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Ca m’a fait un choc lorsque j’ai compris ce que Léo voulait m’annoncer, que je suis le père de Coralie. Pourtant, je n’ai pas été plus surpris que ça : elle a quelque chose dans le regard qui me rappelle non pas le mien, mais celui de mon frère. Je voulais en parler à Coralie de suite, mais Léo m’a persuadé qu’il valait mieux attendre le retour de Delphine et en discuter d’abord avec elle. Il avait raison, comme la plupart du temps… bon, je l’admets, comme presque toujours ! J’ai bien dit « presque ! ».

Lorsque je me lève à sept heures, Coralie est déjà en train de prendre son petit-déjeuner. Cette gamine a très vite trouvé ses marques ici ! Je la regarde un moment en silence, puis je m’assois en face d’elle avec ma tasse de café.
— Dis, Jeff, tu savais que Léo a un journal intime ?
Sa phrase me fait l’effet d’une bombe.
— Quoi ? Non, je ne savais pas. Comment tu sais ça, toi ?
— Ben… j’ai perdu mon taille-crayon à l’école. Et j’en ai eu besoin hier matin, pendant que Léo était dans la salle de bains. Alors je suis allée emprunter le sien dans le tiroir de son bureau… et j’ai fouiné un peu…
— Coralie !
— J’ai fait bien attention à tout remettre en place ! C’était rangé dans le tiroir du bas. Un grand cahier noir à spirale avec une étiquette marquée « Juin 2006 ». Je me demandais ce que c’était… alors je l’ai ouvert…
— Tu l’as lu ?
— Non ! Enfin, j’ai juste lu la première phrase et quand j’ai vu ce que c’était, je l’ai rangé. Je te le jure ! Tu ne vas pas le lui dire, hein ?
Je soupire. Cette gamine me ressemble décidément de plus en plus ! Enfin, c’est surtout que depuis la révélation d’hier, j’admets plus facilement nos points communs.
— Non, je ne lui dirai rien. Ca sera notre secret.
Elle me sourit et je fonds. J’ai intérêt à me méfier sinon je suis sûr qu’elle serait capable de me faire faire n’importe quoi !
— Allez, finis de manger, je t’accompagne à l’école !
J’avale mon café, un toast et vais m’habiller. Tout en me préparant, je repense à cette histoire de journal intime. Léo ne m’en a jamais parlé… mais bon, curieusement, ça me soulage de savoir qu’il allège son cœur quelque part, vu qu’il ne parle jamais de ses sentiments. J’aimerais qu’il se confie à moi, comme je me confiais à lui lorsque nous étions enfants et adolescents… Je souffre avec lui, je ressens son mal-être et je ne peux rien faire pour l’aider… pour nous aider… et pour couronner le tout, je dois lutter contre des sentiments que je pensais avoir effacés de mon cœur il y a bien longtemps…

Je sursaute lorsque Coralie frappe à ma porte.
— On va être en retard !
— Désolé, j’arrive !
Je prends mes clés, ma veste et la suis dans l’entrée. Après l’avoir déposée à l’école, je n’ai pas envie de retourner m’enfermer si tôt dans l’appartement alors qu’il fait si beau. Et c’est bientôt notre anniversaire, dans une semaine… J’ai envie de trouver quelque chose qui plaira vraiment à Léo. Maintenant qu’on vit ensemble, je connais ses goûts, c’est plus facile pour moi. Et je sais exactement où je dois aller pour trouver le cadeau idéal. Moins d’une heure plus tard, je ressors du magasin, qui heureusement ouvrait tôt, mon petit paquet à la main. Il va falloir que je le cache pour que Léo ne le voie pas. Ca, c’est pas dur : il suffit que je le planque dans mon « placard » ! Il n’ira jamais le chercher là. Lorsque j’arrive en bas de l’immeuble, il est neuf heures vingt. Léo doit être en train de déjeuner, comme à son habitude à cette heure là. Je passe donc par l’entrée « secondaire » pour aller cacher mon achat dans un carton. Je ressors ensuite et entre dans l’appartement par l’entrée normale. Je me dirige vers la cuisine où Léo est attablé devant son thé et ses biscuits à la farine de soja.
— Bonjour !
— Bonjour, répond-il entre deux bouchées. Tu en as mis du temps pour emmener Coralie à l’école.
— Je suis allé faire un tour. Bien dormi ?
— Comme d’habitude.
Je souris : toujours aussi bavard !
— Tu as besoin de moi, ce matin ?
— Pour l’instant non.
— Ok. Je vais aller bouquiner un peu. Tu sais où me trouver !

