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Il se traîna avec difficultés dans les égouts. La douleur dans son ventre était si forte qu’il avait l’impression qu’il ne pourrait jamais s’en sortir. Il se laissa tomber sur le dos, essayant de reprendre un peu son souffle. Un voile noir commençait à tomber devant ses yeux. Alors qu’ils allait sombrer dans l’inconscience, il aperçut une silhouette floue. Un homme se pencha sur lui et approcha sa main de son front. Une douleur terrible lui traversa la tête… juste avant le noir total.

***

Trois mois plus tard


Mohinder se frotta les yeux. Il était fatigué, mais voulait finir de mettre ses notes au propre avant d’aller se coucher. Alors qu’il tapait une phrase, il s’aperçut qu’il l’avait déjà écrite et soupira profondément. Il abandonna finalement, puis sauvegarda ce qu’il avait fait avant d’éteindre son portable. Il se leva, s’étira et se dirigea vers sa chambre. Alors qu’il allait y entrer, des pleurs parvinrent à ses oreilles. Il bifurqua vers une porte entrouverte, la poussa et entra. Son cœur se serra. Il s’approcha du lit sans bruit, s’assit sur le bord et posa sa main sur l’épaule de la petite fille qui s’agitait dans son sommeil.
— Molly ! Molly, réveille-toi !
Il la secoua doucement. Elle ouvrit brusquement les yeux en se redressant d’un bond.
— Calme-toi, je suis là…
Elle se jeta dans ses bras, son petit corps secoué de violents sanglots.
— C’était le Croque-Mitaine ! Il nous retrouvait et il te tuait…
— Chut… ce n’est qu’un cauchemar.. on est en sécurité ici…
Tout en parlant, Mohinder savait qu’il tentait autant de se convaincre lui-même que sa petite protégée. Il la berça un long moment contre lui, le temps qu’elle calme ses pleurs, puis l’aida à se recoucher.
— Tu veux que je reste ? demanda t’il en lui caressant tendrement le front.
— Non, ça ira… mais tu peux laisser la lumière allumée dans le couloir ?
— Bien sûr. Rendors-toi.
Elle ferma les yeux. Quelques minutes plus tard, elle était repartie au pays des songes. Mohinder resta un moment à la regarder, puis se décida à aller se coucher à son tour. Il se déshabilla rapidement, enfila un pyjama et s’allongea, les mains derrière la tête, le regard fixé sur le plafond. Ses paupières se fermèrent lentement alors qu’il plongeait dans le sommeil.

Le lendemain matin, lorsqu’il se réveilla, Mohinder fut surpris de sentir quelque chose de chaud dans son lit. Il ouvrit les yeux et vit Molly pelotonnée contre son flanc, ses poings crispés sur le drap. Il sourit, attendri. Après tout le temps qu’ils avaient passé ensemble à fuir l’Organisation, il s’était pris à aimer cette petite comme si elle avait été sa propre fille. Et Molly semblait tenir tout autant à lui, n’ayant personne d’autre sur Terre depuis l’assassinat de ses parents… cette idée l’amena soudain à penser à Sylar. Une sensation de malaise s’empara de lui, comme à chaque fois qu’il songeait au « spécial » qui avait tué son père. Un sentiment de culpabilité le torturait également…
Lorsque Sylar lui avait fait croire qu’il était Zane Taylor, Mohinder avait baissé sa garde. Il avait laissé des sentiments profonds le lier à cet homme durant les quelques jours qu’ils avaient passé ensemble. En découvrant sa véritable identité, il s’était senti trahi et son ressentiment envers Sylar en avait été décuplé. Il s’en était voulu d’avoir ouvert son cœur aussi facilement. Il aurait pourtant dû se méfier : à chaque fois qu’il avait aimé, que ça soit un homme ou une femme, il avait fini par souffrir. Mais là, c’était pire que tout ce qu’il avait vécu avant… parce qu’il était tombé amoureux d’un monstre, de l’homme qui avait assassiné des dizaines de personnes dont son père…
Il soupira, chassant d’un revers de la main les larmes qui inondaient ses yeux. Sentant Molly remuer contre lui, il reporta son attention sur elle. La petite se réveillait, ses paupières papillonnèrent et elle posa un regard contrit sur lui.
— Bonjour, sourit-il.
— Bonjour. Excuse-moi d’être venu dans ton lit sans te demander…
— Tu as fait un autre cauchemar ?
Elle hocha la tête. Il la serra contre lui et l’embrassa sur le front.
— Ne t’en fais pas. Tu as bien fait de venir. C’était encore le Croque-Mitaine ?
— Oui et non.
— Comment ça ?
— C’était bien lui… mais il avait l’air moins méchant… et il ne nous faisait pas de mal.
— Et qu’est-ce qu’il faisait ?
— Il te parlait mais je ne pouvais pas entendre ce qu’il disait… et tu partais avec lui… tu me laissais toute seule…
Il la serra un peu plus fort.
— Je te l’ai déjà promis, je ne t’abandonnerai jamais, quoi qu’il arrive.
Ils restèrent sans bouger un long moment, puis Mohinder demanda :
— Qu’est-ce que tu veux pour le petit déjeuner ? Des croissants ?
— Oui ! sourit la petite fille en quittant ses bras, l’air joyeux. Je vais me laver !
Elle disparut dans le couloir. Quelques secondes plus tard, il entendit l’eau couler dans la douche.
Souriant, Mohinder se leva et ouvrit les volets. Le soleil l’éblouit un court instant. Lorsque ses yeux se furent habitués à la luminosité du matin, il se figea. De l’autre côté de la rue, sur le trottoir, un homme se tenait debout, les mains dans les poches et regardait dans sa direction, le visage levé vers les fenêtres du second étage. Mohinder sentit son sang se glacer dans ses veines alors qu’il détaillait les traits si familiers de l’homme. Il ne put retenir un frisson de terreur pure lorsque leurs regards se croisèrent. Il recula subitement d’un pas, sous le choc, rompant le contact visuel un court instant. Il cligna, puis revint à la fenêtre, incrédule : l’homme avait disparu.
Perturbé, Mohinder se laissa tomber sur le lit. Son cœur battait à toute vitesse et il avait le souffle court. Il se passa une main sur le visage, essayant de se calmer. Il se répétait qu’il avait eu une hallucination, que c’était impossible… que celui qui hantait ses nuits et ses cauchemars ne pouvait pas les avoir retrouvés… Il secoua la tête, se ressaisissant : il n’y avait aucune possibilité pour que Sylar soit là, dans cette petite ville du sud-ouest de la France où il avait trouvé refuge avec Molly depuis quelques semaines. Il finit par se convaincre que la fatigue et la tension nerveuse étaient à l’origine de l’hallucination qu’il venait d’avoir.
Soupirant, il se dirigea vers la salle de bains, prit une douche rapide et s’habilla. En passant devant la chambre de la petite fille, il l’entendit chantonner et sourit. Sans elle, il ne savait pas ce qu’il serait devenu : c’était pour elle qu’il avait fui les Etats-Unis et qu’il continuait ses recherches sur le génome des « spéciaux ». Elle lui avait donné la force de se battre contre l’Organisation. Il quitta l’appartement et descendit les deux étages pour se rendre à la boulangerie se situant au rez-de-chaussée de l’immeuble voisin. Une fois dehors, il regarda machinalement autour de lui, inquiet, mais ne vit aucune personne suspecte. Soulagé, il alla acheter les viennoiseries promises et du pain, puis il remonta à l’appartement.

