Le droit chemin by Cybelia
Summary: Fin alternative de la série : et si Robin et Guy s'en sortaient vivant grâce à une aide extérieure tant attendue ? Et si les derniers jours avaient modifié la nature de leurs sentiments respectifs ?
Categories: Séries Télé > Robin des Bois Characters: Guy de Gisborne, Robin des Bois
Genre : Slash
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 2 Completed: Oui Word count: 11831 Read: 2642 Published: 10/01/2011 Updated: 10/01/2011

1. Partie 1 by Cybelia

2. Partie 2 by Cybelia

Partie 1 by Cybelia
« Pour l'Angleterre ! »
Le peuple de Nottingham et de Locksley reprit en chœur le cri de leur charismatique leader. Toutes leurs voix s'unirent sauf une. Un seul homme resta silencieux, appuyé contre un mur, perdu dans les tourments qui agitaient son esprit et son cœur.
« Pour l'Angleterre ! » ne signifie rien pour moi. Si je me bats aujourd'hui, ce n'est ni pour l'Angleterre, ni pour le Roi Richard, ni pour ma propre vie, ni pour la vengeance contre Isabella et Vasey... non, si je me bats aujourd'hui, c'est pour lui... pour cet homme qui me fait confiance malgré les horreurs que j'ai commises... pour celui qui me permet ainsi de tenter d'expier mes fautes passées, même si je ne le mérite aucunement. J'ai tué la femme qu'il aimait et que j'aimais, pourtant il m'a accordé sa confiance. Je n'ai qu'un seul moyen de l'en remercier... Je suis prêt à donner ma vie pour lui...
— Nous devons tenir jusqu'à l'arrivée du Roi.
Guy se tourna vers Robin qui venait de le rejoindre.
— Crois-tu qu'il sera là à temps ?
— Il est notre seul espoir... répondit simplement le hors-la-loi. La nuit va tomber très vite, il faut organiser les défenses sur les remparts.
— Je m'en occupe.
Gisborne fit volte-face, soulagé d'avoir une tâche à accomplir qui l'empêcherait de trop réfléchir aux sentiments qui commençaient à naître dans son cœur.

***

Alors que tout semblait perdu, que les hommes de Vasey avaient réussi à pénétrer le château, les troupes du Roi Richard arrivèrent enfin et les prirent à revers, se frayant peu à peu un passage jusqu'à Nottingham. La bataille faisait rage dans la cité. Isabella, qui avait réussi à s'évader de son cachot, tenta de fuir, mais son frère la rattrapa au moment où elle allait passer le mur d'enceinte.
— Où crois-tu aller, petite sœur ? Lança Guy, l'épée tendue vers elle.
— Tu ne peux pas me tuer, tu n'as pas assez de cran pour ça !
— Je n'en ai pas l'intention. Je vais te livrer au roi pour qu'il décide de ton sort.
Isabella ricana :
— Et que crois-tu qu'il fera de toi, Guy ? Tu as le sang de centaines d'innocents sur les mains ! Tu crois vraiment que tu pourras t'en sortir aussi bien, juste parce qu'au dernier moment, tu t'es allié avec Robin des Bois ?
— Mon sort m'importe peu...
— Alors, dans ce cas...
Isabella fonça sur lui, l'épée à la main. Il esquiva facilement son attaque mais elle ne se découragea pas. Elle n'avait rien à perdre et le savait. Elle tenta plusieurs fois de toucher son frère, en vain. Celui-ci esquivait habilement chacune de ses estocades. Alors qu'il pensait avoir enfin l'avantage sur elle, une voix désagréablement familière s'éleva derrière lui.
— Gisborne, comme on se retrouve !
Guy fit volte-face et se retrouva nez-à-nez avec l'ancien Shérif Vasey. Pris entre deux feux, il était conscient qu'il ne serait pas capable de leur résister bien longtemps. Il se défendit vaillamment mais finit par se retrouver étendu sur le dos, désarmé, menacé par les épées de sa sœur et de Vasey. Au moment où il pensait mourir, sa dernière pensée fut pour l'homme qui était autrefois son ennemi. Quelle ne fut pas sa surprise de voir soudain celui-ci apparaître derrière Isabella. Robin fondit sur elle, lui laissant à peine le temps de réagir. Le combat s'engagea entre eux, rendant espoir à Guy qui roula sur le sol et ramassa son épée. Il parvint à contrer Vasey et, cette fois-ci, lui enfonça sa lame en plein cœur. L'ancien Shérif de Nottingham s'effondra, mort. Guy se tourna vers Robin et Isabella au moment où celle-ci réussit à blesser le voleur au côté. Voyant Robin se plier en deux, son ancien ennemi n'eut aucune hésitation : il transperça la jeune femme de son épée. Il se précipita ensuite vers Robin qui se tenait le flanc en grimaçant.
— Ce n'est rien... souffla le hors-la-loi alors que l'autre homme glissait un bras autour de sa taille pour l'empêcher de tomber.
C'est alors qu'un ricanement se fit entendre. Tous deux se tournèrent vers Isabella qui les fixait, un rictus sadique sur le visage, alors qu'elle perdait du sang avec abondance.
— J'ai empoisonné la lame... Tu seras mort d'ici peu, Robin des Bois...
Guy sentit son cœur se figer dans sa poitrine un court instant, mais l'espoir lui revint très vite.
— Tu n'aurais pas dû utiliser le poison que je t'ai donné... Je connais un antidote.
Ignorant les gémissements d'agonie d'Isabella, il souleva Robin, qui était à peine conscient, dans ses bras pour le ramener au château. Alors qu'il traversait la cour encombrée de cadavres, il pouvait sentir le souffle erratique de l'autre homme dans son cou.
— Tiens bon, Robin. Je t'interdis de mourir maintenant !
La bataille était terminée. Privés de leur chef, les hommes de Vasey avaient rendu les armes à ceux du Roi Richard. Guy emmena Robin à l'intérieur, auprès de Frère Tuck, et le déposa précautionneusement sur une table.
— Il a été empoisonné ! L'antidote se trouve dans l'herboristerie ; j'ai besoin de votre aide pour le retrouver.
Much et Archer se portèrent volontaires pour veilleur sur leur ami. Guy conduisit Tuck à travers les dédales de couloirs du château jusqu'à l'officine. Ensemble, ils trouvèrent rapidement le remède que le prêtre revint administrer à son ami sans tarder. Robin avait perdu connaissance et son visage était déjà crayeux. Guy resta en retrait, le cœur au bord des lèvres, espérant de toutes ses forces que l'antidote fonctionne. Les compagnons du hors-la-loi se pressaient autour de leur chef, inquiets. Much serrait le bord de la table à s'en faire blanchir les jointures. Jean, le visage couvert de sang suite à une blessure à la tempe, était assis contre un mur, son bâton toujours entre ses mains. Archer se tenait debout près de la table, Kate blottie entre ses bras, le visage enfoui contre son torse. Tuck examinait sans relâche son patient, espérant voir apparaître un signe d'amélioration. Adossé au mur, Guy sentait ses mains trembler violemment. Il les glissa dans son dos et baissa la tête, dissimulant ainsi ses traits torturés. Que n'aurait-il donné à cet instant pour être à la place de Robin sur cette table ! Alors qu'il sentait ses espoirs peu à peu disparaître, un gémissement s'éleva, les faisant tous réagir.
— Robin ?
— Much, écarte-toi, laisse-le un peu respirer ! S'exclama Tuck. Robin, tu m'entends ?
— Oui... que...
Il tenta de s'asseoir mais le prêtre l'en empêcha.
— Ne bouge pas !
Envahi par un soulagement intense, Guy quitta les lieux. Il fit quelques pas avant de s'effondrer à genoux, les larmes inondant son visage. Il ne bougea pas lorsqu'une voix inconnue retentit :
— Emprisonnez cet homme !
Il sentit deux bras l'attraper et l'obliger à se relever. Quelques minutes plus tard, il fut jeté sans ménagement dans un cachot. Il s'assit, remontant ses genoux contre son torse et enfouit son visage entre ses bras croisés. Une seule pensée tournait en boucle dans son esprit :
Robin est vivant... Robin est vivant...