Moins d’une heure plus tard, Léo déboule dans ma chambre :
— Alice ne va pas tarder à arriver.
— Visite de courtoisie ou professionnelle ?
— Il y a eu un meurtre.
— Ok, j’ai compris !
Je vais m’installer dans mon « placard » et j’attends l’arrivée de notre amie Juge d’Instruction.
Quelque chose ne va pas. Léo n’est pas comme d’habitude avec Alice. Personne d’autre ne le voit, mais moi, je sens qu’il y a un changement dans son comportement. Est-ce à cause de ce Stanislas avec qui elle sort ? Oui, c’est ça… ça ne peut être que ça… Léo est toujours amoureux d’elle, et malgré ses peurs, il pensait qu’il pourrait un jour la reconquérir. Je l’avais pourtant prévenu ! Je lui avais dit que s’il ne lui parlait pas, elle finirait par aller voir ailleurs ! Mais ses phobies ont été les plus fortes et il l’a perdue. Vu le regard pétillant d’Alice, je pense que cette fois-ci, elle est vraiment accro… autant qu’elle l’a été de Léo il y a quelques années.
Alice s’en va. J’ai pas trop suivi ce qui s’est passé de l’autre côté. Lorsque je le rejoins, Léo semble perdu dans ses pensées.
— Tu as besoin de moi ?
Il lève les yeux vers moi. Je suis troublé par son regard. Quelque chose ne va pas.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Il secoue la tête en soupirant :
— Rien. Ca va. Et non, je n’ai pas besoin de toi.
Même si je sais qu’il parle de l’enquête, ses mots me font mal. Son ton est dur, froid… encore plus que d’habitude. La gorge nouée, je soupire :
— Ok, je retourne bouquiner dans ma chambre, alors !
Je me retiens à grand peine de claquer la porte. J’ai les nerfs à fleur de peau. Je sens qu’il ne faudrait pas grand chose pour que je craque mais il faut que je me ressaisisse. Léo ne doit pas soupçonner ce qui m’arrive sinon, il risque de me foutre dehors… et ça, je sais que je ne pourrai pas le supporter.

