'un y vivait. Arthur décida alors d'attendre. Il ralluma le feu dans l'âtre et s'assit.
Le prince avait perdu la notion du temps lorsqu'il entendit une voix familière s'exclamer :
— Arthur ?
Il se leva d'un bond et se retrouva face à Merlin... Il fut abasourdi de voir que le brun était exactement tel qu'il l'avait vu en rêve. Il ne manquait que la lueur chaude au fond de ses yeux et le sourire. Le prince sut qu'il ne tenait qu'à lui de faire apparaître l'un et l'autre...
— Comment m'avez-vous trouvé ?
— Je sais tout, Merlin.
Son ami se figea, sur la défensive.
— De quoi parlez-vous ?
— Je sais que tu es un sorcier, que tu as sauvé ma vie et celle de mon père un grand nombre de fois. Que tu as vaincu le dragon et ainsi sauvé le peuple de Camelot. Et je pense, sans trop de risque de me tromper, que Balinor était ton père... et que, par conséquent, tu es à présent le dernier Dragonnier en vie.
Merlin était resté silencieux pendant qu'Arthur parlait. Lorsque le prince se tut, son visage était figé dans un masque de douleur :
— Vous me haïssez...
— Non ! S'empressa de le détromper Arthur.
— C'est par ma faute que tous ces gens sont morts ! J'ai libéré le dragon !
Le prince eut un mouvement de recul instinctif à cette annonce. Depuis qu'il avait découvert le secret de son ami, il n'avait pas un seul instant pensé que celui-ci pouvait être responsable de l'évasion du monstre qui avait massacré des dizaines d'innocents et de valeureux chevaliers.
— Vous pensiez tout avoir compris de moi, mais je suis certain que ceci ne vous a pas effleuré un seul instant.
La voix de Merlin était emplie de désespoir. Toujours sous le choc, Arthur fut incapable de maîtriser sa colère :
— Qu'est-ce qui a bien pu te pousser à cela ?
— Je lui en avais fait le serment. Il m'a aidé plusieurs fois à vous sauver, votre père et vous. En échange, il ne m'avait demandé qu'une seule faveur : le libérer. Je n'aurais jamais cru que...
— Qu'il s'attaquerait à Camelot ?
— Il m'avait promis...
— C'est un dragon ! Comment as-tu pu croire qu'il tiendrait sa promesse ? Mon père a fait exterminer son peuple et l'a enfermé pendant vingt ans ! Tu croyais qu'il allait partir comme ça ? Ou peut-être avais-tu justement prévu qu'il s'attaquerait à Camelot...
Merlin jeta un regard douloureux au prince :
— Vous pensez vraiment que j'aurais pu le libérer en sachant ce qu'il allait faire ? Que j'aurais pu prendre le risque qu'il blesse ou tue Gaius... ou vous ?
— Comment veux-tu que je le sache ? Je croyais te connaître mais tu m'as menti depuis notre rencontre !
Arthur eut un soudain besoin de sortir de cette grotte et de s'éloigner de celui qu'il était venu chercher. Sans un mot de plus, il se précipita à l'extérieur. Il se sentait mal. C'était comme si une main invisible lui broyait le cœur et les entrailles. Il tomba à genoux au bord de l'eau, cherchant à reprendre son souffle.
— Arthur !
— Laisse-moi !
Alors que Merlin s'approchait, le prince réagit instinctivement. Il dégaina son épée qu'il pointa sur son ami. Celui-ci se figea, puis ferma les yeux.
— Allez-y ! Tuez-moi !
Arthur était incapable de bouger, horrifié par ce qu'il était en train de faire mais toujours sous l'emprise de la colère.
— Tuez-moi ! Je préfère encore mourir que de lire du dégoût ou du mépris dans votre regard ! Je suis un sorcier, j'ai libéré le dragon... Je mérite de mourir !
Le blond fixait le brun, tétanisé, tiraillé par la bataille que se livraient à cet instant précis son cœur et sa raison. Finalement, au bout de quelques longues minutes, il baissa le bras et laissa tomber son épée sur le sol.
— Je ne te tuerai pas... souffla t-il d'une voix morne.
Merlin ouvrit les yeux et lui jeta un regard où se mêlaient la surprise, le soulagement et l'espoir. Ils restèrent tous deux quelques instants immobiles et silencieux, puis le jeune sorcier leva le regard vers le ciel où les premières étoiles apparaissaient.
— Vous ne pouvez pas reprendre la route maintenant, la région n'est pas sûre de nuit. Vous pouvez dormir dans la grotte et vous partirez à l'aube.
Sans attendre de réponse, Merlin retourna à l'intérieur. Arthur le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il ait disparu dans la caverne. Il ramassa son épée, puis rejoignit son cheval. Il savait qu'il serait plus prudent de rester pour la nuit, mais il avait besoin d'être seul. Il devait faire le point sur ses sentiments, sur les raisons qui le poussaient à laisser la vie sauve à Merlin alors que le seul acte logique à accomplir était de le tuer. Sans un regard en arrière, il grimpa sur sa monture et reprit la route de Camelot. Alors qu'il s'éloignait, il sentit le regard de Merlin posé sur son dos mais ne se retourna pas.