Il ne savait pas depuis combien de temps il était dans ce cachot lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir. Il reconnut immédiatement le pas familier de celui qui venait de le rejoindre.
— Robin ? Que fais-tu ici ?
— Je suis venu te remercier... tu m'as sauvé...
Guy eut un faible sourire.
— Après tout le mal que j'ai fait, mon dernier acte sur cette terre devait servir la bonne cause.
Robin s'agenouilla en face de lui.
— Tu ne vas pas mourir, souffla le hors-la-loi.
— Au vu de mes actes passés, je ne pense pas que le Roi Richard sera de ton avis.
— Je le convaincrai de te laisser la vie sauve.
Surpris par le ton résolu de l'autre homme, Guy lui adressa un regard interrogatif. Comme Robin restait silencieux, il lança :
— Pourquoi ? Pourquoi voudrais-tu sauver ma vie ? Mes mains sont couvertes de sang... celui d'innocents... celui de Marianne... Pourquoi...
— Parce que tu m'as prouvé qu'on peut changer... qu'on peut se repentir et retrouver le droit chemin.
Avant que Guy ait eu le temps de répondre, Robin se leva et se dirigea vers la porte du cachot. Lui tournant le dos, il ajouta avant de sortir :
— Et parce que je ne suis pas certain de pouvoir supporter de te voir mourir...
La phrase du hors-la-loi fit bondir le cœur de l'autre homme dans sa poitrine. Guy ferma les yeux et appuya sa tête contre le mur, troublé. Depuis que Robin avait décidé de lui faire confiance, des sentiments étranges mais non inconnus avaient commencé à s'épanouir dans son cœur. Le genre de sentiments qu'un homme ne devrait pas éprouver envers un autre homme... encore moins envers celui qui, quelques semaines plus tôt, était son ennemi juré.

***

Guy estima qu’il s’était passé au moins trois jours depuis la visite de Robin lorsque deux gardes vinrent le chercher à l’aube, lui entravant les mains. Persuadé qu’ils le conduisaient à la potence, il fut surpris lorsqu’ils prirent la direction de la grande salle. Celle-ci était remplie par des gens du peuple de Nottingham, des seigneurs et, bien sûr, Robin des Bois et ses compagnons. Sur le siège autrefois occupé par le shérif trônait le Roi Richard. Les gardes conduisirent Guy dans un coin de la pièce et le forcèrent à se mettre à genoux. Lorsqu’il releva la tête, son regard croisa celui, insondable, de Robin. L’ancien hors-la-loi rompit le contact lorsque le roi se leva. Richard Cœur de Lion se lança dans un discours interminable que Gisborne n’écouta pas, perdu dans ses pensées. Il ne reporta son attention sur ce qui se déroulait devant lui que lorsque le roi fit signe aux compagnons de Robin d’approcher, celui-ci restant en arrière. Archer, Much, Jean et Kate s’inclinèrent devant Richard.
— En remerciement de votre bravoure de vos loyaux services, je vous accorde à tous quatre l’amnistie pour vos actions passées. Vous êtes à présent des hommes, et une femme, libres.
Un page leur donna à chacun un parchemin fermé par le sceau royal.
— De plus, certaines des terres qui avaient été annexées par l’ancien Shérif Vasey étant aujourd’hui sans maître, je vous offre à chacun une parcelle et le titre qui lui est associé.
Les quatre amis se regardèrent, agréablement surpris. Ils reprirent leurs places sur le côté tandis que leur ancien chef s'avançait face à Richard. Il mit un genou à terre, la tête inclinée vers le sol. Le roi sourit :
— Levez-vous, Robin de Locksley.
Le jeune homme obéit.
— En récompense pour votre courage et votre loyauté sans faille à mon égard, je vous rends votre titre de Seigneur de Locksley et je vous offre en complément celui de Shérif de Nottingham.
Des murmures d’approbations parcoururent la foule. Le roi reprit :
— Je vous dois beaucoup, Robin. Si vous souhaitez formuler un souhait que je sois en mesure d’accomplir, je vous promet de l'exhausser.
Gisborne sentit son cœur manquer un battement lorsque l’ancien hors-la-loi, nouveau shérif, lui adressa un regard intense avant de lancer à l’intention du roi :
— Quel que soit ce souhait ?
— Je tiens toujours mes promesse.
— Alors, j'ai effectivement un souhait à formuler : que vous remettiez le sort de Guy de Gisborne entre mes mains.
Alors que Guy fixait Robin, totalement abasourdi par la demande de son ancien ennemi, un brouhaha monta de la foule rassemblée dans la salle. Visiblement surpris, le Roi Richard leva la main pour réclamer le silence. Il regarda les deux hommes tour à tour, puis lança :
— Gisborne est un traître à la couronne d’Angleterre. Son sort est déjà arrêté.
Il se tut un court instant, semblant se rappeler qu'il venait d'accepter d'honorer n'importe quelle demande de la part de Robin, puis reprit, l'air contrarié :
— Je n'ai qu'une parole, Messire de Locksley. Le destin de cet homme est donc à présent, comme vous le souhaitez, entre vos mains.
Robin hocha la tête en signe de remerciement, puis s'approcha de son ancien ennemi. Il ordonna aux deux gardes de relever Guy et de le suivre. Ils quittèrent la salle pour se rendre dans l'une des tours. Là, Robin s'arrêta devant une porte que Gisborne connaissait bien : celle de ses appartements. Le nouveau shérif sortit une grosse clé de sa poche et ouvrit le lourd battant. Tous les meubles et les biens de Guy avaient été retirés de la pièce, sauf le lit recouvert d'une couverture de laine, un broc rempli d'eau fraîche et un seau d'aisance posé dans un coin. Les deux gardes firent entrer leur prisonnier, puis, sous les indications de Robin, ils attachèrent une chaîne épaisse à sa cheville droite. Lorsque ce fut fait, l'ancien hors-la-loi ordonna aux gardes de sortir. Guy se laissa tomber sur le lit, encore sous le choc des derniers évènements. Il était totalement perdu, ne comprenant pas ce qui se passait.
Avant qu'il puisse interroger l'autre homme, celui-ci lança :
— Tant que le Roi Richard demeurera à Nottingham, tu resteras ici. Ensuite...
— Pourquoi fais-tu ça ? L'interrompit Guy. Je mérite la mort. Toi plus que quiconque devrait en être conscient. Si j'étais à ta place...
— Mais tu ne l'es pas... le coupa Robin.
Il se détourna, cependant Gisborne eut le temps de remarquer son air triste.
— Tu me hais...
Les épaules du plus jeune s'affaissèrent subitement, comme si un poids terrible venait de s'abattre sur lui.
— Je le devrais... je t'ai haï... mais aujourd'hui, j'en suis incapable...
Les mots de Robin réchauffèrent le cœur de Guy dont la haine envers son ancien ennemi s'était transformée en sentiments bien plus doux et surtout plus intenses. Au fin fond de sa geôle, il avait fini par admettre la nature inavouable de ce qu'il ressentait et l'avait accepté, pensant être bientôt mort. Mais, à présent que la perspective de son exécution semblait presque effacée, il ne savait plus comment réagir... surtout lorsque l'autre homme venait de lui avouer ne plus le haïr.
— Robin...
— Je dois redescendre auprès du Roi.
Sans un mot de plus, il quitta la pièce. Guy entendit la clé tourner dans la serrure. Il attendit que le bruit des pas de Robin s'éloigne pour s'allonger sur le lit, les bras croisés sur le visage.
Il ne me hait plus... et moi... et moi je l'aime... Je ne le devrais pas... pas après tout ce que nous avons traversé, pas après ces années durant lesquelles je l'ai rendu responsable de mes malheurs... pas après Marianne... Que ça soit un pêché mortel m'importe peu, je suis de toutes façons déjà damné pour l'éternité, et plus encore ! Mais il ne me hait plus... et en demandant à Richard de lui remettre mon sort, il m'a sauvé la vie... Que veut-il ? Se pourrait-il que... Non, impossible... Il n'est pas comme moi... Son âme n'est pas pervertie comme la mienne... Peut-être a-t-il seulement eu pitié de moi ? Non... je ne comprends pas...