J’ai passé toute la matinée dans ma chambre. Au bout d’un moment, je n’en pouvais plus de rester là alors je suis sorti. Je suis allé manger un morceau et j’ai traîné dans la ville tout l’après-midi. Il est à peine seize heures mais je suis déjà devant l’école et j’attends que Coralie en sorte. Vers seize heures quinze, je vois Delphine s’approcher par une rue adjacente. Vais-je avoir le courage de lui parler aujourd’hui de ma paternité ? Elle s’avance vers moi en souriant :
— Salut Jeff !
— Salut ! Je ne savais pas que tu étais rentrée.
— Mon avion a atterri il y a à peine une heure et je n’ai plus de crédit sur mon portable alors j’ai préféré venir directement ici.
— Coralie va être contente de te voir.
— Moi aussi. Elle m’a manqué ! sourit mon amie.
J’hésite… et je finis par me lancer.
— Delph… pourquoi tu ne m’as jamais dit que Coralie est ma fille ?
Elle me jète un regard surpris.
— Comment… peu importe comment tu l’as appris… Si je ne te l’ai jamais dit, c’est parce que je ne voulais pas que tu te croies obligé de t’occuper d’elle et d’agir en père avec elle.
— Mais, au contraire ! J’en serai ravi ! Je l’adore cette gamine !
— Tu es sûr ? me demande t’elle, apparemment étonnée par mon enthousiasme.
— Oui. Je sais que je n’ai pas toujours été très responsable, que j’étais moi-même encore un peu gamin… mais je suis prêt à faire face à mes obligations de père.
J’ai rarement été aussi sûr de moi. Delphine soupire.
— Il va falloir que je le lui dise.
— Tu crois qu’elle va mal le prendre ?
— Non, au contraire, elle t’adore. Je suis sûre qu’elle va être folle de joie. Je lui expliquerai tout ça à la maison ce soir.
— Tu veux que je sois là ?
— Je préfèrerai être seule avec elle. On passera demain pour récupérer ses affaires.
Je suis déçu. J’aurais aimé être là quand Coralie va apprendre que je suis son père mais je comprends que Delphine a besoin de temps.
— Ok. Je vais rentrer alors.
Je m’éloigne de l’école avant que les enfants ne commencent à en sortir. Je ne me sens pas très bien : j’ai l’impression, idiote je le sais, que tout le monde me rejète aujourd’hui. Et je ne peux en parler à personne puisque les seuls qui connaissent mon existence sont eux-mêmes la cause de mon tracas. J’erre encore un peu dans les rues avant de rentrer. Je passe par l’autre entrée : je n’ai aucune envie de croiser Léo ce soir. Je passe directement du « placard » à ma chambre et m’y enferme. Je l’entends préparer son dîner, se mettre à table, débarrasser, ranger… Il ne doit même pas s’être aperçu que je suis rentré. J’ai un livre à la main, mais je n’arrive pas à me concentrer. Je m’allonge sur le dos, les mains sous la tête, essayant de comprendre ce qui m’arrive exactement. Sans m’en rendre compte, je finis par m’endormir.

Lorsque j’ouvre les yeux, il fait nuit noire. Un coup d’œil au réveil : deux heures dix. Léo doit être couché depuis longtemps. Je me lève sans bruit, enlève mes vêtements et vais prendre une douche. J’espère que je ne vais pas le réveiller ! Après la douche, j’enfile un boxer et me prépare à retourner dans ma chambre quand je m’aperçois qu’une lumière est restée allumée dans le bureau de Léo. Bizarre, ce n’est pas son genre. Je vais éteindre lorsque mes yeux se posent sur le tiroir du bas qui est entrouvert. Décidément, il y a quelque chose qui cloche ! Mon regard est attiré par un cahier noir à spirales. C’est celui dont Coralie m’a parlé, le journal intime de Léo. Je me fige. Il faut que je résiste à la tentation, je n’ai pas le droit de le lire… pourtant, c’est plus fort que moi ! Je le sors délicatement du tiroir et vais m’asseoir dans l’un des fauteuils. Je ne veux pas tout lire, juste ce qu’il a écrit sur hier. J’ai besoin de comprendre les raisons de son attitude envers Alice… et surtout envers moi… J’ouvre le journal à la fin, je remonte les pages vierges. Il y en a deux pour la journée d’hier, couvertes de son écriture impeccable. Je commence à lire…