***


Malgré la fatigue, Arthur avait décidé de ne pas s'arrêter tant qu'il n'aurait pas atteint les terres de Camelot. Déjà qu'il avait quitté le château sans l'autorisation de son père, il ne manquerait plus qu'il se retrouve prisonnier du roi Cendred. Celui-ci se ferait un plaisir de se servir de lui pour faire pression sur Uther et obtenir les terres qu'il convoitait depuis des années.

Malheureusement pour lui, le destin en décida autrement. Alors qu'il n'était plus qu'à une demi-lieue de la frontière, le prince fut attaqué par cinq gardes de Cendred. En temps normal, il aurait peut-être réussi à leur échapper et à atteindre le royaume de son père. Mais la fatigue et le contrecoup des évènements de la journée ralentirent ses réflexes et il se trouva bientôt entravé, obligé de chevaucher entre les soldats qui le ramenaient auprès de leur seigneur.

Le roi Cendred, un homme ventripotent d'une cinquantaine d'année, barbu, sourit largement en voyant le prisonnier que ses gardes lui ramenaient. L'un des soldats voulut obliger Arthur à s'agenouiller, mais il résista. Pour le contraindre, l'autre lui donna un coup de genou dans le ventre. Le prince se plia en deux, mais resta debout. Alors que le garde allait le frapper à nouveau, la voix de Cendred s'éleva :
- Laissez-le !
Il se leva et s'approcha du blond qui le fixa droit dans les yeux.
- Voici donc le Prince Arthur Pendragon, fils du Roi Uther ! Ne savez-vous pas que votre père et moi sommes en conflit ?
- Je le sais.
- Et vous vous promenez tout de même sur mes terres ? Vous pensiez peut-être que votre chance légendaire allait vous permettre de passer inaperçu ?
Surpris, le jeune homme souffla :
- Ma chance légendaire ?
Cendred hocha la tête, toujours souriant :
- La rumeur dit que malgré le nombre sans cesse croissant de vos ennemis, vous sortez vainqueur de chaque combat. Et que vous guérissez miraculeusement de la pire des blessures sans en garder jamais aucune séquelle... Je serais curieux de savoir si cette dernière partie est vraie...
Une sueur froide traversa l'échine d'Arthur alors que le regard de son vis-à-vis se teintait de sadisme.
— Emmenez-le dans les cachots et prévenez Henson que j'aurais besoin de ses services dans peu de temps.
Deux gardes attrapèrent les bras du prince et le tirèrent hors de la pièce sous le regard amusé de Cendred. Quelques minutes plus tard, il fut jeté sans ménagement dans une geôle sombre et humide. Sa tête heurta violemment le mur, l'assommant presque. La fatigue et le découragement finirent de l'entraîner dans les profondeurs de l'inconscience.
2e partie by Cybelia
Tout son corps n'était plus que douleur. Il ne savait pas depuis combien de temps il était prisonnier de Cendred, mais il avait l'impression que ça faisait une éternité. Il aurait donné n'importe quoi pour que son supplice s'arrête. Il était même prêt à mourir pour cela. Mais si son tortionnaire s'arrangeait pour le faire souffrir suffisamment pour que ça soit insupportable, il se gardait bien de le tuer. Les ordres de Cendred avaient été clairs : Arthur devait rester en vie pour servir de moyen de pression sur Uther. Le prince se demandait si son père avait déjà mobilisé des troupes pour venir le chercher ou s'il ne s'était pas encore écoulé assez de temps pour que le roi soit inquiet de son absence. D'après ce qu'il avait entendu entre deux séances de torture, un messager avait été envoyé à Camelot pour proposer un échange à son père : la vie de l'unique héritier du trône contre la moitié des terres du royaume. Il n'avait pas réussi à savoir si la réponse était revenue et, le cas échéant, la nature de celle-ci.