Lorsqu’il entra dans la cuisine, Molly l’attendait assise à la table en train de dessiner. Elle avait préparé des verres de jus d’orange, la tasse de café de Mohinder et son bol de chocolat au lait qui n’attendaient plus que d’être réchauffés au micro-ondes. Le généticien posa la poche contenant les croissants sur la table puis s’occupa des boissons.
— Ca va ? lui demanda soudain Molly.
Il se tourna vers elle, surpris.
— Oui, pourquoi ?
— Tu as l’air préoccupé… enfin, plus que d’habitude…
— Ce n’est rien, mentit-il en secouant la tête. Je suis juste fatigué.
Il ne voulait pas l’alarmer en lui parlant de ce qui le tourmentait, elle n’avait pas besoin de partager le poids de ses doutes et de ses peurs. Il lui sourit, puis vint prendre place à côté d’elle.
— Qui est-ce que tu dessines ?
La petite fille soupira :
— Le Croque-Mitaine…
Le cœur de Mohinder se serra, comme à chaque fois qu’il pensait à Sylar.
— Pourquoi lui ? demanda t’il d’une voix blanche.
— Je ne sais pas, répondit Molly en haussant les épaules. J’ai essayé de dessiner autre chose, mais je n’arrive pas à penser à quelqu’un d’autre qu’à lui.
Mohinder hésita. Une question lui brûlait les lèvres mais il avait peur de perturber encore plus la petite qu’elle ne l’était déjà. Ce fut elle qui leva son visage vers lui et souffla :
— Je n’arrive plus à le trouver…
— Comment ça ?
— Je fais comme avant, comme pour les autres, mais je n’ai rien…
— Il est peut-être mort… souffla t’il, partagé entre espoir, tristesse et soulagement.
— Non, c’est pas pareil. S’il était mort, ça serait tout noir. Là, j’ai des images, mais c’est brouillé, comme la télé lorsqu’il y a de la neige sur l’écran.
Ce nouvel événement n’était pas fait pour rassurer le généticien. Si Molly ne pouvait plus localiser Sylar, ça voulait dire que celui-ci pouvait être n’importe où dans le monde… et même juste à côté d’eux. Il chassa cette idée de son esprit : il avait suffisamment dissimulé leurs traces pour que personne ne puisse les retrouver. La sonnerie de la minuterie le tira de ses pensées.
— C’est prêt ! lança t’il en se levant.
Il sortit sa tasse et le bol de Molly du micro-ondes puis s’installa pour déjeuner.

***


La douleur était toujours là, dans sa tête, en permanence. Il soupira en s’adossant au mur, croisant les bras. Il avait bien failli faire échouer sa mission ! Il devait être plus prudent mais ses migraines continuelles ne l’aidaient pas à se concentrer, au contraire. Il ferma les yeux un instant, cherchant à se ressaisir. Il ne devait pas faire d’autre erreur, son avenir et la vie de plusieurs personnes en dépendait !

***


Il faisait un temps superbe. Mohinder décida donc d’emmener Molly en pique-nique au bord de la rivière. Ils s’installèrent sur une couverture dans un coin tranquille. Alors qu’il sortait le repas du panier, Mohinder remarqua que la petite fille fixait un groupe d’enfants qui jouaient à une dizaine de mètres d’eux.
— Tu peux aller les rejoindre, sourit-il.
— Tu es sûr ?
— On ne risque rien ici. Va t’amuser !
Elle l’embrassa sur la joue et se rua vers les autres gamins. Son « père » la regarda un moment en souriant, puis s’allongea sur le dos. Il regarda les nuages défiler au-dessus de lui, savourant cet instant fugace de tranquillité. Il se redressa, suivant Molly des yeux alors qu’elle courait après un ballon rouge. Il était heureux de la voir rire et jouer comme tous les enfants de son âge, ça arrivait tellement peu souvent !

Ils rentrèrent chez eux à la nuit tombée. Lorsque Mohinder poussa la porte de l’appartement, un mauvais pressentiment l’envahit soudain. Il fit signe à Molly de rester derrière lui, puis entra. Le logement était plongé dans l’obscurité. Mohinder alluma la lumière, le cœur battant à tout rompre. Il s’avança dans le salon désert, puis se dirigea vers le couloir menant aux chambres. Finalement, après plusieurs minutes d’une fouille minutieuse, il ne trouva rien qui pouvait indiquer que quelqu’un était entré chez eux. Il se détendit un peu.
— C’est bon, Molly.
— Tu es sûr ?
— Oui. Tu peux aller poser le panier dans la cuisine ?
— Ok !
Il la suivit des yeux, puis revint dans l’entrée. Alors qu’il allait vérifier s’il avait bien verrouillé la porte, son regard se posa sur un morceau de papier scotché sur le battant. Il se figea en lisant l’avertissement inscrit en lettres capitales :
VOUS ETES EN DANGER ! QUITTEZ CETTE VILLE !
Une curieuse signature était griffonnée en dessous. En s’approchant, il reconnut deux lettres entrelacées : deux G. Un nom lui vint tout de suite à l’esprit : Gabriel Gray, alias Sylar, mais il repoussa cette idée. Même si le « spécial » les avait retrouvés, il ne les aurait jamais avertis d’un éventuel danger !
Se ressaisissant, Mohinder ôta le papier pour que Molly ne puisse pas le voir et le fourra dans sa poche. Il hésitait : devait-il prendre cet avertissement au sérieux ? S’il avait été seul, il n’en aurait sûrement pas tenu compte, mais il devait penser à la sécurité de sa protégée. Il se dirigea vers la cuisine où elle s’affairait à ranger la vaisselle de leur pique-nique.
— Molly, on va devoir partir.
Elle se tourna vers lui, visiblement déçue.
— Encore ?
— Je suis désolé… je pensais qu’on serait en sécurité ici, mais…
— C’est bon, le coupa t’elle en soupirant. Je vais faire mon sac.
Elle quitta la pièce. Mohinder prit le panier et le remplit de vivres, ne sachant pas quand il aurait à nouveau l’occasion de faire des courses. Lorsqu’il eut terminé, il alla dans sa chambre et remplit son sac de voyage. A peine dix minutes après avoir lu l’avertissement sur la porte, il était prêt à partir. Molly le rejoignit, traînant son sac presque plus lourd qu’elle. Il lui donna le panier, prit les deux bagages et ils quittèrent l’appartement.