***

Guy passa les deux premiers jours de sa nouvelle captivité allongé sur son lit. Il ne bougeait que pour satisfaire ses besoins primaires, ne prêtant aucune attention aux serviteurs chargés de son ravitaillement. Tourmenté par ses pensées et ses sentiments, il avait peur de finir par perdre la raison. Pourtant, il ne parvenait pas à se motiver pour se lever.
Le matin du troisième jour le trouva englué dans la même routine. …tendu sur le lit, Guy fixait le plafond, perdu dans ses tourments. Il ne réagit pas lorsque la porte s’ouvrit, mais sursauta en entendant une voix familière retentir :
— Si tu restes encore comme ça longtemps, tu vas finir recouvert de toiles d’araignées…
Guy se redressa sur un coude, plongeant son regard clair dans les yeux noisettes de Robin qui se tenait adossé à la porte, les bras croisés.
— Je ne vois pas trop ce que je pourrais faire d’autre… souffla son ancien ennemi, la voix rendue rauque par deux jours de mutisme.
Ils restèrent un long moment à se fixer en silence, puis le nouveau shérif sourit :
— Déjà, tu pourrais te laver… Ça ne sert à rien que je te fasse porter de l’eau fraîche chaque matin si tu dois t’empoussiérer sur ce lit.
— Je me laverai quand j’aurais une visite qui en vaut la peine.
— Tu en as une maintenant, non ? Ou tu considères que je n’ai pas plus d’importance pour toi qu’un serviteur ?
Guy sentit les battements de son cœur s’affoler devant la lueur inconnue qui éclairait le regard de l’autre homme. Pour tenter de se calmer, il se leva et se dirigea vers le broc. Il ôta sa veste en cuir et sa chemise afin de se laver. Même s’il tournait le dos à Robin, il pouvait sentir son regard intense lui brûler la peau. Lorsqu’il eut fini, il se contenta de renfiler sa chemise blanche qui se retrouva très vite trempée et collée à son torse. Ses cheveux longs gouttaient sur ses épaules. Il passa une main dedans pour les discipliner un peu avant de se tourner vers Robin.
— Satisfait ? souffla Guy, un léger sourire aux lèvres.
Il n’était pas facilement impressionnable, mais le regard troublé de l’autre homme fit à nouveau palpiter son muscle cardiaque comme un fou. Gisborne sentit une douce chaleur envahir son corps alors que Robin semblait très intéressé par ce qu'il voyait. Ne voulant pas risquer de perdre son sang-froid et de laisser son corps le trahir par une action inconsciente, Guy se racla la gorge et demanda :
— Alors, comment se sont déroulés ces premiers jours en tant que Shérif de Nottingham ?
Robin haussa les épaules.
— Disons que pour le moment, c’est surtout le Roi Richard qui commande. J’en ai profité pour aider le peuple de Locksley à remettre le village en état. Les dégâts faits par Vasey et ses troupes ont été considérables.
— Je pourrais me rendre utile… souffla Gisborne.
— Je sais… mais tant que le roi est là, tu es plus en sécurité dans cette pièce. Je n’ai aucune envie qu’il lui prenne l'idée de revenir sur sa parole s’il te croisait par hasard dans le château. Et je ne suis pas non plus certain que le peuple serait ravi de te voir déambuler librement.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi tu tiens tant à me garder en vie…
Locksley sourit :
— Si je t’avouais que moi non plus je ne le comprends pas, tu me croirais ?
Guy ne répondit pas. Il jeta un bref coup d’œil par la fenêtre en soupirant.
— Richard va rester combien de temps ?
— Il est le seul à le savoir.
— Je crois que tes efforts pour me sauver vont être vains le jour où je vais mourir d’ennui dans cette chambre…
Robin détailla les lieux rapidement.
— Il est clair que tout ceci doit être horriblement frustrant pour un homme d’action tel que toi… Je n’ai malheureusement aucune solution à te proposer pour le moment.
— Je ne te demande rien. Je patienterai jusqu’au départ de Richard en espérant que tu ne m’auras pas oublié dans cette chambre d’ici là…
— Je ne risque pas de t’oublier, souffla l’ancien hors-la-loi.
Il fit volte-face pour sortir. Juste avant de refermer le battant, il lança un regard amusé à Guy :
— Attends-toi à me revoir bientôt.
Une fois seul, Gisborne se laissa tomber sur son lit. La visite de Robin lui avait redonné un peu d’espoir de voir son avenir s’éclaircir.

***

Le lendemain soir, Robin revint voir Guy après le souper. Il ne resta qu’une dizaine de minutes, lui racontant sa journée. Ce rituel se répéta immuablement durant trois semaines. Les visites du nouveau shérif se prolongeaient chaque soir un peu plus, renforçant peu à peu l’amitié qui se forgeait entre eux. Les journées paraissaient longues à Guy, mais la perspective de passer quelques minutes avec Robin lui permettaient de tenir sans devenir fou. Cependant, ses sentiments pour le jeune homme ne faisaient que se renforcer au fil des jours, rendant de plus en plus difficile leur dissimulation.

Ce soir-là, presque un mois après la victoire contre les troupes de Vasey, Guy vit tout de suite que quelque chose n’allait pas lorsque son nouvel ami entra. Robin souriait, mais une lueur de tristesse obscurcissait son regard. Une marque rouge, virant déjà sur le violet, ornait sa mâchoire et le bas de sa joue droite.
— Que t’est-il arrivé ?
Robin ne répondit pas. Il se dirigea vers la fenêtre et fixa le paysage au dehors. Inquiet, Guy fit un pas vers lui mais s’arrêta lorsque la voix de son ami s’éleva finalement :
— Le Roi Richard quitte Nottingham demain.
— Cela n’a pas l’air de te réjouir.
— Ce que son départ implique n’est pas du goût de tout le monde…
— Tu parles de ma libération ?
Robin se tourna vers lui et hocha la tête avant de reprendre :
— J’ai tenté de convaincre les autres que tu as changé, que tu es digne de confiance. Pourtant, malgré ce qui s’est passé lors de la bataille contre Vasey, ils refusent d’y croire totalement. Jean est parti en grognant qu'il espérait vraiment que tu sois devenu un homme meilleur… Kate…
— Elle a des raisons de me haïr. J’ai tué son frère.
— Mais tu le regrettes ? souffla Robin d’un ton empli d’espoir.
— Je regrette chaque goutte de sang d’innocent que j’ai versé… Je serais prêt à donner ma vie si cela pouvait faire revenir n’importe lequel d’entre eux.
— Je suis heureux de te l'entendre dire… mais je ne parviens pas à convaincre mes amis de ta bonne foi.
Il soupira profondément avant de reprendre :
— Kate et Archer ont rejoint leur nouveau domaine.
Surpris, Guy demanda :
— « Leur » domaine ?
— Les parcelles de terre que le roi leur a offertes sont contiguës. Je pense que l’on célébrera prochainement leur mariage… Je me demande si je serai invité…
— Je pensais que Kate et toi…
— Notre relation appartient au passé. Elle est née pendant une période de trouble et n’a pas survécu à l’établissement de la paix.
Ces mots firent s’envoler un poids du cœur de Guy. Il se retint cependant de sourire devant l’air grave de l’autre homme.
— Ne me dis pas que l’hématome sur ta joue a été fait par une frêle jeune femme…
Les coins des lèvres de Robin se soulevèrent légèrement.
— Non, ce n’est pas Kate qui m’a frappé. C’est Much…
— Je pensais pourtant qu’il t’était plus dévoué que n’importe lequel de tes compagnons.
— Il l’était… mais je crois qu’il est jaloux de toi…
— De moi ? Pour quelle raison ?
— Parce que je m’entête à te défendre… Je pense qu’il a compris qu’aujourd’hui, je tiens à toi peut-être autant qu’à lui…
Avant que Guy ait eu le temps de réaliser ce que la phrase de son ami impliquait, celui-ci reprit :
— Il a quitté le château. Je ne pense pas le revoir de sitôt. Seul Frère Tuck est prêt à te laisser le bénéfice du doute. Il croit qu’un homme peut changer, mais je sais qu’il est tout de même sur ses gardes. Il ne sera pas le dernier à vouloir te tuer si tu devais redevenir celui que tu étais.
— Je le comprends, sourit Gisborne.
Robin s’adossa au mur, les mains dans le dos, et baissa la tête.
— Toujours est-il qu’aujourd’hui, je suis seul…
Guy s’approcha, poussé par un élan de tendresse.
— Je suis là… je sais que ça ne t’es sûrement pas d’une grande consolation mais...
— Tu te trompes… souffla Robin sans lever les yeux.
Il se tut à nouveau un court instant avant de reprendre :
— Je dois te faire un aveu... je n'en ai encore parlé à personne...
Il releva la tête et plongea son regard dans celui de Guy :
— Je ne veux pas être shérif. Je n'ai accepté le titre que parce qu'il fallait une personne de confiance à ce poste... et parce que j'étais certain que Richard refuserait ma requête te concernant si je repoussais son offre...
Gisborne digéra lentement l'information, puis demanda :
— Que vas-tu faire alors ?
— Pour le moment, je n'ai pas trop le choix, je dois rester. Le comté de Nottingham a besoin de se reconstruire. Le peuple a besoin de stabilité et d'avoir à sa tête quelqu'un en qui il peut croire, sur qui il peut se reposer. Pourtant, si tu savais combien j'ai peur de ne pas être à la hauteur de leurs attentes...
Guy fit deux pas de plus en direction de son ami et posa une main sur son épaule.
— Je suis sûr que tu ne les décevras pas. N'es-tu pas le grand Robin des Bois ?
L'intéressé eut un léger sourire, mais l'autre homme pouvait toujours voir le doute dans ses yeux.
— J'aurais aimé que tu puisses reprendre le poste de shérif, souffla Robin au bout de quelques secondes.
— Moi ? S'étonna Guy. Le peuple me hait... Richard me hait... Si j'arrive à sortir dans les rues de la ville sans me faire lyncher, j'aurais déjà de la chance alors redevenir shérif...
L'ancien hors-la-loi baissa à nouveau le regard. En cet instant, il avait l'air terriblement fragile et vulnérable. Sans même se rendre compte de ce qu'il faisait, Guy laissa sa main quitter l'épaule de Robin pour aller frôler délicatement l'hématome sur sa pommette. Le plus jeune frissonna et son aîné retira vivement ses doigts, conscient qu'il venait de franchir une limite interdite. Alors qu'il reculait d'un pas, l'autre homme attrapa sa main, l'empêchant d'aller plus loin. Et, avant que Guy ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, Robin se redressa et posa légèrement ses lèvres sur les siennes. Ce ne fut qu'un effleurement, mais il enflamma les sens du captif. Il n'eut pas le loisir d'en profiter longtemps car Robin recula tout à coup en murmurant :
— Je suis désolé...
Et il quitta la chambre, laissant son ami sous le choc. Guy fit glisser ses doigts sur ses lèvres où il pouvait encore sentir celles de l'autre homme. Il avait l'impression d'être au beau milieu de l'un des songes qui le tourmentaient nuit après nuit.
C'est un rêve... ça ne peut être qu'un rêve... il est impossible que Robin m'ait embrassé... Ou alors... je suis mort... mais ça aussi c'est impossible car je suis condamné à l'enfer et ce baiser était plutôt un avant-goût du paradis...
Guy alla se passer de l'eau fraîche sur le visage pour calmer son trouble. Il s'appuya ensuite au mur près de la fenêtre, laissant son regard errer sur le paysage nocturne. Des pensées toutes plus folles les unes que les autres tournaient dans son esprit.
S'il me laisse réellement sortir d'ici après le départ de Richard, nous allons devoir mettre les choses au clair... Après un tel geste...
Guy soupira profondément et ferma les yeux, appuyant son front contre la pierre froide.
Pourquoi t'es-tu enfui ? J'ai besoin de comprendre... Mon cœur a besoin de comprendre... Il a besoin de toi, Robin...