Alors qu'il oscillait encore une fois au bord du précipice de l'inconscience, Arthur entendit qu'on ouvrait la porte de son cachot. Une exclamation de stupeur parvint à ses oreilles :
—Par tous les Dieux !
La voix était douloureusement familière, mais il savait qu'il devait être en plein délire car il était impossible que la personne à qui elle appartenait soit là, près de lui.
— Arthur... vous m'entendez ?
Une main fraîche se posa sur son front, repoussant les mèches collées par la sueur et le sang.
— Je vous en prie, répondez-moi ! Dites-moi que je ne suis pas arrivé trop tard...
La voix était si suppliante que le prince sentit ses paupières s'ouvrir instinctivement. Un grand soupir de soulagement lui parvint :
— J'ai cru vous avoir perdu !
Tout était flou autour de lui. Il n'arrivait pas à chasser les brumes qui obscurcissaient sa vision.
— Merlin ?
— Oui ! Je suis là ! Je suis venu vous sauver. Je sais que vous n'allez pas apprécier, mais je vais devoir utiliser la magie sur vous pour que vous puissiez marcher. Vous êtes trop lourd pour que je puisse vous porter hors d'ici.
Alors qu'il allait répondre que tout ce qui comptait, c'était de quitter cet endroit maudit, Arthur sentit des doigts se poser sur sa bouche :
— Chut, quelqu'un approche.
Il retint à grand peine un gémissement lorsque Merlin s'éloigna en direction de la porte. Quelques secondes plus tard, le sorcier revint près de lui et marmonna des mots incompréhensibles. Immédiatement, Arthur se sentit mieux. Il avait toujours mal, mais c'était devenu supportable. Et, surtout, sa vision s'était améliorée. Il pouvait à présent voir le visage inquiet de son ami penché sur lui.
— Comment vous sentez-vous ? Vous pouvez marcher ?
— Je pense...
Merlin l'aida à se lever. Ses jambes n'étaient pas très sûres, mais il réussit à tenir debout sans assistance.
— Je vais utiliser un autre sort pour nous rendre invisibles jusqu'à ce qu'on soit sortis du château. Des chevaux nous attendent dans la forêt. Nous devons les atteindre rapidement car mes sorts ont une durée limitée et je ne sais pas du tout à quel moment ils vont se dissiper.
— Alors, qu'attendons-nous ?
Merlin eut un petit sourire, puis tendit une épée à Arthur, son épée.
— Comment...
— Je vous expliquerai tout quand nous serons en sécurité.
Il prit le bras du prince, puis souffla :
— Surtout, ne me lâchez pas, quoiqu'il arrive. Le sort ne peut fonctionner sur nous deux qu'en présence d'un contact physique.
Le sorcier récita à nouveau des mots dans une langue inconnue du prince, puis lui fit signe de le suivre. Il sortirent du cachot et montèrent l'escalier sans croiser âme qui vive. Une fois en haut, il leur restait à traverser la salle de garde et la cour avant d'arriver au pont-levis qui les mènerait dehors. Dans la première pièce, six soldats jouaient aux dés ou discutaient. Merlin attira soudain Arthur contre lui au moment où l'un des gardes passait à côté d'eux. Les deux hommes retinrent leur souffle, mais l'autre ne sembla rien remarquer d'anormal. Ils traversèrent silencieusement la salle et passèrent la porte qui menait dans la cour. Là encore, ils réussirent à avancer sans encombre jusqu'au pont-levis.
Alors qu'il pensait qu'ils allaient réussir à quitter les lieux sans être vus, Arthur entendit soudain la voix de Merlin grogner :
— Le sort se dissipe déjà. Il va falloir courir !
Avant qu'il ait eu le temps de réagir, le sorcier l'entraîna avec force en direction de la sortie. Le prince eut du mal à le suivre, sentant le retour de la douleur. Des exclamations s'élevèrent derrière eux lorsqu'ils redevinrent totalement visibles. Arthur trébuchait presque à chaque pas tandis que son ami l'encourageait :
— Allez ! On y est presque ! Courage !
La peur de se faire reprendre par les hommes de Cendred et, surtout, que Merlin se fasse également capturer et torturer, sembla donner des ailes au prince qui réussit à courir sans tomber. Ils arrivèrent rapidement près des chevaux que le sorcier avaient dissimulés dans un bosquet d'arbres. Merlin aida Arthur à monter et une fois en selle, il prit les rênes des deux chevaux et les entraîna au plus profond des bois. Le prince avait du mal à rester conscient alors que la douleur l'avait à nouveau totalement envahi. Il s'effondra sur l'encolure de l'animal, s'efforçant simplement de ne pas en tomber.