La rue était plongée dans une semi-obscurité peu rassurante. Ils se dépêchèrent de rejoindre leur voiture. Molly s’installa à l’arrière pendant que Mohinder mettait leurs affaires dans le coffre. Alors qu’il se retournait pour se diriger vers sa portière, il se trouva soudain nez-à-nez avec le canon d’un revolver. Son regard remonta vers le visage de l’inconnu qui le menaçait :
— Professeur Suresh, vous avez été difficile à localiser ! lança l’homme avec un sourire mauvais.
Avant que Mohinder ait eu le temps de répondre, l’inconnu quitta brutalement le sol et alla s’écraser sur le mur d’un immeuble situé de l’autre côté de la rue. Le généticien le regarda d’un air abasourdi, figé par la surprise. Il ne bougea que lorsqu’une voix familière retentit tout près de son oreille :
— Partez ! Vous êtes en danger !
Il fit volte-face et se retrouva face à face avec celui qu’il ne parvenait pas à oublier et qui l’avait fait tellement souffrir : Sylar.
— Toi ! Qu’est-ce que…
Un mouvement à la limite du champ de vision de Mohinder l’interrompit. Il tourna la tête juste au moment où un autre homme apparaissait, son arme braquée sur eux. Le généticien se retrouva soudain plaqué au sol au moment où le coup de feu claqua. Il vit du sang jaillir sur l’épaule gauche de Sylar qui fit un geste en se relevant et désarma l’inconnu, l’envoyant valdinguer contre une voiture.
— D’autres vont arriver ! Vous devez partir ! lança le « spécial » en comprimant sa blessure de sa main droite.
Mohinder se précipita vers sa voiture. Alors qu’il en ouvrait la portière, il s’arrêta et jeta un coup d’œil à Sylar qui grimaçait sous la douleur. Il savait qu’il devait partir, mais l’attitude de l’autre homme le troublait : pourquoi lui avait-il sauvé la vie et pourquoi l’aidait-il à fuir l’Organisation ? Son regard croisa celui de Molly. La petite hocha la tête et il lut sur ses lèvres :
— Fais-le.
Il hésita encore une fraction de seconde puis revint sur ses pas. Il prit Sylar par le bras, l’entraînant avec lui. L’autre se laissa faire, mais grogna :
— Ne perdez pas de temps avec moi !
— Je ne peux pas te laisser ici. Monte !
Sylar obéit. Lorsqu’il fut installé à la place du passager, Mohinder se mit au volant et démarra.

Il conduisait rapidement mais tentait de respecter au mieux les limitations de vitesse. Il ne voulait pas se faire arrêter par la police ; il aurait eu du mal à expliquer la blessure par balle de son passager. Alors qu’il jetait un coup d’œil dans le rétroviseur, il vit que le regard de Molly était fixé sur la nuque de Sylar. Celui-ci gardait ses yeux rivés sur la route. Mohinder sursauta presque lorsque le « spécial » lança soudain :
— Il faut prendre la prochaine à droite.
Le généticien obéit. Il ne savait pas s’il ne faisait pas une grave erreur, mais Sylar semblait différent. Quelque chose dans son regard avait troublé Mohinder plus qu’il n’aurait du l’être, une lueur d’incertitude… de doute… Il reporta son attention sur sa conduite au moment où la voiture entrait sur un chemin de terre. Ils avancèrent en cahotant jusqu’à une petite clairière où se trouvait une maison en bois. A peine le moteur éteint, Sylar descendit de la voiture. Il sortit une clé de sa poche et ouvrit la porte. Mohinder prit les sacs dans le coffre et, Molly derrière lui, il entra.
Sylar alluma la lumière, puis disparut dans un couloir, sans prêter d’attention aux deux autres. Molly souffla :
— Il est bizarre…
Mohinder se tourna vers elle :
— Tu as raison. Ecoute, je t’ai toujours dit que je te protègerai… et je veux tenir ma promesse. Je ne le laisserai pas te faire de mal…
La voix de Sylar les fit tous deux sursauter :
— Pourquoi lui ferais-je du mal ?
Le ton si innocent avec lequel il avait prononcé ces mots serra le cœur du généticien. Il détourna le regard, perturbé, puis souffla :
— Molly a besoin de dormir.
— La deuxième porte à gauche. Vous pouvez prendre la chambre suivante. Je dormirai sur le sofa.
La petite fille glissa sa main dans celle de Mohinder.
— Je ne veux pas que tu restes tout seul avec lui.
Il sourit, rassurant :
— Ne t’en fais pas, tout ira bien.
Il la conduisit dans la chambre désignée et l’aida à s’installer. Lorsqu’elle fut au lit, il se pencha pour l’embrasser sur le front et quitta la chambre. Il savait qu’elle aurait du mal à s’endormir, mais il avait besoin de parler avec Sylar sans qu’elle puisse les entendre.
Revenant dans le salon, Mohinder trouva l’autre homme torse-nu, assis sur le sofa, en train de tenter de nettoyer sa blessure.
— Laisse-moi faire ! lança le généticien en lui prenant le coton des mains.
Il s’assit à côté de Sylar et commença à passer le désinfectant sur la plaie. Il n’était pas spécialiste des blessures par balles, mais celle-là n’avait pas l’air très grave. La balle avait juste traversé le haut du bras et était ressortie de l’autre côté.
— Elle a peur de moi.
Mohinder leva les yeux, surpris par le ton ennuyé de l’autre homme.
— Après tout ce que tu as fais, tu ne trouves pas que c’est normal ?
— Je ne sais pas, qu’est-ce que… Aïe !
L’Indien avait appuyé un peu plus fort sur l’épaule de Sylar, furieux. Il se leva d’un bond et s’éloigna, les poings serrés.
— Tu te fous de moi ?
— Non… je… j’ai perdu la mémoire.
— Quoi ? hurla presque Mohinder.
Il baissa le ton, espérant ne pas avoir réveillé Molly, puis reprit :
— Ne me dis pas que tu ne te souviens pas de toutes les atrocités que tu as commises !
Le regard perdu que l’autre homme posa sur lui fut comme un électrochoc : il ne mentait pas. Il ne semblait vraiment pas savoir de quoi Mohinder parlait. Radouci, le généticien se rassit près de lui et demanda :
— Tu te souviens au moins de ton nom ?
— Je m’appelle Gabriel Gray.
Mohinder hésita, puis souffla :
— Sylar, ça te dit quelque chose ?
L’autre sembla chercher un instant, et finit par secouer la tête :
— Non, rien.
— Quel est ton plus ancien souvenir ? interrogea l’Indien en reprenant ses soins.
— J’étais dans une chambre d’hôpital avec une blessure dans le ventre. On m’a dit que j’avais été retrouvé comme ça, sûrement victime d’une agression. On m’a soigné… et puis une femme est venue me voir.
— Quelle femme ?
— Elle n’a pas dit son nom mais elle m’a expliqué que j’étais spécial et que je travaillais pour elle avant mon « accident ». Elle m’a emmené dans un immeuble où des gens m’ont aidé à maîtriser ce qu’ils appellent des « pouvoirs ». J’y suis resté jusqu’à ce que la femme revienne pour me confier une mission.
— Laquelle ?
— Je devais vous retrouver, vous et la petite fille. Et je devais vous protéger des gens de l’Organisation qui voulaient vous faire du mal. Je… vous me connaissiez « avant » ?
Mohinder ne savait plus quoi dire. L’homme qu’il avait devant lui semblait si perdu ! Il avait beau savoir qu’il s’agissait de Sylar, du pire monstre qu’il lui ait été donné de voir, il ne pouvait s’empêcher de croire à son histoire… et les sentiments, l’attirance, qu’il tentait de chasser depuis plusieurs mois revint en force, le perturbant un peu plus.
— Professeur Suresh ?
Il leva les yeux vers Sylar – Gabriel – qui attendait une réponse à sa question. Comment pouvait-il décemment raconter à cet homme les atrocités qu’il avait commises dans son passé, dans ce qu’il pouvait considérer comme une autre vie ? Il savait que s’il parlait, la folie qui avait habité le « spécial » aurait encore plus de facilité à revenir pour refaire de lui un tueur abject et sans remords. Alors, il décida de mentir :
— Non, répondit-il simplement.
Il vit dans les yeux sombres de Gabriel que celui-ci ne le croyait pas, mais il n’insista pas. Mohinder étouffa un bâillement.
— Allez vous coucher, sourit l’autre homme. On ne risque rien ici.
Le généticien termina le pansement, puis se leva. Alors qu’ils se dirigeait vers sa chambre, il se tourna vers Gabriel qui s’était étendu sur le sofa pour dormir.
— Merci, sourit-il.
L’autre hocha doucement la tête. Mohinder entra dans sa chambre et s’adossa à la porte. Les derniers évènements tournaient dans sa tête. Il avait du mal à se concentrer, perdait sans cesse le fil de ses idées, mais une pensée revenait sans arrêt dans son esprit : Sylar n’existait plus.