***

Le lendemain, Guy fut réveillé par un tintamarre provenant de la cour du château. Par sa fenêtre, il vit la troupe du Roi Richard se mettre en branle et quitter Nottingham. Moins d’une heure plus tard, un garde vint le chercher pour le conduire dans le bureau du shérif. Robin s’y trouvait en grande discussion avec Frère Tuck. Les deux hommes s’interrompirent à son entrée. Le garde fit asseoir Gisborne et quitta la pièce. Robin commença :
— Comme je te l’ai promis, à partir d’aujourd’hui, tu n’es plus prisonnier. Cependant, je te demanderai de ne pas quitter le château seul. Certaines personnes risquent de ne pas accepter facilement ta libération.
— Je comprends.
— Je sais que tu veux te rendre utile. Frère Tuck a justement besoin d’aide pour inventorier les biens laissés par Vasey et Isabella.
— Je serais ravi de vous prêter assistance, souffla Guy en se tournant vers le prêtre.
Il était conscient que Robin lui donnait ce poste pour être sûr que quelqu’un de confiance le surveillerait lors de ses premiers jours de liberté. Cependant cela ne le dérangeait pas. S’il fallait en passer par là pour tranquilliser son nouvel ami, Guy était prêt à l’accepter sans sourcilier. Il regrettait juste de ne pas pouvoir parler à Robin en tête-à-tête afin d’aborder le sujet qui lui brûlait les lèvres et lui chamboulait le cœur. Ce qu’il ignorait à cet instant précis, c’était qu’il lui faudrait encore attendre longtemps avant de pouvoir se retrouver seul à seul avec l’élu de son cœur.

***

Les jours puis les semaines passèrent. Après l’inventaire, Robin chargea Guy d’aider à la reconstruction d’une partie du château qui avait été fortement détériorée lors de la bataille. Le peuple de Nottingham, d’abord méfiant envers lui, finit par s’habituer à le voir déambuler librement. Même si certains ne parvenaient pas à oublier ses exactions passées, la plupart des gens croyaient en sa tentative de rédemption. D'autant plus que celle-ci était soutenue par leur nouveau shérif, leur héros, l'homme qui les avait libérés du joug du Prince Jean, de Vasey et d’Isabella.
Durant ces semaines, les journées se déroulèrent sur le même rythme : du lever au coucher du soleil, Guy travaillait sans relâche aux tâches qu'on lui assignait. Il avait troqué son habituelle tenue de cuir noir contre de simples vêtements en toile, plus confortables et moins fragiles au regard de son labeur quotidien. La nuit venue, il rentrait dans sa chambre, fourbu. Malgré la fatigue, il s'attendait chaque soir à une visite de Robin, mais celui-ci semblait sciemment éviter de se retrouver seul avec lui depuis ce fameux jour.

Finalement, au bout d'un mois, fatigué de devoir attendre le bon vouloir de l'autre homme, il décida de prendre les devants. Il rentra dans sa chambre, se lava et enfila sa tenue de cuir. Ainsi vêtu, il se sentait plein d'assurance et espérait pouvoir enfin obtenir les réponses qu'il attendait tant. Il traversa à grands pas les couloirs jusqu'aux appartements de Robin. Arrivé là, il frappa sans hésiter.
— Entrez ! Lança la voix lasse du nouveau shérif.
Guy poussa la porte, puis la referma soigneusement derrière lui. Robin était dans la pénombre, au fond de la pièce que n’atteignait pas la lumière des fines chandelles posées sur sa table de chevet. Lorsqu'il se rapprocha, torse-nu, Guy sentit soudain ses sens s'enflammer.
— Gisborne ? Y a-t-il un problème ?
— Nous devons parler.
— À quel sujet ?
— Celui à cause duquel tu évites de te retrouver seul avec moi depuis un mois.
Robin soupira profondément et détourna les yeux.
— Il n'y a rien à dire... Cela n'aurait jamais dû arriver... Je pensais que tu pouvais me pardonner mon geste déplacé, mais apparemment tu...
— Il n'y a rien à pardonner... souffla Guy en s'approchant de son ami.
L'ancien hors-la-loi releva les yeux vers lui, l'air surpris. Il ouvrit la bouche pour parler, mais Gisborne fut plus rapide :
— Est-ce que tu t'es demandé ce que je ressentais ? Ce que ton geste a provoqué en moi ?
— J'ai pensé... que je te dégoûtais...
— Mais tu te trompais...
Guy fit encore un pas vers son ami, un léger sourire aux lèvres. Les remords de l'autre homme lui laissaient supposer qu'il ressentait le même genre de tourments que lui-même. Alors que le brun avançait, Robin reculait d'autant. Il finit être bloqué, se retrouvant littéralement dos au mur. Guy se pencha vers lui, posant ses paumes sur la pierre froide de chaque côté de sa tête. Il plongea son regard azur dans les yeux noisettes de son vis-à-vis.
— J'ai changé, Robin... grâce à toi... pour toi... mon cœur était empli de haine et d'amertume jusqu'à ce que tu y fasses naître des sentiments plus nobles... Je les ai dissimulés, enfouis au plus profond de moi car ils sont totalement contre-nature... et qu'au jour de ma mort, ils m'entraîneront dans les abîmes des enfers. Mais aujourd'hui, je ne peux plus me taire. Tu m'obsèdes...
Sa main droite descendit caresser légèrement l'épaule de Robin qui frissonna. Les doigts de Guy continuèrent leur route plus bas, jusqu'à se poser sur le torse, au niveau du cœur. Il pouvait sentir sous la peau les pulsations un peu trop rapides qui prouvaient l'effet de ses gestes sur l'autre homme.
— Je ne peux pas te demander de te condamner toi aussi à l'enfer... mais j'ai besoin de savoir si mes sentiments sont réciproques...
Avant que Robin ait eu le temps de répondre, Guy se pencha un peu plus et captura ses lèvres. Il s'attendait à se faire violemment repousser, pourtant, ce fut le contraire qui advint : son ami glissa une main dans sa nuque pour l'empêcher de s'écarter. Instinctivement, leurs bouches s'entrouvrirent et leurs langues se découvrirent pour la première fois. Un frisson de désir traversa l'échine de Guy au moment où Robin souda son corps au sien. Ils rompirent finalement le baiser par manque d'air. Le plus âgé sourit tendrement devant la rougeur qui avait envahi les joues du plus jeune.
— Ma réponse te satisfait-elle, finit par demander le nouveau shérif, reprenant contenance.
— Elle est au-delà de mes espérances... sourit Guy.
L'expression de Robin changea soudain, passant d'une légère béatitude à un sérieux inquiétant. Il se dégagea de l'étreinte de son ami et alla enfiler sa chemise.
— Vas-tu me rejeter maintenant ? Demanda Gisborne.
— J'en suis totalement incapable... répondit l'autre homme en lui faisant à nouveau face. Cependant...
Il s'interrompit un court instant, puis reprit :
— Je ne parviens pas à concevoir un avenir avec toi... avec nous deux ensemble...
Le cœur de Guy se figea.
— Ne te méprends pas : je souhaite vraiment que notre relation s'approfondisse... mais...
Comprenant ce que son ami tentait de lui dire, le brun souffla :
— Cela aurait été plus aisé si l'un de nous avait été une femme.
Robin acquiesça d'un hochement de tête. Son air sérieux avait fait place à de la tristesse et un peu de résignation. Le brun demanda :
— Ne peux-tu envisager que nous ayons une relation secrète ?
— Est-ce réellement possible ?
— Je le pense. Personne n'a besoin savoir ce qui se passe dans nos chambres. Et je suis certain que nous avons suffisamment de sang froid pour ne pas laisser transparaître nos sentiments lorsque nous sommes avec d’autres personnes. À moins que je sois si irrésistible que tu ne puisses te maîtriser...
Guy fut soulagé de voir un sourire sincère éclairer le visage de son ami. Il s'approcha de lui et l'enlaça avant de l'embrasser à nouveau avec passion. Alors que le désir enflammait une fois encore ses veines, des coups frappés à la porte les firent tous deux sursauter. Ils se séparèrent vivement. Guy s'éloigna de plusieurs pas avant que Robin n'aille ouvrir. Le brun retint à grand peine un grognement d'agacement en voyant qui était le visiteur imprévu : Much.
Il n'y a que lui pour nous déranger dans un moment pareil !
Much ne sembla pas plus ravi que Guy de voir celui-ci dans la chambre de son ami.
— Qu'est-ce que tu veux, Much ? Demanda Robin.
— Je ne voudrais pas déranger... grogna le nouveau venu.
Guy sentit qu'il était temps pour lui de retourner dans ses propres appartements.
— J'allais justement partir.
Il se dirigea vers la porte. Much s'écarta pour le laisser sortir. Juste avant de quitter la pièce, le brun se retourna :
— Robin, on reprendra notre conversation demain soir ?
— J'y compte bien, répondit le nouveau shérif avec un sourire complice.
Le cœur léger, Guy rejoignit sa chambre. Il ôta ses vêtements et se glissa dans son lit. Dès qu'il ferma les yeux, le souvenir des baisers échangés avec Robin lui revint. Le sommeil le gagna peu à peu, l'emportant au pays des songes rejoindre l'homme qu'il aimait.