***

Arthur reprit conscience dans un endroit sombre et frais. Il ne se souvenait absolument pas s'être évanoui, mais n'était pas surpris, compte tenu de la douleur qui tiraillait toujours son corps. Un gémissement lui échappa lorsqu'il tenta de bouger.
— Restez tranquille, souffla la voix douce de Merlin près de lui. Nous sommes en sécurité dans la grotte de mon père. Personne ne nous trouvera ici. Je sais que j'aurais dû vous ramener à Camelot où Gaius aurait pu vous soigner, mais le chemin était trop long. Les soldats de Cendred nous auraient rattrapés avant que nous ayons atteint la frontière. Je ne voulais pas prendre ce risque.
Arthur soupira, puis referma les yeux, essayant de ne pas penser à sa souffrance, de se concentrer uniquement sur la voix de son ami. Il sentit une main se glisser sous sa nuque pour lui redresser la tête et le bois d'un récipient contre ses lèvres closes.
— Buvez. C'est une potion dont j'ai trouvé la formule dans les affaires de mon père. Cela soulagera un peu votre douleur le temps que je fabrique de l'onguent.
Le prince obéit. Le liquide était tiède et avait mauvais goût, mais ce n'était rien à côté de tout le reste. Il avait l'impression que chacun de ses os étaient brisés, ce qui était sûrement le cas pour certains d'entre eux. La main de Merlin reposa sa tête sur l'oreiller, puis vint caresser ses joues et son front.
— Tout est de ma faute... Je n'aurais jamais dû vous laisser partir en pleine nuit...
Arthur voulut protester, mais il était trop épuisé pour parler. Le sorcier soupira :
— Essayez de dormir, je vais aller préparer l'onguent. Je ne serai pas loin.
Le prince l'écouta s'éloigner. À peine quelques secondes plus tard, il sombrait à nouveau dans le néant.