***


Il avançait doucement dans la maison silencieuse. Il ouvrit la porte de la première chambre, mais elle était déserte. Il ouvrit la suivante : ses proies dormaient ensemble, la petite fille blottie dans les bras de l’homme. Il s’approcha, les regarda un instant, puis tendit la main. L’homme commença à étouffer, la gorge prise dans un étau. La gamine s’éveilla, le vit et poussa un hurlement…

***


Mohinder s’éveilla en sursaut. Il se passa une main sur le visage pour finir de se réveiller, puis se leva. Il alla prendre une douche rapide, s’habilla et se dirigea vers la chambre de Molly. Son cœur fit un bond lorsqu’il vit que le lit défait était vide. Une angoisse sourde le prit à la gorge. Il se précipita dans le salon… et se calma instantanément. La petite fille était assise par-terre à côté du sofa et fixait l’homme profondément endormi. En entendant le généticien approcher, elle se tourna vers lui, l’air perplexe. Mohinder lui tendit la main, puis l’entraîna dans la cuisine afin que Gabriel ne puisse pas les entendre. Alors qu’il ouvrait la bouche pour parler, il se rappela que le « spécial » avait une ouïe surpuissante… et revit le meurtre odieux de Dale Smith. Une nausée le traversa. Il prit une grande inspiration et sourit à Molly qui le regardait d’un air inquiet.
— Je suppose que tu as des questions ?
— Oui. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Pourquoi il nous a sauvés ?
Mohinder raconta à la petite tout ce que Sylar lui avait dit la veille. Lorsqu’il eut terminé, elle lui demanda :
— Tu le crois ?
— Oui, avoua t’il. Je sais que ça peut paraître idiot après toutes les choses horribles qu’il a faites, mais je pense qu’il ne ment pas. Et toi, qu’est-ce que tu en dis ?
— J’ai confiance en toi. Si tu dis qu’il ne nous veut plus de mal…
— Je veux avoir ton opinion, Molly, ce que tu penses vraiment. Ca compte beaucoup pour moi.
La gamine réfléchit un long moment avant de répondre :
— C’est vrai qu’il a changé… mais il me fait toujours un peu peur… je ne suis pas sûre qu’il soit vraiment un gentil… et puis, c’est qui ces gens qui l’ont chargé de veiller sur nous ?
— Je n’en ai aucune idée, avoua Mohinder.
— On est vraiment obligés de rester avec lui ?
— Non… mais j’ai bien peur que l’Organisation nous retrouve où qu’on aille. Au moins, tant qu’on est avec lui, il peut nous protéger.
Il ne prononça pas les mots qui lui vinrent ensuite à l’esprit : jusqu’à ce qu’il nous tue lui-même…
— Ok, on reste alors !
— Tu es sûre ?
— Oui. Mais, je vais le surveiller !
L’air sérieux de la petite fille fit sourire Mohinder.
— Moi aussi, ne t’en fais pas. Moi aussi…