À suivre...
Partie 2 by Cybelia
Le lendemain matin, Guy était en train d’aider à consolider le mur d’enceinte à l’est du château lorsqu’il vit Robin s’approcher à cheval. Le shérif s’arrêta à côté de son ami et descendit de sa monture.
— Je dois partir régler une affaire au nord du comté. Je serai absent deux ou trois jours.
Déçu à l’idée de le voir partir, Guy réussit toutefois à le dissimuler habilement.
— Merci de m’avoir prévenu.
— Nous reprendrons notre discussion dès mon retour.
— Je serai là, sourit le brun en repoussant une mèche qui lui tombait sur les yeux.
Ils échangèrent un long regard empli de non-dits, puis Robin remonta à cheval. L’autre homme le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue. Son remettant au travail, il eut tout le loisir de se plonger dans ses pensées. Son esprit vola jusqu’à Robin. Il se remémora leur toute première rencontre, lorsqu’ils étaient enfants, puis les évènements qui les avaient poussés sur des voies contraires. Même s’il était certain de ses sentiments pour l’autre homme, il avait du mal à comprendre comment ils avaient réussi à passer d’une haine mortelle à un amour profond. Tout les avait toujours opposés… et pourtant ils partageaient à présent un lien indéfectible.

***

Au soir du troisième jour, les travaux s’achevèrent. Tuck, que Robin avait chargé de gérer le château en son absence, renvoya les hommes réquisitionnés à leur vie courante. Guy, lui, se retrouva totalement désœuvré. Le premier soir, il ne s’en soucia pas car la fatigue le poussa à se coucher aussitôt souper. Cependant, dès le lendemain matin, il commença à s’ennuyer. Homme d’action, il n’avait jamais supporté de rester désœuvré.
L’inaction lui pesait tellement qu’il se rendit dans le bureau de Robin où il était à peu près sûr de trouver Frère Tuck. Celui-ci était plongé dans la lecture d’un parchemin et sembla surpris de le voir.
— Que puis-je pour vous ?
— Auriez-vous une tâche à me confier ?
Le prêtre réfléchit un long moment.
— Je suis désolé, mais je ne vois pas quoi vous proposer. Je pensais que Robin serait rentré avant que les travaux ne soient achevés et qu’il aurait prévu quelque chose pour vous.
Guy avait bien une idée à lui soumettre, cependant, compte tenu de sa situation, il était persuadé que sa proposition serait refusée. Il tenta tout de même sa chance :
— Enfant, j’ai appris à travailler le bois auprès d’un menuisier. Si vous me laissiez accès à un atelier, je pourrais me rendre utile.
— Vous donner cet accès équivaudrait à vous autoriser à quitter l’enceinte du château… et je n’ai pas ce pouvoir. Seul Robin peut vous l’accorder.
— Je le sais… mais l’inaction me pèse… Ne pourriez-vous me fournir du matériel afin que je travaille ici ? Je suis capable de fabriquer aussi bien des meubles que des flèches.
Tuck sourit :
— Je vais y réfléchir.
— Merci.
Guy quitta le bureau et se dirigea vers la cour. Deux gardes s’entraînaient. Il s’arrêta pour les regarder jouter, analysant leurs mouvements et, surtout, leurs défauts respectifs. Il sourit en voyant l’un des deux se faire désarmer par une feinte simple de son adversaire. Le combat à l’épée lui manquait. Il aurait aimé se joindre à eux mais était conscient que ce geste serait très mal vu. Même s’il n’était pas prisonnier et si certains acceptaient sa présence, il restait un ennemi dans l’esprit de beaucoup. Après toutes les horreurs qu’il avait commises, après toutes les morts qu’il avait sur la conscience, il ne pouvait pas leur en vouloir. Sans Robin, il serait déjà en enfer, exécuté par le Roi Richard.

Guy fut tiré de ses pensées par Tuck qui venait de le rejoindre.
— Nous avons besoin de mobilier pour renouveler celui détruit pendant la bataille. Je peux vous faire installer un atelier dans l’une des salles vides du château.
— Cela serait parfait, sourit Gisborne. Merci.
— Suivez-moi, je vais vous montrer une pièce qui devrait vous convenir.
Tuck le conduisit dans l’aile ouest, à quelques mètres de l’escalier menant à ses appartements. La salle, pour l’instant vide, était spacieuse et munie de deux grandes fenêtres qui laissaient entrer le soleil à flot.
— Je suis allé voir Peter Wallace, le menuisier de Nottingham. Il va vous amener du matériel dès cet après-midi et vous donnera des instructions concernant le mobilier à façonner.
— Je vous remercie.
— Ne vous y trompez pas. Même si je suis heureux de constater que Robin ne semble pas s’être fourvoyé vous concernant, je fais cela pour lui et non pour vous.
— J’en suis conscient.
Tuck hocha la tête et quitta la pièce. Guy contempla les lieux en souriant. Il commençait enfin à se sentir à sa place au château.