***

La douleur avait reflué. Elle était encore présente, mais beaucoup plus supportable que lors de son dernier réveil. Arthur ouvrit les yeux et plongea directement dans le regard tourmenté de Merlin posé sur lui. Il voulut parler, mais sa gorge était sèche. Il réussit à murmurer :
— Soif...
Son ami lui fit boire de l'eau fraîche, puis caressa encore une fois son front et ses joues.
— Vous avez eu un peu de fièvre, mais elle semble être tombée. Vous devez encore vous reposer. L'onguent devrait totalement soigner vos blessures. Il faut juste lui laisser le temps d'agir. Est-ce que vous avez faim ?
Arthur répondit d'un signe de tête négatif. Il demanda d'une voix un peu rauque :
— Comment m'as-tu retrouvé ?
— Je vous ai vu en rêve... Vous étiez enchaîné dans un cachot et vous vous faisiez torturer par un homme. Il y en avait un autre à côté de vous que j'ai reconnu comme étant Cendred.
— Combien de temps suis-je resté là-bas ?
— Il s'est écoulé deux jours entiers depuis votre départ d'ici. J'ai eu ce songe la nuit dernière et je suis parti immédiatement à votre secours. Je vous avoue que j'ai dû « emprunter » les deux chevaux que nous avons utilisés, mais je les rapporterai à leur propriétaire dès que vous irez mieux.
Un voile de terreur assombrit le regard clair de Merlin au moment où il soufflait :
— J'ai eu si peur d'arriver trop tard... Je n'aurais jamais pu supporter de vous perdre... Lorsque vous êtes parti, j'ai eu l'impression que l'on m'arrachait une partie de mon cœur, mais à l'idée que vous soyez mort...
Il s'interrompit, au bord des larmes. Arthur eut soudain l'impression de retrouver « son » Merlin, avec sa fragilité, sa candeur et sa maladresse. Et c'est à cet instant précis qu'il réalisa quelle était la nature exacte de ses sentiments pour celui qui se tenait près de lui. Il comprit pourquoi le départ de Merlin l'avait autant affecté, pourquoi il s'était réjoui que Gwen épouse Lancelot et pourquoi il avait pris autant de risque pour venir chercher celui qu'il savait être un sorcier. Cette révélation s'accompagna d'une autre qui lui serra le cœur : il avait lui-même du mal à comprendre comment il pouvait avoir de tels sentiments pour un homme alors il savait qu'il allait à son tour devoir garder un lourd secret et mentir. Il n'avait aucune envie que Merlin s'éloigne à nouveau de lui.
Inconscient de son trouble, le sorcier souffla soudain :
— Je n'aurais jamais dû venir à Camelot... Si je n'étais pas venu, vous...
— J'aurais été tué par la sorcière qui avait pris l'apparence de Lady Helen... ou par le chevalier Vaillant... ou par l'un des autres monstres que tu as vaincu. D'ailleurs, je me demande comment j'ai fait pour survivre avant ton arrivée !
Un léger sourire étira les lèvres de Merlin, réchauffant le cœur de l'autre homme.
— Je me le demande aussi...
Son visage se ferma à nouveau lorsqu'il reprit :
— Des gens innocents sont morts à cause de moi...
— Et tu en as sauvé des centaines d'autres ! Merlin, tu ne dois pas te sentir coupable de...
— Je le suis !
— Alors je le suis également ! Je suis coupable d'avoir été aussi aveugle, de ne pas avoir deviné plus tôt qui tu étais vraiment...
— Si vous l'aviez su, j'aurais été exécuté, soupira Merlin.
Arthur sentit l'agacement le gagner :
— Pourquoi tout le monde croit toujours que je suis comme mon père ?
Devant le regard surpris de son ami, il se calma et expliqua :
— Il est sûr qu'au départ, j'aurais eu peur et je t'aurais sûrement fait enfermer... mais ensuite, j'aurais compris que tu n'avais fait que sauver des vies et je t'aurais fait confiance. Je te fais confiance... Si tu nous avais voulu du mal, à mon père ou à moi, je ne serais déjà plus de ce monde. Je sais que tu as toujours voulu faire le bien. Ne crois-tu pas qu'il m'arrive de me sentir coupable d'avoir survécu lorsque tous mes hommes meurent au cours d'une bataille et que je survis ?
Merlin ne répondit pas, mais il sembla se rasséréner un peu.
— Vous devriez dormir encore, souffla-t-il au bout d'un moment. Vos blessures seront guéries à l'aube.
Arthur referma les yeux et se laissa emporter par le sommeil.