Les trois jours suivants se déroulèrent sans accro. Mohinder passa beaucoup de temps avec Gabriel, essayant de le sonder pour savoir s’il jouait la comédie ou non. Avec ce qu’il connaissait de Sylar, le généticien savait que le « spécial » n’aurait jamais pu résister aussi longtemps à l’attrait du pouvoir fantastique de Molly et finit par se convaincre de sa bonne foi.
Ce soir-là, alors que la petite fille dessinait dans le salon, Mohinder soigna la blessure de Gabriel dans sa chambre. Le « spécial » avait ôté son tee-shirt et s’était assis sur le lit. Pendant que l’autre homme le soignait, il semblait perdu dans ses pensées.
— Ca va ? lui demanda soudain le généticien.
Il ne répondit pas immédiatement. Au bout de quelques minutes, il plongea son regard dans celui de Mohinder :
— J’ai besoin de réponses.
— A quelles questions ?
— Pourquoi Molly et vous sembliez être terrorisés en me voyant la première fois ? Et pourquoi êtes-vous si gentil avec moi maintenant ?
— Tu nous a sauvé la vie. Je t’en suis reconnaissant.
— Vous ne me dites pas tout. Je veux savoir.
L’Indien secoua la tête. Il n’y avait que deux choses qu’il voulait dissimuler à Gabriel : ce qu’il était avant et la nature de ses sentiments pour lui. Et c’était précisément sur ces points que l’autre homme l’interrogeait.
Il finit le bandage en silence, puis se leva pour aller ranger la trousse de soin dans la salle de bains. Alors qu’ils refermait l’armoire à pharmacie, il sursauta : Gabriel se tenait derrière lui et le fixait à travers le reflet du miroir.
— Je vous en prie… Mohinder, j’ai besoin de comprendre…
Entendre son prénom prononcé par la voix profonde de celui qui bouleversait tellement son cœur le fit frissonner. Il n’avait plus le choix. Il soupira profondément :
— D’accord. Retournons dans la chambre.
Une fois dans la pièce, il fit signe à Gabriel de prendre place sur le lit, lui-même restant debout, adossé au battant fermé de la porte.
— Je t’ai menti… Je te connaissais avant ton amnésie.
L’autre ne dit rien, attendant la suite. Mohinder se lança, racontant tout : comment son père l’avait trouvé et l’avait désigné comme son « patient zéro », ce qui s’était ensuite passé entre eux, la mort de Chandra Suresh et les premiers meurtres, dont ceux des parents de Molly, perpétrés par l’être qui s’était lui-même nommé « Sylar ». Il raconta ensuite comment Sylar s’était fait passer pour Zane et leur relation amicale durant leur périple pour trouver d’autres « spéciaux ». Il fit une courte pause avant de raconter comment il avait découvert la vérité et comment Sylar s’était libéré, avait failli les tuer, Peter Petrelli et lui. Et enfin, il avait raconté le soir de l’explosion, le combat entre Sylar et Peter, la blessure reçue par le sabre de Hiro et sa disparition soudaine lorsque la police était arrivée sur les lieux.
Lorsqu’il eut fini, Mohinder se tut, les yeux fixés sur le sol. Il n’avait pas eu le courage de regarder Gabriel pendant qu’il parlait. Le silence pesant qui s’installa entre eux fut soudain rompu par un sanglot. Le généticien se décida enfin à voir la réaction de l’autre homme… et en fut bouleversé. Gabriel avait le visage décomposé par l’horreur alors que des larmes inondaient ses joues. Mohinder s’approcha, s’assit près de lui et tendit la main pour essuyer ses pleurs, mais l’autre recula vivement.
— Non !
— Je suis désolé…
— Je suis un monstre… partez !
Comme l’Indien ne bougeait pas, l’autre haussa la voix :
— Vous devez vous enfuir avant que je vous fasse du mal !
— Tu as changé, Gabriel, tu n’es plus Sylar.
— Qui vous dit qu’il ne va pas revenir ? Je ne veux pas être Lui ! Cette abomination… ce qu’il a fait… laissez-moi… vous n’êtes pas en sécurité avec moi !
Mohinder lui caressa tendrement la joue.
— Je ne sais pas ce qui t’es arrivé, mais tu n’es plus Lui et je suis persuadé que tu ne le seras plus…
— Vous n’en savez rien ! hurla Gabriel en se levant d’un bond. C’est peut-être déjà trop tard !
Affolé, le généticien souffla :
— Que veux-tu dire ?
— Je fais des rêves… plutôt des cauchemars… je le vois, Lui ! Je le vois vous tuer, tous les deux… Il est là, en moi, et il n’attend qu’une occasion de sortir pour vous faire du mal. Je vous en supplie, vous devez vous éloigner de moi…
Même si la peur commençait à monter en lui, Mohinder voulait se persuader qu’il pouvait encore aider Gabriel. Il lui prit la main pour l’obliger à se rasseoir. L’autre se laissa faire, l’air anéanti.
— Je suis un monstre…
— Ne dis pas ça… Je n’ai répondu qu’à une seule de tes questions. Veux-tu que je réponde à la deuxième ?
— Oui… souffla Gabriel dans un murmure.
Mohinder prit une grande inspiration. Il ne savait pas si ce qu’il allait dire allait changer quelque chose mais il ne pouvait plus se voiler la face et garder tout ça pour lui.
— Lorsque tu te faisais passer pour Zane et que nous voyagions ensemble… comme je te l’ai dit, nous étions devenus assez proches… et j’ai commencé à ressentir pour toi quelque chose de très fort…
Il s’interrompit, cherchant ses mots :
— C’était… une certaine attirance…
Devant le regard rempli d’incompréhension de son interlocuteur, il se demanda un instant s’il devait continuer. Mais, à présent qu’il avait commencé à vider son cœur, il fallait qu’il aille jusqu’au bout, même si ça devait être la pire erreur de toute sa vie.
— Je suis tombé amoureux de toi… ajouta t’il dans un murmure.
Tout au long de son aveu, il avait gardé son regard plongé dans celui de Gabriel. Et, lorsqu’il eut terminé, il attendit, le cœur battant à tout rompre. L’autre homme resta un long moment silencieux, son visage ne reflétant aucune émotion. Enfin, il ouvrit la bouche et ses mots glacèrent Mohinder plus sûrement que ne l’aurait fait le pouvoir du « spécial » :
— Vous ne devriez pas, c’est une erreur. Je ne vous aimerai jamais ! Partez maintenant !
Il savait qu’il n’aurait pas dû avoir cet espoir idiot que ses sentiments seraient peut-être partagés. Il s’en voulait d’avoir mis son cœur à nu. Se traitant mentalement d’imbécile, il se leva, attrapa son sac et quitta la chambre. Molly leva la tête en le voyant entrer dans le salon.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda la petite fille, alarmée par son air sombre.
— On s’en va !
Son ton était sec et il s’en voulut immédiatement de son agressivité envers cette enfant qui n’était pour rien dans ses mauvais choix. Il s’excusa en souriant légèrement :
— Désolé. Tu peux aller chercher ton sac ? Je prends quelques trucs à manger et on y va.
— D’accord.
Elle rassembla ses affaires, puis disparut dans sa chambre. Lorsqu’elle revint, quelques minutes plus tard, Mohinder l’attendait à la porte. Sans un mot, ils quittèrent la maison. Quand il ouvrit la portière de sa voiture, il vit que Gabriel se tenait derrière la fenêtre du salon et les regardait, l’air triste. Le généticien détourna les yeux, au bord des larmes, et monta dans son véhicule, bien décidé à tout faire pour oublier totalement, cette fois-ci, celui qu’il aimait.

Ils roulèrent longtemps en silence. Au bout d’un moment, Mohinder vit dans le rétroviseur que Molly s’était endormie sur la banquette arrière. Il crispa ses mains sur le volant en revoyant le regard triste de Gabriel lorsqu’ils étaient partis. Un flot d’amertume et de chagrin mêlés monta en lui. N’y tenant plus, il se gara sur le bas-côté, descendit de voiture et fit quelques pas dans la nuit froide. Il ne put retenir ses larmes plus longtemps. Il se laissa tomber à genoux sur le sol, de violents sanglots lui secouant le corps. Toute la tension, toutes les émotions accumulées en lui depuis quelques jours faisaient tout à coup surface, le noyant au milieu d’une vague d’incertitude, de peur et de remords. Lorsque les larmes se furent taries, il s’assit, ramenant ses jambes contre son torse, le visage enfoui dans ses genoux. Il sursauta lorsqu’une petite main se posa sur son épaule.
— Tu vas attraper froid, souffla la petite fille près de son oreille.
Il ne put répondre. Elle se colla contre lui, ses bras autour de son cou. Machinalement, il la serra un peu plus. Il ne devait pas se laisser abattre, il n’avait pas le droit d’abandonner, il devait la protéger de l’Organisation, il le lui avait promis. Soupirant, il se releva, soulevant Molly dans ses bras, et revint vers la voiture. Alors qu’il la déposait sur la banquette arrière, elle leva un visage grave vers lui :
— Le Croque-Mitaine n’existe plus.
Mohinder retint une grimace.
— Comment peux-tu en être sûre ?
— Parce que quand je le cherche, je n’ai plus que du noir… mais si je cherche Gabriel, je le trouve dans la maison en bois. Il faut qu’on y retourne.
— Il ne veut plus nous voir, soupira le généticien.
— Pourquoi ?
Il hésita. Comment expliquer à la petite fille qu’il était tombé amoureux de l’autre homme et que celui-ci ne ressentait pas la même chose pour lui ? Il ne savait même pas si elle pourrait comprendre le fait qu’il aime un homme comme il devrait aimer une femme. Il soupira, puis s’installa à côté d’elle dans la voiture. Il lui avait promis un jour d’être honnête avec elle, de la traiter comme une adulte et pas comme un bébé. Alors, il décida de tout lui expliquer :
— Molly… ce que je vais te dire va peut-être te paraître étrange… Je… je ressens pour Gabriel quelque chose de très fort…
Elle lui adressa un regard perplexe, puis souffla :
— Tu l’aimes ?
Abasourdi, il bredouilla :
— Que… comment…
— Les deux meilleurs amis de Maman, c’était deux hommes qui vivaient ensemble, des gays. Et elle m’a expliqué ce que ça voulait dire.
— Ca te choque ?
— Que tu aimes Gabriel ? Non.
Mohinder sourit.
— Tu es vraiment une petite fille pleine de surprises.
Elle sourit à son tour. L’Indien reprit ses explications :
— Le problème, c’est qu’il ne ressent pas la même chose pour moi… Alors même s’il n’est plus méchant, il…
— C’est faux.
— Quoi ?
— Il t’aime aussi.
Le cœur de Mohinder fit un bond dans sa poitrine.
— Pourquoi tu dis ça ?
— La nuit, quand je dormais pas, j’allais l’observer… et il parlait dans son sommeil… en général, il disait des trucs que je ne comprenais pas… mais, souvent, il t’appelait… il te suppliait de ne pas le laisser, de ne pas l’abandonner… qu’il était incapable de vivre loin de toi…
Le généticien détourna le regard, désemparé par ce qu’il venait d’entendre. Si ce que Molly disait était vrai, et elle n’avait aucun intérêt à lui mentir, Gabriel ne l’avait repoussé que parce qu’il avait peur de leur faire du mal. Il se passa une main dans les cheveux, essayant de décider s’il devait ou non faire demi-tour.
— Mohinder, souffla Molly en posant sa main sur son bras, il faut qu’on retourne le voir.
Il se pencha et déposa un baiser sur la joue de la petite fille.
— Tu as raison ! Merci.
Elle lui sourit alors qu’il quittait l’arrière de la voiture pour reprendre le volant. Il démarra et fit demi-tour, bien décidé à obliger Gabriel à lui avouer ses sentiments.