Gisborne passa l'après-midi à installer son atelier, prenant son temps pour se concevoir un endroit bien à lui où il pourrait travailler à son aise. Lorsqu'il eut fini, le soir était tombé. Il alla se laver, puis se rendit aux cuisines pour dîner. Depuis que Robin était parti, il préférai manger seul, n'ayant aucune envie de supporter la compagnie des gardes ou de toute autre personne qui le méprisait. Après toutes les horreurs qu'il avait commises, il ne voulait pas en plus imposer sa présence à ceux qui ne voyaient toujours en lui qu'un assassin sans cœur. Tout au fond de lui, il était conscient que, quelles que soient ses actions futures, il ne serait jamais capable de racheter le mal qu'il avait fait.
Lorsqu'il eut fini de dîner, il reprit le chemin de sa chambre. Il installa une chaise près de la fenêtre et se mit à tailler un morceau de bois à la lueur de la pleine lune. Peu à peu, une silhouette chevaline commença à se deviner dans les contours encore grossiers de la sculpture. Perdant la notion du temps, Guy s'obligea à arrêter son ouvrage lorsque ses yeux commencèrent à se fermer d'eux-mêmes. Il posa ses outils, puis alla se coucher en songeant au retour prochain de Robin.

***

Trois jours de plus passèrent avant que Guy, inquiet, ne décide d'aller voir Tuck pour lui demander s'il avait eu des nouvelles de leur ami. Cela faisait maintenant plus d'une semaine que Robin était parti alors qu'il ne devait s'absenter que deux ou trois jours. Vêtu de sa tenue de cuir, il était bien décidé à emprunter un cheval et à quitter le château pour aller rejoindre son ami si le prêtre n'avait pas de réponse à lui apporter. Guy trouva Tuck dans la cour, les yeux fixés sur le ciel à l'horizon.
— Frère Tuck, avez-vous eu des nouvelles de Robin ?
Sans le regarder, le prêtre répondit :
— Il s'est arrêté à Locksley sur le chemin du retour et a décidé d'y passer quelques jours pour régler l'intendance de son domaine. Il devrait revenir bientôt... j’espère que ça sera avant que ce qui arrive au loin ne nous atteigne...
Ne comprenant pas à quoi l'autre homme faisait allusion, Guy se tourna dans la même direction que lui, mais ne vit rien.
— De quoi parlez-vous ?
— Le vent forcit depuis cette nuit. Et les animaux se terrent ou fuient vers le sud. Quelque chose approche...
— Un orage ?
— Possible... mais je crains quelque chose de plus violent... Une tempête... Il faut prévenir les villages alentours pour que la population se mette à l’abri ici ou dans les grottes les plus proches.
À peine Tuck eut-il fini sa phrase que Guy réalisa le trajet qu'allait suivre la perturbation à venir. Et il réagit en fonçant vers les écuries, ignorant les appels du prêtre derrière lui. Alors qu'il sellait un cheval, Tuck le prit par le bras pour l'arrêter :
— Que faites-vous ?
— Locksley va être l’un des premiers villages touchés. Je dois aller prévenir Robin.
— Vous n'avez pas le droit de quitter le château !
— Essayez donc de m'en empêcher ! Rugit Guy en se dégageant et en sautant sur sa monture.
Sans attendre la réponse du prêtre, il éperonna l'animal qui partit au galop, laissant très vite Nottingham derrière lui.

La forêt était étrangement silencieuse de tout cri animal et de tout chant d’oiseau. Guy la traversa rapidement, le cœur étreint par un très mauvais pressentiment. Lorsqu’il déboucha des bois, son regard se tourna instinctivement vers le nord-ouest, direction d’où devait provenir la tempête. Le ciel s’était déjà nettement assombri, preuve que Tuck ne s’était pas trompé. Il relança sa monture au galop et atteignit rapidement Locksley. Arrêtant son cheval, il en descendait juste lorsque Robin le rejoignit, visiblement furieux :
— Que fais-tu ici ? Tu ne dois pas…
— Une tempête approche ! l’interrompit Guy. Je suis venu te prévenir. Il faut évacuer le village immédiatement !
Robin se tourna dans la direction que son ami lui désignait et fronça les sourcils, l’air soudainement soucieux.
— Nous n’aurons pas le temps d’atteindre Nottingham. Il faut nous réfugier dans les grottes. Jean vient juste de repartir vers son village, va le rejoindre et préviens-le. Pendant ce temps, j’organise l’évacuation ici.
— J’y vais !
Guy remonta en selle et fonça à la suite de l’autre homme. Moins de dix minutes plus tard, il rattrapa Jean à qui il expliqua la situation, puis il reprit la route de Locksley. Lorsqu'il y arriva, les villageois étaient en train de rassembler rapidement le minimum vital : de la nourriture, de l'eau, du bois pour le feu et des couvertures. Robin les dirigeait avec efficacité, aidé par la mère de Kate qui jeta un regard mauvais à Guy quand il passa près d'elle. L’ignorant, il rejoignit son ami qui réquisitionna immédiatement son cheval pour le transport des vivres. Les enfants, les personnes âgées et une partie des femmes étaient déjà en route pour les grottes. Ceux qui restaient s’activaient, fébriles et inquiets. Le vent s’était levé et des bourrasques de plus en plus violentes soulevaient la poussière.
— Que puis-je faire ? demanda Guy, criant presque pour parvenir à se faire entendre malgré le sifflement du blizzard.
Robin désigna un groupe de personnes et de chevaux qui attendaient près d’eux.
— Accompagne-les aux grottes.
— Et toi ?
— Je m’occupe de ceux qui restent. Je vous rejoins.
Ils échangèrent un long regard silencieux. Guy était inquiet, mais obéit aux ordres de son ami. Il rejoignit le groupe de villageois et leur transmit les paroles de Robin. Certains d’entre eux le regardaient avec aménité, mais l’approche de la tempête les fit renoncer à s’en prendre à lui. Ils partirent donc rapidement à travers bois afin de rejoindre les cavernes où ils seraient en sécurité pendant la tempête.

Au fur et à mesure qu’ils approchaient des grottes et s’éloignaient de Locksley, Guy sentit son angoisse grimper. La traversée de la forêt fut périlleuse car des branches volaient et manquèrent plusieurs fois de toucher l’un des villageois. Gisborne lui-même évita de justesse de se faire assommer. Finalement, après presque une demi-heure de trajet, ils parvinrent enfin à l’abri. Laissant les villageois s’installer, Guy revint vers l’entrée des grottes, guettant l’arrivée de Robin. Il lui sembla s’être passé une éternité lorsqu’il aperçut enfin le dernier groupe d’hommes de Locksley approcher. Ils entrèrent rapidement dans l’abri, mais le nouveau shérif n’était pas avec eux. Guy attrapa le bras du dernier venu pour l’interroger :
— Où est Robin ?
— Je ne sais pas… je pensais qu’il était juste derrière moi…
Fou d’angoisse, Guy ne réfléchit pas. Il quitta l’abri des grottes, fonçant en direction de Locksley. La tempête était à présent totalement levée. Le vent furieux tourbillonnait, les feuilles volaient en tous sens, rendant sa progression difficile. Il n'avait pas parcouru trente mètres qu'il vit un groupe approcher face à lui. Un soulagement intense l'envahit lorsqu'il reconnut Robin au milieu d'une famille de villageois. Serrant dans ses bras une petite fille d'environ cinq ans, l'ancien hors-la-loi luttait difficilement contre les rafales. Guy vit soudain avec horreur une énorme branche être arrachée d'un chêne et se diriger droit sur Robin et la fillette. La suite se déroula très rapidement : Gisborne se précipita pour pousser son ami hors de la trajectoire du rondin, mais ne parvint pas à l'éviter lui-même. Le morceau de bois le frappa à la tempe et il s'effondra, plongeant instantanément dans l'inconscience.

***

Guy avait l'impression que sa tête allait exploser. Il ouvrit les yeux et tenta de s'asseoir, mais la main de Robin posée à plat sur son torse l'en empêcha.
— Ne bouge pas. Tu as pris un mauvais coup. Ça ne saigne plus, mais tu devrais te reposer un peu.
— Je suis resté inconscient longtemps ?
— Juste le temps qu'on te ramène à l'abri et que je nettoie ta blessure.
Guy jeta un coup d’œil autour de lui et fut surpris de constater qu'ils se trouvaient seuls dans une petite caverne, à l'écart des villageois. Robin expliqua :
— Ils ont encore du mal à se faire à ta présence... et puis j'ai pensé que tu aurais besoin de calme.
— Tu as eu raison... j'ai l'impression que toutes les trompes de chasse du roi résonnent dans ma tête...
Robin prit un linge humide et le lui posa sur le front.
— Je n'ai pas de remède pour soulager ta douleur.
— Ne t'en fais pas pour moi, souffla Guy en se forçant à sourire. Tu as réussi à amener tout le monde en sécurité ?
— Oui, enfin tous ceux qui étaient là lors de l'évacuation. Ceux qui étaient en forêt ou sur la route... j'espère qu'ils auront pu se mettre à l'abri. Et j'espère que les autres villages auront réussi à évacuer à temps...
Devant l'air soucieux de son ami, Gisborne lança :
— Tu devrais te reposer toi aussi.
— Je verrai ça plus tard... pour l'instant, le peuple compte sur moi.
— Le peuple compte un petit peu trop sur toi, Robin. Un jour, tu y laisseras ta santé... ou ta vie...
— J'en suis conscient mais...
Même s'il ne continua pas sa phrase, Guy savait ce que son ami pensait. Il retint à grand peine un soupir : Robin ne serait jamais capable d'abandonner ceux qu'il avait toujours protégés. Il referma les yeux, espérant parvenir à calmer sa migraine. Quelques instants plus tard, il sentit la main fraîche de son ami caresser doucement sa joue et ses cheveux. La douleur refluant lentement, Guy finit par s'endormir.