***

Cette fois-ci, lorsque le prince s'éveilla, il se sentait en pleine forme. La douleur s'était totalement envolée, mais il était affamé. Il s'assit et jeta un regard autour de lui. Merlin n'était nulle part en vue. Un peu inquiet, il allait se lever lorsqu'il vit son ami entrer dans la grotte. Le jeune sorcier sourit :
— Comment vous sentez-vous ?
— Beaucoup mieux ! Et j'ai une faim de loup !
— Je l'avais prévu.
Merlin lui apporta une assiette d'un appétissant ragoût et un énorme morceau de pain frais. Puis il alla s'asseoir près du feu, tournant le dos au prince.
— Tu ne manges pas ? Demanda Arthur entre deux bouchées.
— J'ai déjà pris mon petit-déjeuner tout à l'heure.
Le ton triste de son ami coupa presque l'appétit du blond qui souffla :
— Qu'y a-t-il ?
Merlin soupira profondément avant de répondre :
— Maintenant que vous êtes guéri, vous allez repartir.
Arthur posa son assiette et se leva. Ses muscles étaient un peu engourdis. Il s'étira consciencieusement puis alla rejoindre son ami. Merlin leva un regard surpris sur le prince lorsque celui-ci lança :
— Il est hors de question que je parte sans toi !
— Vous le devez ! Je ne peux pas retourner à Camelot maintenant que...
— Que je connais ton secret ? Tu veux vraiment me vexer on dirait !
— Non, je...
— Je t'ai déjà dit que je ne suis pas comme mon père. Si c'était le cas, je ne serais pas venu ici te chercher mais te tuer.
— Me chercher ?
— Pourquoi croyais-tu que j'avais fait tout ce chemin ? Ton secret est en sécurité avec moi. J'ai confiance en toi, Merlin... et j'aimerais que tu aies autant confiance en moi...
— C'est le cas, mais...
— Mais ?
Le sorcier baissa les yeux en soupirant.
— Vous ne savez pas encore tout de moi... Être un sorcier n'est pas le seul secret que j'ai dû vous dissimuler...
Arthur s'agenouilla à côté de son ami, surpris.
— Dis-moi.
— Vous ne m'avez pas haï pour ce que je suis... apparemment, vous ne me haïssez pas d'avoir libéré le dragon... mais vous me haïrez pour... cet autre secret que je ne peux vous révéler...
Un peu agacé, le prince grogna :
— Tu en dis trop ou pas assez... Puisque tu sembles si persuadé que ce que tu dissimules me fera te fuir, pourquoi ne pas me le dire ? Ainsi, je repartirai... seul... et tu n'entendras plus jamais parler de moi.
— Ce serait peut-être effectivement la meilleure solution pour vous comme pour moi... Il me sera ainsi plus aisé de vous oublier si je sais que vous me haïssez.
— M'oublier ? Ai-je donc été si terrible avec toi durant le temps où tu as été à mon service que tu veuilles m'effacer de ta mémoire ?
Merlin se leva d'un bond, visiblement mal à l'aise. Il s'éloigna d'Arthur qui se leva à son tour et se planta contre la paroi, les bras croisés. Il voyait bien que son insistance faisait souffrir son ami, mais la petite lueur d'espoir qui s'était allumée dans son cœur l'empêchait d'abandonner la partie. Il devait savoir si ce que Merlin dissimulait était ce à quoi tout son être aspirait... ou s'il se faisait simplement de cruelles illusions. Le sorcier lui tourna le dos, puis finit par répondre à sa question :
— Je n'ai aucune envie d'oublier votre existence... J'aimerais juste... que les sentiments inavouables et interdits qui emplissent mon cœur disparaissent à tout jamais...
À cet instant précis, Arthur sut qu'il avait deviné juste. En une fraction de seconde, tous les obstacles à leur bonheur traversèrent ses pensées, mais il les ignora. Il voulait être heureux, peu importe les conséquences. Il s'avança vers Merlin qui lui tournait le dos, le front appuyé contre l'une des parois de la grotte.
— Ne t'es-tu pas demandé pourquoi je t'accorde ma confiance alors que tu es un sorcier ? Ne t'es-tu pas demandé quels pouvaient être les sentiments inavouables et interdits qui emplissaient mon propre cœur ?
À ces mots, Merlin fit volte-face et sursauta presque en voyant que le prince n'était plus qu'à un pas de lui.
— C'est impossible... souffla le sorcier en le fixant avec ahurissement.
— Totalement incroyable oui, impossible non, sourit Arthur.
Il franchit la distance qui restait entre eux et posa ses mains sur les hanches de l'autre homme. Leurs visages se touchaient presque. Merlin baissa les paupières. Arthur sentait le souffle de son ami contre ses lèvres. Il hésita un court instant avant de poser avec douceur sa bouche sur celle du jeune sorcier. Celui-ci était figé, mais ne le repoussa pas, finissant même par se détendre au bout de quelques secondes. Le prince recula, le cœur battant à tout rompre. Aucun des baisers qu'il avait jadis donnés à des femmes n'avait affolé ses sens ainsi.
— Suis-je en train de rêver ? Souffla Merlin, les yeux toujours clos.
— Regarde-moi...
Le sorcier ouvrit les paupières. Leurs regards se soudèrent.
— Tu ne rêves pas, sourit Arthur.
Merlin enfouit son visage dans le cou de son compagnon qui le serra contre lui, savourant ce moment sans penser à rien d'autre qu'à celui qui était entre ses bras. Au bout d'un long moment, le sorcier se redressa et repoussa légèrement son ami qui lui demanda :
— Vas-tu rentrer avec moi à Camelot ?
Merlin le fixa un instant en silence, puis sourit :
— Comment crois-tu que je pourrais me passer de toi à présent ?
Malgré le soulagement que cette réponse lui apporta, Arthur était inquiet :
— Mon père doit être fou de rage s'il a reçu le message de Cendred.
— Alors nous devrions partir immédiatement ! Je nous prépare des victuailles pour la route.
— As-tu rendu les chevaux ?
— Non.
— Alors nous allons les utiliser pour rentrer. Il nous faut retourner à Camelot au plus vite avant que mon père ne lance une armée à ma rescousse. Si la guerre est déclarée entre nos deux royaumes, la paix sera des plus difficiles à retrouver.