Réveil à l’heure habituelle. Pas de bruit dans l’appartement. Normal, Jeff doit avoir accompagné Coralie à l’école. Non, pas normal : il devrait déjà être rentré, l’école n’est qu’à dix minutes de chez moi… chez nous, quinze s’il flemmarde un peu. Et la classe commence à 8h. Suis en train de prendre mon petit-déjeuner quand il arrive. Il est neuf heures vingt-trois exactement. Qu’est-ce qu’il a fait pendant tout ce temps ? Quand je l’interroge, il dit qu’il a « fait un tour ». C’est bizarre. Il faut que j’y réfléchisse calmement.
Dix heures quatorze, Alice appelle. Elle veut me parler d’un meurtre. Je lui dis de venir et je vais prévenir Jeff dans sa chambre. Quel désordre ! Il n’apprendra donc jamais à ranger ! Et pourtant… s’il n’y avait pas tout ça, ça ne serait pas lui.
Dix heures trente-huit, Alice est là. Son affaire est vite résolue, juste en regardant les photos qu’elle m’amène, je sais qui a fait le coup. Pourtant, je ne réponds pas de suite à ses questions. J’ai besoin d’y voir clair et ce n’est qu’en sa présence que je peux analyser mes sentiments envers elle. Quand je l’ai vue avec Stanislas hier, j’ai été choqué. Non pas de la voir dans les bras d’un autre homme… au contraire… j’ai été choqué de ne pas ressentir la moindre once de jalousie. Pourtant, je croyais l’aimer ! Ou alors, je me disais que je l’aimais juste pour me voiler la face, pour empêcher d’autres sentiments, beaucoup plus profonds et anciens, de revenir me hanter. Il ne faut pas qu’il sache… il ne doit pas savoir que si je n’ai pas totalement perdu l’esprit, c’est pour lui. Il ne comprendrait pas ce que je ressens, c’est totalement ignoble et contre-nature. Il ne doit jamais savoir… même si mon cœur saigne de ne pas le laisser s’approcher plus. Lorsqu’il m’a pris dans ses bras, j’ai cru que mon cœur meurtri allait s’arrêter de battre. Tout à coup, je n’avais plus peur ! Même si j’étais dans ce « placard » qui tient plus de la décharge municipale qu’autre chose ! Va vraiment falloir que je lui fasse nettoyer cet endroit avant qu’un tas de bactérie ne contamine tout l’appartement !
Onze heures deux, Alice repart. Jeff sort du « placard ». Il a l’air déçu que je n’ai pas besoin de lui. Mais, j’ai surtout besoin de remettre mes idées en place. Je passe la matinée à réfléchir dans mon bureau et à écrire ceci. Ca doit être le seul conseil de mon thérapeute que je suis à la lettre – c’est le cas de le dire ! Si seulement je pouvais arriver à formuler ce que je ressens devant les personnes concernées… Non, finalement, c’est une bonne chose que tout reste enfouis au plus profond de moi et ne se retrouve que dans les pages de ce carnet. Je ne supporterai pas de lire du dégoût dans son regard. Je ne supporterai pas qu’il me quitte. Il est la seule chose qui me permette de tenir le coup, de ne pas sombrer totalement.
Midi quatre. J’entends la porte d’entrée se refermer. Il est sorti. Même si moi, je n’éprouve aucune envie de quitter cet appartement, je comprends que ça soit pesant pour lui parfois… Je me prépare à manger mais je n’ai pas faim. Je me force à avaler quelque chose et je vais m’allonger. Si je n’avais pas aussi peur de ne jamais me réveiller, je prendrai un somnifère pour pouvoir dormir jusqu’au soir… jusqu’à ce qu’il rentre… Je ferme les yeux et j’essaye de repenser à tous les moments heureux que nous avons vécus enfants et adolescents. Alors que je m’endors, ma dernière pensée est « il faut que je lui trouve un beau cadeau d’anniversaire ».
Dix-huit heures dix-huit, je me réveille. Surprenant que j’aie dormi aussi longtemps. Où est Jeff ? Alors que je passe devant sa chambre, je l’entends bouger en essayant de ne pas faire de bruit. Il ne veut pas me voir… Mon cœur se serre et mes poings aussi. Je ne peux pas lui en vouloir… il aime son indépendance… mais moi, j’ai besoin de lui à mes côtés autant que j’ai besoin d’air pour respirer. Je suppose que Delphine est rentrée et a récupéré Coralie puisque la fillette n’est pas là. Je retiens un soupir et vais préparer le dîner. Pas beaucoup plus faim qu’à midi, mais je me force encore à manger. Je range tout et je retourne dans mon bureau écrire ces quelques lignes.