***

Deux heures plus tard, la tempête avait changé de visage. À présent, le tonnerre grondait alors que des éclairs déchiraient violemment le ciel sans qu'une seule goutte de pluie ne tombe. Il faisait aussi sombre qu'en pleine nuit alors qu'il était à peine midi. Les villageois, inquiets pour leurs habitations et les animaux qu'ils n'avaient pas pu emmener avec eux, envoyèrent un groupe d'hommes pour évaluer les dégâts causés par le vent. Robin tenta de les convaincre qu'il valait mieux attendre la fin de l'orage, mais ils ne l'écoutèrent pas. Aussi, il décida de se joindre à eux. Guy, dont la douleur avait reflué, les accompagna, malgré les protestations de son ami qui aurait voulu qu'il reste à l'abri se reposer. Après que le brun eut adressé un regard noir à son ancien ennemi, celui-ci avait rendu les armes.

Locksley était en piteux état lorsqu'ils y arrivèrent. La plupart des maisons avaient perdu leurs toits de chaume. Les animaux des fermes s'étaient enfuis. Certains avaient été tués par des chutes d'arbres ou de pierres provenant des plus hautes bâtisses. Les grondements du tonnerre faisaient vibrer le sol et tous sursautèrent lorsque la foudre frappa un chêne à une centaine de mètres d'où le groupe se tenait.
— Il faut retourner dans les grottes ! Lança Robin. Nous ne pouvons rien faire tant que l'orage n'est pas passé !
Les villageois se rangèrent cette fois-ci à son avis et reprirent le chemin en sens inverse. Alors qu'ils passaient à proximité de l'église, Guy vit soudain son ami changer de direction pour entrer dans le bâtiment.
— Robin ! Où vas-tu ?
— J'ai entendu du bruit à l'intérieur !
— C'est sûrement un animal. Viens !
Le plus jeune n'écouta pas son aîné et pénétra dans la bâtisse. Guy le suivit en rageant. Alors qu'il s'attendait à voir l'endroit désert, les deux hommes se retrouvèrent nez-à-nez avec une femme et cinq enfants qui s'étaient réfugiés tout au fond de l'église, contre l'autel. Au moment où ils allaient rejoindre la famille terrorisée, un fracas assourdissant se fit entendre et le sol trembla violemment. Un souffle puissant les fit rouler à terre alors que le toit en bois prenait feu, frappé par la foudre. La charpente s'enflamma rapidement. Robin et Guy se relevèrent, puis attrapèrent les mains des enfants pour les faire sortir avant que le plafond ne s'effondre sur eux. La maman, pétrifiée par la peur, ne bougeait pas, serrant son nourrisson contre elle. Guy poussa les enfants dont il tenait les mains vers l'extérieur et fit immédiatement volte-face pour aller chercher leur mère et le bébé. Il s'agenouilla devant la femme qui le fixait, tétanisée.
— Il faut sortir !
— Je ne peux pas ! Si je reste ici, Dieu me protègera !
— Si vous restez, vous mourrez et votre enfant aussi ! Et les autres seront orphelins. C'est ce que vous voulez ?
Comme elle ne réagissait pas et que le temps pressait, Guy décida d'utiliser les grands moyens. Il lui arracha son bébé des bras, puis partit en courant vers la sortie. Comme il s'en doutait, la femme le poursuivit en hurlant :
— Rends-le moi ! Rends-moi mon fils !
Il quitta le bâtiment qui risquait de s'effondrer d'un instant à l'autre. Les autres villageois étaient revenus sur leurs pas et se tenaient à l'abri à une centaine de mètres avec Robin et les enfants. Guy se précipita vers eux, la femme hurlant toujours après lui :
— Rends-moi mon bébé ! Aidez-moi, il m'a volé mon bébé !
L'un des hommes vint en courant à leur rencontre, l'air furieux. Il obligea Guy à s'arrêter et l'apostropha :
— Espèce d'ordure ! Tu vas lui rendre son enfant immédiatement !
Avant que Gisborne ait eu le temps de s'expliquer la femme se jeta sur lui pour lui reprendre son dernier né. Le villageois s'apprêtait à frapper Guy lorsqu'ils furent rejoints par Robin qui arrêta l'homme au dernier moment.
— Wilhem, non !
— Il lui a pris son bébé !
Guy se sentait mal. La douleur dans son crâne était revenue, plus puissante. Il était au bord de la nausée et bredouilla :
— Elle ne venait pas... il fallait que... le seul moyen...
Il sentit ses jambes le lâcher et, sans la présence de Robin qui le soutint, il se serait écroulé au sol. Le nouveau shérif lança d'un ton sec :
— Tu ne comprends pas qu'il les a sauvés ! Anna n'est sortie que parce qu'il lui a enlevé son enfant ! Tu le traite comme un monstre alors que tu devrais le considérer comme un héros et le remercier !
Sans plus s'occuper des autres, Robin aida Guy à s'asseoir à l'abri contre un mur qui avait résisté à la tempête. À peine fut-il sur le sol que le brun perdit à nouveau connaissance, terrassé par la douleur.

***

Cette fois-ci, lorsque Guy s'éveilla, il n'avait presque plus mal. Et il était confortablement allongé sur un lit. Il ouvrit lentement les paupières, puis soupira de soulagement en constatant qu'il se trouvait dans sa chambre. Robin était assis dans un fauteuil près de lui, profondément endormi. Guy s’assit, adossé à un oreiller. Il profita de l'occasion pour contempler le visage paisible de son ami, couvert d'une légère barbe. Le nouveau shérif avait rarement l'air aussi détendu et serein. Au bout de quelques minutes, il bougea un peu et s'éveilla à son tour. Il se frotta les yeux, puis réalisa qu'il était observé et sourit :
— Comment te sens-tu ?
— Mieux. L'orage est fini ?
— Depuis trois jours. Tu as eu une poussée de fièvre, on a cru te perdre mais Tuck t'a sauvé.
Un voile de tristesse passa sur le regard de Robin. Inquiet, Guy demanda :
— Il y a eu des victimes ?
— Quelques unes... des gens qui n'ont pas réussi à se mettre à l'abri à temps...
— Tu n'y pouvais rien, Robin.
— Je le sais, sourit le plus jeune.
— Alors qu'est-ce qui te trouble autant ?
L'ancien hors-la-loi baissa les yeux sur ses mains jointes avant de répondre :
— Quand j'ai cru te perdre... j'ai réalisé à quel point je tiens à toi...
Il releva la tête, plongeant son regard noisette dans les yeux azur de Guy :
— Promets-moi de ne jamais me refaire une telle frayeur.
— Tu sais très bien que c'est le genre de promesse impossible à tenir.
— Alors, promets-moi au moins que tu feras tout ton possible pour éviter le danger à l'avenir...
— Celle-ci, je peux te la faire.
Robin sourit. Il se pencha et scella leur accord par un léger baiser posé sur les lèvres de l'autre homme. Lorsqu'il se redressa, il souffla :
— J'ai rétabli la vérité sur ce qui s’est passé avec Anna et son bébé. Tous savent maintenant que tu les as sauvés.
— Tu n'avais pas à le faire.
— Tu es un héros, Guy. Je ne pouvais pas les laisser penser le contraire.
— Cela ne suffira pas à me faire bien voir d'eux. Pas après tout ce que je leur ai fait subir par le passé.
— Peut-être... mais ce n'est que la première pierre de l'édifice... et si tu continues dans cette voie, peut-être que je finirai par pouvoir te céder la place de shérif et que je pourrai simplement redevenir celui que je n'aurais jamais dû cesser d'être.
— Robin des Bois ?
— Il est mort lorsque je suis devenu shérif. Aujourd’hui, je ne sais plus qui je suis…
— Tu es Robin, l’homme qui m’a rendu meilleur… celui qui m’a conduit dans le droit chemin… et que j’aime…
Le plus jeune parut ému par sa déclaration. Il passa une main dans sa nuque, l’air las.
— Je suis si fatigué… Je n’en peux plus de ces combats, d’être celui sur qui tout le monde compte… Je rêve de m’enfuir loin d’ici, jusqu’en Terre Sainte peut-être, et de commencer une nouvelle vie où personne ne me connaîtrait… où personne ne compterait sur moi… Je rêve de pouvoir enfin me reposer sur quelqu’un…
Guy se redressa et prit la main de Robin dans la sienne.
— Je suis là. Je ne suis peut-être pas la première personne à qui tu penserais pour te soutenir, mais…
— Détrompes-toi. Tu es le seul…
Il se tut un moment, puis demanda d’une voix peu assurée :
— Si je te proposais de tout quitter pour partir avec moi, tu le ferais ?
— Je ne reste ici que pour être près de toi… alors oui, je partirais sans hésiter !
Robin sourit et se pencha pour l’embrasser à nouveau. Cette fois-ci, Guy ne le laissa pas s’éloigner. Il l’attira dans ses bras, approfondissant le baiser. Le désir les envahit, mais le plus jeune résista. Lorsque son compagnon le laissa respirer, il souffla :
— Pas ici… je ne veux pas connaître ce bonheur-là avec toi dans ce château qui me rappelle tant de mauvais souvenirs.
Un peu frustré, mais comprenant très bien les réticences de son ami, Guy hocha la tête. Robin quitta ses bras afin de résister plus facilement à la tentation.
— As-tu faim ?
— Un peu.
— Je vais aller prévenir Tuck de ton réveil et te faire préparer un bon repas.
Guy attendit que son ami ait quitté la pièce pour se rallonger et refermer les yeux, pensif. L'idée de quitter Nottingham était très tentante, mais il était conscient que Robin ne pourrait jamais partir comme ça, sur un coup de tête, même s'il en mourrait d'envie. Peut-être un jour... plus tard...