***

Les deux hommes chevauchaient rapidement vers Camelot. Ils ne parlaient pas, l'un et l'autre aussi tourmentés à l'idée que l'armée d'Uther ne soit déjà en route. Alors qu'ils émergeaient au sommet du colline qui surplombait la rivière qui servait de frontière entre les deux royaumes, ils virent avec effroi qu'une trentaine de soldats de Cendred était alignés le long du cours d'eau, empêchant quiconque de le franchir. Et, en levant les yeux vers l'horizon, ils purent voir au loin un groupe de chevalier de Camelot qui approchaient au grand galop.
Arthur ne voyait pas quelle solution s'offrait à eux. Ils n'avaient aucun moyen de traverser la frontière sans se faire prendre. Et si les hommes d'Uther rencontraient ceux de Cendred, tout cette histoire allait se terminer dans un bain de sang.
— Tu me fais confiance ? Demanda soudain la voix de Merlin près de lui.
— Bien sûr ! Ne te l'ai-je pas déjà dit ?
— Si, mais je voulais l'entendre à nouveau. Je sais comment nous faire traverser les lignes ennemies. Mais, je dois bien sûr avoir recours à la magie...
— Si quelqu'un découvre que...
— Personne n'en saura rien. Suis-moi et surtout ne me quitte pas des yeux !
Il partit au galop en direction de la frontière. Arthur le suivit abasourdi. Alors qu'ils descendaient la colline, s'approchant de la rivière, une brume épaisse les entoura soudain, rendant la visibilité quasiment nulle. Le prince avait le plus grand mal à distinguer son compagnon devant lui. Il fonçait droit devant, espérant que le sortilège utilisé par Merlin dure suffisamment longtemps pour qu'ils puissent passer la frontière.

Tout à coup, aussi brusquement qu'elle était apparue, la brume se dissipa. Arthur vit qu'ils se trouvaient dans la forêt, en sécurité sur les terres de Camelot. Merlin ralentit l'allure, se laissant rattraper.
— Bien joué !
— Merci ! Sourit le sorcier.
Ils reprirent leur route au trot. À présent, il n'y avait plus aucun risque. Ils ne leur restait plus qu'à rejoindre la troupe envoyée par Uther et rentrer à Camelot avec les chevaliers.
— Merlin ?
— Oui ?
— J'aimerais que tu me promettes d'être très prudent lorsque tu utilises la magie.
— Je le suis toujours !
Arthur lui jeta un regard circonspect.
— Oui, bon... en général, je le suis... la preuve, tu n'as rien soupçonné pendant des mois !
— C'est vrai. Mais tout a changé maintenant. Je veux que tu ne prennes aucun risque. Je ne veux pas te perdre...
— Je te promets d'être très prudent. Encore plus qu'avant.
— Merci.
Ils chevauchèrent encore quelques minutes en silence, puis Merlin lança :
— Arthur ?
— Oui ?
— Quelque chose me tracasse depuis tout à l'heure...
— Je t'écoute.
— Il m'avait semblé... je pensais que... Et Guenièvre dans tout ça ?
Arthur sourit :
— Elle va épouser Lancelot.
Merlin lui jeta un regard abasourdi :
— Quoi ?
Le prince raconta sa discussion avec la jeune femme. Son compagnon n'eut pas le loisir de réagir aux informations qu'il venait d'apprendre car la troupe de Camelot apparut soudain en face d'eux. Ils furent surpris de voir le futur époux de Guenièvre parmi les chevaliers.
— Sire !
Plusieurs exclamations fusèrent. Arthur répondit de son mieux aux interrogations pendant que Merlin s'éloignait un peu avec Lancelot. Finalement, ils reprirent la route vers Camelot.