Minuit quarante-quatre. Je ne dors pas. Je suis là, dans mon bureau, hésitant sur ce que je vais écrire maintenant. C’est la première fois depuis très longtemps que je ne me couche pas à onze heures précises. C’est de sa faute, il chamboule mon cœur et il chamboule mes habitudes. Mon corps aussi. Cela fait des années que je n’ai pas ressenti du désir… un vrai désir qui enflamme l’être entier et le consume. Un désir qui ne pourra jamais être assouvi, je le sais… Je vais être fatigué demain, mais tant pis, je dois finir ce que j’ai commencé…

Jeff, je sais que tu es en train de lire ces lignes. La lumière allumée et le tiroir ouvert n’auront pu qu’attiser ta curiosité. Tu sais très bien qu’en temps normal, je n’aurais jamais laissé mon bureau en désordre en allant me coucher. Jeff… si tu as tout lu, tu sais maintenant ce que je ressens et que je n’ai pas le courage de te dire en face. Tu es plus que mon frère, plus que mon jumeau, tu es mon âme-sœur… A présent, tout va dépendre de toi. Si je te dégoûte, que tu ne veux plus jamais me revoir, essaye de quitter l’appartement avant mon réveil, ça sera plus simple. Sinon… il reste deux possibilités. Parlons de la première : tu acceptes de rester en connaissant mes sentiments. Ca sera déjà un grand bonheur pour moi si tu ne m’abandonnes pas. Même si je ne dois être que ton frère, ton jumeau, pour le reste de notre vie, je m’en contenterai. Si tu te sens coupable de me faire souffrir, tu ne dois pas, ce n’est pas de ta faute. C’est moi… je ne suis pas normal et je le regrette…
Enfin… si par le plus grand des bonheurs tu partageais un tant soit peu ce que je ressens… rejoins-moi et réveille-moi pour me le dire ! J’ai besoin de l’entendre… J’ai besoin de toi, Jeff… Je t’aime…