***


Il entra silencieusement dans la chambre où l’homme dormait profondément. Sans bruit, il s’approcha du lit, puis se pencha sur le dormeur. Sa main se posa sur la gorge de l’homme… et descendit lentement sur son torse nu, repoussant le drap vers le bas. Le dormeur s’éveilla, une lueur de désir éclairant son regard sombre. Il se pencha un peu plus, leurs lèvres se rencontrèrent timidement, puis passionnément. Il s’étendit sur le lit contre l’autre homme, envahi par un désir impérieux.

***


Mohinder avait l’impression que son cœur allait sortir de sa poitrine tellement il cognait fort contre ses côtes. Il prit la main de Molly, puis se dirigea vers la maison plongée dans l’obscurité. Alors qu’ils allaient atteindre la porte, une lumière s’alluma dans le salon et le battant s’ouvrit sur Gabriel qui les considéra d’un air circonspect.
— Qu’est-ce que vous faites ici ?
— Il faut qu’on parle ! répondit le généticien d’un ton sec.
— Vous devez partir !
— Molly est fatiguée. Laisse-la dormir dans un lit. Et, si tu le souhaites toujours, nous partirons demain matin.
Le « spécial » sembla réfléchir, puis il s’écarta et les laissa entrer. Mohinder conduisit immédiatement la petite fille dans la chambre afin qu’elle se mette au lit.
— Bonne nuit, ma puce.
— Bonne nuit, Mohinder… j’espère que ça va bien se passer.
— Moi aussi.
Il l’embrassa sur le front, lui sourit et sortit de la chambre. Il vit que la lumière était allumée dans la cuisine et se dirigea dans cette direction. Il trouva Gabriel debout à côté du plan de travail, le regard dans le vague. En l’entendant arriver, le « spécial » leva les yeux vers lui, l’air triste.
— Vous n’auriez pas dû revenir…
— Il le fallait, souffla Mohinder, appuyé contre le chambranle de la porte.
Gabriel demanda en se retournant :
— Vous voulez un café ? Ou un thé ?
— Café, répondit le généticien en s’asseyant sur un tabouret.
L’autre homme le servit, puis vint prendre place en face de lui. Mohinder prit la tasse entre ses mains, le regard fixé sur le breuvage sombre qui fumait.
— Pourquoi êtes-vous revenus ?
— Il fallait que je te parle… de ce qui se passe entre toi et moi…
Leurs regards se soudèrent. Gabriel souffla dans un murmure :
— Il ne se passe rien…
— Ne me mens pas, s’il te plait. Je sais que tu éprouves quelque chose pour moi… Je ne veux pas te brusquer, mais je ne peux pas non plus laisser passer une chance d’être heureux.
— Et s’Il revenait ? S’Il vous faisait du mal ?
— Molly est persuadée que Sylar n’existe plus. Et je veux y croire. Gabriel, soit franc… s’il te plait…
Le jeune homme baissa les yeux, l’air gêné.
— Je ne veux pas ressentir ça… ça me fait peur… aussi peur que de voir revenir le monstre que j’étais… Je ne sais même plus qui je suis…
Mohinder posa sa main sur celle de son ami.
— Je suis là pour t’aider… si tu veux bien de moi…
Gabriel ne le regardait toujours pas. Ils restèrent un long moment silencieux avant que le « spécial » ne réagisse.
— J’ai besoin de temps pour remettre mes idées en place.
— Je le comprends. Je ne te demande rien… juste de me laisser rester près de toi.
Gabriel se leva et fit le tour de la table pour quitter la cuisine. Alors qu’il passait près de Mohinder, il s’arrêta et le regarda, les joues rouges.
— Je… j’aimerais…
— Quoi ?
— J’aimerais t’embrasser…
L’Indien sentit un frisson de désir le traverser. Il sourit tendrement et se leva à son tour. Il s’approcha de Gabriel qui semblait tétanisé, ne s’arrêtant que lorsque leurs visages furent à quelques centimètres l’un de d’autre. Il ne s’avança pas plus, voulant laisser à l’autre homme le choix de continuer ou de revenir en arrière. Finalement, Gabriel se décida et franchit cette courte distance, posant ses lèvres sur celles de son ami. Frémissant, Mohinder l’enlaça doucement alors que le baiser s’approfondissait. Lorsqu’ils se séparèrent, Gabriel quitta vivement la pièce, rougissant jusqu’à la racine de ses cheveux. Le généticien resta dans la cuisine. Il se rassit, sous le choc. Un grand sourire naquit sur ses lèvres. Il savait qu’il lui faudrait du temps pour franchir les défenses de l’autre homme, mais il était bien décidé à y parvenir.

Deux jours plus tard


Mohinder était debout dans le salon, occupé à faire faire une dictée à Molly, lorsque Gabriel les rejoignit, l’air affolé.
— Il faut partir !
— Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta l’Indien.
— J’ai aperçu un type de l’Organisation au village. On n’est plus en sécurité ici. Il faut partir ! Vite !
Molly n’attendit pas plus pour regrouper ses affaires et se précipiter dans sa chambre. Mohinder l’imita. Lorsqu’il revint dans le salon, Gabriel faisait les cent pas, nerveux. Son ami l’attrapa par la taille et l’attira contre lui. Le jeune homme se laissa faire, enfouissant son visage dans le cou du généticien.
— J’ai peur, Mohinder… Peur de ne pas réussir à vous protéger, Molly et toi. A quoi me servent mes capacités si je ne suis même pas en mesure de vous mettre à l’abri du danger ?
— Je suis certain que tout va bien se passer… tant qu’on restera ensemble, tout ira bien.
— Tu as l’air si sûr de toi…
Gabriel s’écarta un peu et plongea son regard dans celui de l’autre homme qui lui sourit.
— Ce n’est qu’une apparence, moi aussi j’ai peur. Mais j’ai pris l’habitude de paraître fort pour Molly.
Le « spécial » sembla hésiter à parler.
— Tu peux tout me dire, l’encouragea son ami.
— Il vaudrait peut-être mieux qu’on parte chacun de son côté…
Le cœur de l’Indien se serra.
— Pourquoi ?
— Plus un groupe est important, plus il est facile de le localiser. Je suis certain que tu passais plus facilement inaperçu lorsque tu étais juste avec Molly.
— Ne crois pas ça. Un homme qui voyage avec une petite fille qui ne lui ressemble pas assez pour sembler être sa fille attire beaucoup l’attention… les gens bien intentionnés ont tout de suite des idées horribles et j’ai failli me faire arrêter plusieurs fois depuis qu’on a quitté New York.
— Je ne savais pas.
— Maintenant que je t’ai trouvé, je n’ai aucune envie de te laisser partir. Nous resterons ensemble, tous les trois, quoi qu’il arrive.
Leur discussion fut interrompue par l’arrivée de la petite fille avec son sac. Elle ne sembla même pas voir que les deux hommes étaient enlacés.
— Je suis prête.
Mohinder attrapa les clés de sa voiture et ils quittèrent la maison.