***

Les jours passèrent. Guy se rétablit rapidement et proposa à Robin d'aider à la reconstruction des villages dévastés par la tempête. Son ami accepta avec enthousiasme, deux bras solides n'étant pas de trop vu tout le travail à accomplir, et l’envoya à Locksley. Alors qu'il déblayait les décombres d'une maison détruite afin d'en construire une nouvelle à sa place, Guy entendit une voix féminine s'élever derrière lui. Il se retourna et se trouva face à Anna, son bébé endormi dans ses bras et le reste de sa descendance autour d'elle. Elle hésita un instant, puis souffla :
— Je tenais à vous remercier de nous avoir sauvés, mes enfants et moi.
— Je vous en prie, répondit Guy, ému.
— Et je voulais aussi m'excuser de ma conduite ce jour-là... je n'aurais pas dû...
— Vous aviez peur, votre réaction était naturelle.
Elle lui sourit et hocha la tête.
— Merci encore, Messire.
Et elle partit rapidement, emmenant sa progéniture vers l'autre bout du village. Guy la suivit des yeux et se remit ensuite à l'ouvrage, le cœur léger.

Le soir même, lors du dîner, Robin souffla :
— J'ai appris qu'Anna était venue te remercier.
— C'est vrai.
— Tu vois que tes bonnes actions sont reconnues, sourit le shérif.
— Grâce à toi.
— Non. C'est toi qui l'a sauvée avec son bébé. Et c'est toi qui en a récolté le mérite, c'est tout à fait normal.
Gêné, Guy lança :
— Et si nous changions de sujet ?
— Justement, j'ai une proposition à te faire.
— Laquelle ?
— Comme tu le sais, certains villageois ont perdu la plupart de leurs biens... Même si on leur reconstruit des maisons, ils n'ont plus de meubles. Et Wallace a du mal à assurer toutes les commandes donc..
— Je serais ravi de fabriquer tout ce dont ils auront besoin. Tu n'as qu'à me fournir la liste de ce qu'il faut construire et les matériaux. Je me mettrai au travail dès demain.
— Merci.
Ils échangèrent un sourire complice et finirent leur repas. Lorsqu'il se levèrent de table, Guy demanda :
— Tu as un moment à m'accorder ? J'ai quelque chose à te donner.
— Je te suis.
Le brun conduisit son ami dans son atelier et alla chercher le cadeau qu'il avait passé ses soirées à fabriquer pendant l'absence de Robin, avant la tempête. Au moment où il le lui remit, le visage du plus jeune s'éclaira :
— C'est toi qui l'a sculpté ?
Guy hocha la tête, flatté par l'expression admirative de son ami. La figurine représentait un archer à cheval dont la silhouette était facilement reconnaissable.
— C'est magnifique, souffla Robin. Merci.
Il appuya son propos en embrassant tendrement son compagnon. Les deux hommes restèrent enlacés un long moment, profitant de ce rare moment de calme. Guy sentit peu à peu la tension se relâcher du corps de son ami.
— Tu devrais aller dormir, tu sembles épuisé.
— Je suis bien là… Tu es très confortable.
— Si tu veux rester dans mes bras toute la nuit, nous serions mieux dans un lit, tu ne crois pas ?
Robin ne répondit pas. Il se contenta d’entrelacer ses doigts avec ceux de son ami, puis il l’entraîna hors de la pièce en direction de sa chambre. Là, Robin verrouilla la porte avant d’attirer Guy vers le lit. Les deux hommes ôtèrent leurs bottes puis s’allongèrent l’un contre l’autre. Robin se blottit dans les bras de son compagnon, le visage enfoui dans son cou. Ainsi installés, ils ne tardèrent pas à plonger dans un profond sommeil.

***

Après cette première nuit, les deux hommes prirent l’habitude de dormir ensemble presque chaque soir. Ils n’échangeaient que quelques baisers et caresses, mais Guy se trouvait de plus en plus frustré par la situation. Tenir le corps si tentant de Robin entre ses bras le perturbait et il avait du mal à retenir ses envies. Cependant, il ne voulait pas brusquer son compagnon. Il parvint donc à se contenir tout en espérant que l’autre homme finirait par changer d’avis et accepte qu’ils échangent leur première étreinte charnelle dans l’enceinte du château.

Depuis quelques jours, le soleil brillait sur Nottingham et la température montait un peu plus chaque après-midi. Dans son atelier, Guy s’affairait sur une table pour une famille de Locksley. La chaleur lui avait fait ôter sa chemise. Les gouttes de sueur roulaient sur son torse alors qu’il rabotait et ponçait habilement. Il vit du coin de l’œil la porte s’ouvrir et Robin entrer, mais continua son ouvrage. Au bout d’un moment, comme son ami restait silencieux, Guy s’arrêta et se tourna vers lui. Il fut surpris de plonger dans un regard assombri de désir. Robin fit quelque pas dans sa direction, les joues légèrement rouges. Il souffla :
— Je peux essayer ?
Guy hocha la tête et lui laissa sa place. Voyant que son compagnon s’y prenait mal, il se plaça derrière lui et posa ses mains sur les siennes. La chemise du jeune shérif était trempée de sueur, son souffle était court. Au bout de quelques minutes, il laissa tomber le rabot, puis se tourna entre les bras de Guy pour capturer ses lèvres avec fougue. À bout de souffle, le brun repoussa son ami le temps d’aller verrouiller la porte, puis il revint afin de reprendre où ils s’étaient interrompus et enfin laisser libre court au désir qui lui mordait les reins depuis si longtemps.

Près d’une heure plus tard, étendus sur une paillasse dans un coin de l’atelier, leurs corps se reposaient après avoir enfin assouvi l’envie puissante qui les tourmentait. Blotti dans les bras de son amant, Robin somnolait, ses doigts traçant des arabesques compliquées sur le torse de Guy. Un peu inquiet de son mutisme, le brun demanda :
— Regrettes-tu ?
— Aucunement, répondit son compagnon en se redressant pour le regarder dans les yeux. Je suis heureux d’avoir partagé ce moment avec toi. Et j’espère que nous pourrons en partager encore beaucoup…
— Moi aussi.
Robin se réinstalla confortablement. Malgré la chaleur, aucun d’eux n’avait envie de rompre leur étreinte. Le plus jeune s’endormit peu après. Guy resta éveillé, savourant cet instant de bonheur. Il ne savait pas de quoi leur avenir serait fait mais espérait que Robin en ferait toujours partie.

Fin.
Cette fanfic est archivée sur http://cybeliacottage.free.fr/viewstory.php?sid=246