Je referme doucement le journal. J’ai les joues trempées ; j’ai eu des difficultés à lire les dernières lignes à cause de mes larmes. J’ai encore du mal à y croire… pourtant je l’ai lu, écrit de sa propre main… En parlant de main, les miennes tremblent. Je remets le journal dans le tiroir, le referme soigneusement, éteins la lumière et me lève. J’ai les jambes en coton mais je me force à quitter le bureau. Je me dirige vers sa chambre, mais il vaut mieux que j’aille me débarbouiller un peu avant. Il n’a pas besoin de savoir que j’ai chialé comme un bébé en lisant son journal, il me reste un peu de fierté… mais vraiment un tout petit petit peu… Dans la salle de bain, je croise mon reflet dans le miroir. C’est étrange d’avoir un jumeau… on n’est jamais seul, même quand on est loin l’un de l’autre. Il y a toujours ce lien qui nous relie… chacun sait quand l’autre a besoin de lui, a des problèmes… En fait, je réalise que le malaise que je ressens et celui de Léo ne sont pas distincts : c’est le même sentiment de peur et de frustration qui nous relie encore plus intensément. Je me passe un coup d’eau sur la figure, recoiffe mes cheveux d’un geste de la main et soupire. Je n’ai plus à hésiter maintenant.
Je sors de la salle de bains et traverse le couloir. Je ne l’avais pas remarqué tout à l’heure, la porte de sa chambre est entrouverte. Il ne fait jamais ça. Il la laisse toujours fermée. D’ailleurs, c’est une chose que je n’ai jamais réussi à comprendre : comment, après avoir été enfermé dans un endroit exigu pendant un peu plus de deux semaines, il supporte d’être dans une pièce close. A sa place, je crois que je ne pourrai pas… mais bon, c’est l’un des grands mystères de Léonard Quint. Cette pensée m’arrache un sourire… qui disparaît presque aussitôt quand je vois la lumière s’allumer dans la chambre. J’ai un mouvement instinctif de recul mais me ressaisis aussitôt et pousse doucement la porte.
Léo est assis dans son lit, adossé au mur avec son oreiller, les mains croisées sur ses cuisses, les yeux fixés sur le drap blanc. Je m’approche mais il ne bouge pas. Enfin, il lève vers moi un regard où une lueur familière brille. Je la connais bien cette lueur, c’est la même que je viens de voir dans le miroir de la salle de bains. Je m’assieds au bord du lit, face à lui. Qu’est-ce qu’il est beau dans son pyjama noir ! Ca fait un peu narcissique – et bizarre – de dire ça de son jumeau, mais j’ai toujours trouvé que Léo était beaucoup plus beau que moi. Je sursaute presque lorsque sa voix me parvient, très doucement :
— Tu as lu.
Ce n’est pas une question, mais je réponds tout de même :
— J’ai lu. Et je suis là.
— Je vois.
On doit vraiment avoir l’air pathétiques tous les deux, assis là à se regarder sans savoir quoi dire ou quoi faire ! Léo a fait le premier pas en me laissant lire son journal, je dois faire le second. J’ai peur, mais je me lance :
— Tu sais, ça fait très longtemps que j’ai compris que mes sentiments envers toi… que mon amour pour toi n’était plus fraternel… et…
— Combien de temps ?
Je passe une main dans mes cheveux, un peu embarrassé. Allez, maintenant que j’ai commencé, il faut que j’aille jusqu’au bout de mon aveu :
— Depuis le lycée.
Un éclair de compréhension passe dans son regard. Je continue :
— Au début, je ne voulais pas l’admettre. Je me disais que c’était impossible, que c’était malsain, que je devais à tout prix faire disparaître cette… attirance… J’avais de plus en plus de mal à la dissimuler… et c’est pour ça que je suis parti. Je ne pouvais plus rester près de toi. J’avais trop peur de dire ou faire quelque chose de mal. Je préférai être loin et que tu me considères toujours comme ton frère plutôt que de te perdre complètement. Et puis… j’ai failli te perdre pour de bon alors je suis revenu… et il y avait Alice. Je voyais que tu étais toujours amoureux d’elle alors mes sentiments se sont d’eux-mêmes dissimulés. J’ai cru, à tort, qu’ils avaient disparu… mais non, ils étaient toujours là.
Il n’a pas dit un mot pendant ma confession. Il se contente de me regarder. Ses yeux sont embués… et les miens aussi. Une larme roule doucement sur sa joue. Je lève la main pour aller l’essuyer. Il se crispe légèrement, mais se détend aussitôt. Je m’enhardis : je m’approche un peu plus et l’attire dans mes bras. Encore une crispation qui disparaît vite. Je suis presque surpris de sentir ses bras se refermer sur moi. Nous restons un long moment enlacés, silencieux. Ses mains caressent lentement mon dos de haut en bas dans un mouvement quasi hypnotique. Je le repousse doucement pour le regarder dans les yeux et murmure :
— Je t’aime, Léo.
Un petit sourire éclaire son visage. Il ferme les yeux, anticipant mon mouvement. Mes lèvres se posent sur les siennes légèrement, presque craintivement. Il entrouvre la bouche, m’invitant à aller plus loin. Nos langues se rencontrent pour la première fois et, je l’espère, pas la dernière. Je suis submergé par un tel flot d’amour que c’en est soudain douloureux. Je ne sais pas qui de lui ou de moi rompt le baiser, peut-être l’avons-nous fait ensemble. Il souffle contre ma bouche :
— Il faut dormir.
Je souris. Je ne peux résister à l’envie de l’embrasser à nouveau. Finalement, et un peu à regret, j’abandonne ses lèvres. Je me lève pour lui permettre de s’installer confortablement dans le lit. Une fois allongé, il ouvre les draps. Je m’étends contre lui. Il se retourne et je me colle contre son dos, un bras sous la tête, l’autre entourant son torse. Sa main se pose sur la mienne. Je ne me suis jamais senti aussi heureux qu’à cet instant. J’écoute sa respiration. Elle devient de plus en plus calme et lente. Je calque la mienne dessus. Le sommeil arrive rapidement. Nous sommes bien ainsi, rien ne peut nous atteindre, rien ne peut nous séparer, nous ne faisons à nouveau plus qu’un, comme à l’origine.

Fin.


Fic écrite le 21/11/2006.


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