Ils roulèrent pendant des heures. Gabriel connaissait un endroit où ils seraient en sécurité et donnait la direction à suivre à son ami qui conduisait en jetant constamment des coups d’œil dans le rétroviseur. Au bout d’un moment, Molly s’endormit à l’arrière. La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu’ils arrivèrent enfin à destination. Ils étaient dans le parking d’une sorte d’usine désaffectée située au beau milieu de nulle part. Ils descendirent de voiture, Mohinder prit la petite fille dans ses bras, et il se dirigèrent vers un bâtiment désert. Alors qu’ils y entraient, la lumière vive de phares de voiture les éblouit violemment. Le généticien fit un pas en arrière, mais la voix de Gabriel près de lui lança :
— N’aies pas peur, ce sont des amis…
Avant qu’il ait eu le temps de demander des explications, les phares s’éteignirent et un néon s’alluma au-dessus d’eux, leur permettant de voir les deux personnes qui se tenaient à quelques mètres d’eux. Molly, qui s’était réveillée, se serra un peu plus contre Mohinder qui ne put retenir une exclamation de surprise en reconnaissant la femme qui s’approchait d’eux :
— Vous !
Gabriel se tourna vers lui, l’air sincèrement étonné :
— Tu la connais ?
Ce fut la femme qui répondit :
— Professeur Suresh. Cela fait longtemps…
— Effectivement… La dernière fois que je vous ai vue, vous me mettiez dehors de chez vous après que je vous ai ramené le corps de votre fils que je croyais mort…
Angela Petrelli eut un sourire que le généticien ne parvint pas à trouver sincère.
— Heureusement, mon Peter a plus de ressources qu’il n’y paraît. Je suppose que tu es Molly, rajouta t’elle à l’attention de la fillette.
Celle-ci, terrifiée, tremblait dans les bras de Mohinder.
— Tu ne dois pas avoir peur de moi.
— C’est vous qui avez envoyé Gabriel pour nous aider ? demanda l’Indien.
— Oui. Après que notre ami ici présent, ajouta t’elle en désignant l’Haïtien qui se tenait à ses côtés, se soit occupé de lui.
— Qu’est-ce que vous nous voulez ?
— Pourquoi pensez-vous que je veuille quelque chose ?
— Vous n’êtes pas le genre de femme à agir sans avoir une idée bien précise derrière la tête. Et votre présence ici laisse supposer que vous venez chercher votre dû.
— Vous êtes vraiment très intelligent, Professeur Suresh.
Elle s’approcha un peu plus, fixant Molly.
— Je suis ici pour elle.
Mohinder recula encore.
— Gabriel avait pour mission de vous protéger de l’Organisation, de gagner votre confiance et de vous amener jusqu’ici, tous les deux, afin que je puisse prendre en charge Molly Walker à votre place.
— Il en est hors de question !
— Vous n’êtes pas en mesure de refuser, Professeur.
Mohinder se tourna vers Gabriel. Il se sentait mal, trahi encore une fois par celui qu’il aimait.
— Comment as-tu pu faire ça ? Comment as-tu osé ?
— Je suis déso…
— Ferme-la ! Je te faisais confiance… je croyais que nous… Je ne suis qu’un idiot…
Molly se mit à pleurer dans ses bras.
— Je ne veux pas aller avec cette femme ! Ne m’abandonne pas !
— Vous n’avez pas le choix, Professeur Suresh ! lança la voix d’Angela Petrelli.
Le Haïtien s’approcha à son tour. Il voulut prendre Molly au généticien mais celle-ci se mit à hurler. La femme sortit alors une arme de son manteau et la pointa sur la tête de Mohinder.
— Je n’hésiterai pas à faire ce qu’il faut pour la récupérer… même si je dois pour cela vous abattre.
Gabriel s’interposa soudain entre son ami et elle.
— Il faudra me tuer d’abord !
— Ne me tente pas, Gabriel ! Souviens-toi que tes pouvoirs ne peuvent rien contre moi tant que notre ami est là.
Le « spécial » tourna la tête vers le Haïtien, puis soupira. Sans se déplacer, il lança à l’attention de Mohinder :
— Laisse-la prendre Molly.
— Non !
— Je vais aller avec elle, intervint soudain la fillette.
Le généticien lui adressa un regard inquiet :
— Molly…
— Je ne veux pas que tu sois blessé… et je ne veux pas non plus que Gabriel le soit. Je vais aller avec la dame, comme ça, elle vous laissera partir. Il n’y a pas d’autre solution.
Il sentit les larmes inonder ses yeux alors qu’il réalisait que la petite avait raison. Il la serra à nouveau très fort contre lui.
— Je te promets que te retrouverai… lui murmura t’il à l’oreille. Je t’aime, Molly.
— Je t’aime, Mohinder… je t’attendrai.
Il n’arrivait pas à se décider à la lâcher, mais ce fut elle qui commença à s’agiter pour descendre de ses bras. Il la posa au sol. Elle s’avança un peu, s’arrêta à côté de Gabriel et lui fit signe de se pencher. Il s’agenouilla près d’elle. Elle se serra contre lui, lui dit quelque chose à voix basse, puis l’embrassa sur la joue. Enfin, elle se tourna vers Angela Petrelli.
— Je viens avec vous si vous me promettez que vous les laisserez partir !
— Je te le promets, Molly. Ils ne m’intéressent pas et ils peuvent aller où ils veulent, ça m’est bien égal.
La petite fille jeta un dernier coup d’œil à son protecteur. Il avait le cœur au bord des lèvres, n’arrivant pas à croire que tout ceci n’était pas qu’un horrible cauchemar. Angela Petrelli prit la main de Molly et l’entraîna vers la voiture. Le néon s’éteignit et les phares s’allumèrent à nouveau, éblouissant les deux hommes. Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent seuls dans l’obscurité de l’entrepôt vide.
Une colère comme il n’en avait jamais connu auparavant s’empara de Mohinder qui s’avança vers Gabriel, les poings serrés.
— Tu m’as trahi ! Tu NOUS as trahis ! Espère d’ordure !
Avant que le « spécial » ait eu le temps de répondre, le généticien lui décocha un uppercut. Gabriel tituba en arrière. Mohinder savait que l’autre homme aurait pu se défendre et l’envoyer valdinguer à l’autre bout de l’entrepôt, mais il s’en fichait. Sa rage, sa tristesse, son amertume et sa déception étaient trop fortes pour qu’il parvienne à se calmer. Comme l’autre ne réagissait pas à son coup de poing, il le frappa à nouveau, au ventre, lui coupant le souffle. Gabriel tomba à genoux sur le sol, toussant, essayant avec difficultés de reprendre sa respiration.
— Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi ? POURQUOI ?
Mohinder se sentit tout à coup extrêmement las. Il se laissa glisser au sol, les joues inondées de larmes, répétant comme un leitmotiv cette question : « Pourquoi ? ». Gabriel s’approcha lentement de lui, presque craintivement et posa sa main sur celle de son ami qui leva les yeux vers lui, le visage ravagé par la douleur.
— Je suis désolé… Je m’en veux terriblement… Je ne pensais pas qu’ils emmèneraient Molly… Ils m’avaient juste dit qu’ils voulaient te parler mais que tu ne voudrais sûrement pas les voir… Alors ils m’ont dit de te faire croire que l’Organisation nous avait retrouvés et de t’emmener ici… Je te jure que je ne l’aurais jamais fait si j’avais su qu’ils voulaient Molly… Mohinder…
L’Indien se passa une main sur le visage, essayant tant bien que mal de reprendre ses esprits.
— Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
Comme Gabriel ne semblait pas comprendre de quoi il parlait, il ajouta :
— Molly, elle t’a parlé avant d’aller avec eux.
— Elle m’a demandé de veiller sur toi… et elle m’a dit qu’elle me pardonnait…
Mohinder soupira profondément. Il se releva et tendit la main à son ami pour l’aider à faire de même.
— Excuse-moi de t’avoir frappé…
— Tu en avais totalement le droit… Je sais que tu lui as promis que tu la retrouverais… et je veux t’aider… si tu veux toujours de moi à tes côtés…
Pour toute réponse, Mohinder attrapa Gabriel par le bras et l’attira contre lui. Il enfouit son visage dans l’épaule de son compagnon qui referma son étreinte puissante sur son corps fatigué. Le « spécial » lui caressa tendrement les cheveux et murmura :
— On va la retrouver, je te le promets…