À peine Arthur était-il descendu de cheval qu'il se retrouvait emprisonné dans l'étreinte puissante de son père.
— Mon fils !
— Je vais bien, Père.
Uther le repoussa pour le regarder, l'air inquiet.
— Tu n'es pas blessé ?
— Non.
Devinant les pensées qui traversaient l'esprit de son géniteur, Arthur souffla :
— Je me suis enfui avant que Cendred ait eu le temps de me torturer.
— Comment as-tu réussi un tel exploit ?
— Je vous raconterai tout ceci devant un bon repas, je meurs de faim !
Uther sourit. Il prit son fils par les épaules et l'entraîna à l'intérieur. Du coin de l'oeil, Arthur vit Merlin rejoindre Gaius qui le serra dans ses bras. Pendant le trajet, le prince avait eu le temps d'inventer un mensonge assez plausible pour expliquer son évasion du château de Cendred. Lorsqu'il le sortit à son père, celui-ci ne sembla pas mettre sa parole en doute. Arthur savait que les seules personnes à même de dévoiler la vérité à Uther étaient leurs ennemis, que le roi ne risquait donc pas de croire, et Merlin.

Après avoir mangé et pris un bon bain, Arthur prétexta être fatigué par le voyage et monta dans sa chambre. Il ne fut pas surpris d'y trouver le sorcier, debout devant la fenêtre.
— Que va-t-il se passer pour nous à présent ? Demanda Merlin sans se retourner.
Arthur ferma la porte à clé, puis s'approcha de son ami. Il se colla contre lui, l'enlaçant. Le brun laissa sa tête reposer sur l'épaule de son compagnon et ferma les yeux.
— Il est hors de question de faire comme si de rien n'était, souffla le prince. Je connais mes sentiments et les tiens.
— Personne ne devra savoir...
— Tu es un expert dans l'art de dissimuler des secrets, non ?
— Oui, sourit Merlin. Si seulement tu n'étais pas prince...
— Je le suis... je ne peux pas changer ce que je suis... ni ce que tu es... ni ce lien qui s'est tissé entre nous...
— Ma mère m'a dit un jour que nous étions les deux faces d'une même pièce. Je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse avoir autant raison.
— Ta mère est une femme sage.
Ils restèrent un long moment silencieux, puis Merlin demanda :
— À présent que notre relation a changé, est-ce que je devrai toujours cirer tes bottes et faire reluire ton armure ?
Amusé, Arthur répondit :
— Bien sûr ! Il faut sauver les apparences. Les autres serviteurs ne comprendraient pas que tu bénéficies d'un soudain traitement de faveur. Et puis, je ne vais quand même pas faire mes corvées moi-même !
Merlin se retourna, déposa un léger baiser sur les lèvres du prince, puis se dégagea de son étreinte.
— Alors, ça veut dire que j'ai du travail à faire !
Un peu gêné, le blond souffla :
— Je t'accorde une journée de congé. Tu l'as bien méritée.
— Hors de question !
Arthur le fixa, un peu méfiant.
— Depuis quand as-tu un tel intérêt pour les tâches ingrates ?
— Depuis que le fait de les accomplir avec zèle peut me procurer une rémunération... en nature...
Et il quitta la chambre, laissant le prince avec la promesse de la prochaine découverte de délices inconnus.

Fin.
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