Deux jours plus tard


Il se réveilla en sursaut et en nage, comme chaque nuit. Son cœur battait à tout rompre tandis qu’il essayait de chasser les images horribles qui l’avaient assailli dans son cauchemar. Des bras tendres l’enlacèrent et l’attirèrent contre un torse chaud et rassurant alors qu’une voix douce murmurait à son oreille :
— Calme-toi… tout va bien… ce n’était qu’un rêve…
Il enfouit son visage dans le cou de Gabriel. Il se sentait vraiment en sécurité entre ses bras, oubliant presque sa peur de perdre définitivement Molly. Lorsqu’il se sentit mieux, Mohinder repoussa doucement son ami et le regarda dans les yeux.
— Merci…
Le « spécial » ne répondit pas, se contentant de sourire tendrement. Il déposa un léger baiser sur les lèvres du généticien, puis tenta de s’étirer dans l’habitacle étroit.
— J’ai vraiment hâte de pouvoir à nouveau dormir dans un vrai lit !
— Moi aussi… Quelle heure est-il ? demanda Mohinder en jetant un coup d’œil dehors.
— Presque sept heures. Ils ne vont plus tarder.
— Alors, allons-y.
Ils sortirent de la voiture et se dirigèrent vers le hangar du petit aérodrome. Ils n’étaient pas armés, n’avaient pas de plan précis, mais étaient bien déterminés à récupérer Molly. La porte du hangar ne résista pas à Gabriel. Ils se faufilèrent à l’intérieur. Le jet était bien là, comme l’avait prédit le « spécial ». Alors qu’ils s’approchaient de l’appareil, un homme en sortit. Ils se cachèrent derrière des caisses. Gabriel souffla à l’oreille de Mohinder :
— Heureusement qu’il n’a pas la même ouïe que moi, on se ferait vite prendre : ton cœur bat un peu trop vite…
Le généticien ne put s’empêcher de sourire. L’adrénaline qui courait à présent dans ses veines lui donnait du courage mais il avait tout de même très peur d’échouer, surtout si près du but. Son ami lui fit signe de ne pas bouger, puis se faufila sans bruit vers le pilote qui leur tournait le dos. Quelques secondes plus tard, l’homme s’écroulait silencieusement sur le sol. Mohinder rejoignit Gabriel et posa ses doigts dans le cou du pilote pour chercher son pouls.
— Ne t’en fais pas, je l’ai juste assommé.
D’un autre geste, Gabriel fit monter le corps endormi dans l’appareil, puis grimpa à sa suite. Le généticien hésita une fraction de seconde avant de suivre son ami à l’intérieur. Lorsqu’il rejoignit le « spécial » dans le cockpit, celui-ci était en train de feuilleter le manuel de vol.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— J’apprends à piloter.
— Tu…
Il s’interrompit et leva les mains.
— Ok, je ne veux pas savoir. Qu’est-ce qu’on va faire quand ils vont arriver ?
Gabriel leva les yeux de son livre et souffla :
— On va le savoir très vite, j’entends une voiture qui approche. Je ne vais rien pouvoir faire si le grand type Black est avec elles.
— Je m’occupe de lui ! Attire-le à l’intérieur.
Mohinder retourna dans l’habitacle. Il prit un extincteur, puis se cacha derrière un siège. Il savait qu’il ne pouvait pas faire le poids contre l’Haïtien dans un corps à corps, mais ses études de médecine allaient lui servir à frapper là où ça fait mal… et surtout là où ça assomme à coup sûr même le type le plus costaud du monde.
Il n’eut pas à attendre longtemps. La voiture que Gabriel avait entendue entra dans le hangar et s’approcha de l’avion. Le moteur s’arrêta, les portières s’ouvrirent puis claquèrent. Mohinder sentit son cœur se serrer en entendant Molly demander :
— On va où ?
— On rentre à New York, ma chérie, répondit la voix horriblement mielleuse d’Angela Petrelli. William ?
Bien sûr, le pilote ne répondit pas. Mais un sifflement se fit entendre alors que les turbines du moteur de l’avion se mettaient en route.
— Va voir ce qui se passe ! lança la femme à son complice.
Mohinder vit l’Haïtien monter prestement l’escalier. Il jeta un coup d’œil à droite, dans la direction du généticien, qui se dissimula un peu plus derrière le siège, puis à gauche, vers le cockpit dont Gabriel avait laissé la porte entrouverte. L’Haïtien se dirigea dans cette direction, inconscient de la présence de Mohinder derrière lui. L’Indien leva l’extincteur le plus haut qu’il le pouvait et l’abattit sur la nuque de l’homme qui s’écroula sur le sol comme une poupée de chiffon. Gabriel ouvrit la porte à ce moment là et lui adressa un immense sourire. Il fit voler le corps de l’homme inconscient jusqu’à l’arrière de l’appareil, où se trouvait déjà le pilote, puis lança, en imitant la voix de l’Haïtien :
— Tout va bien. Vous pouvez monter.
Mohinder retourna se dissimuler derrière le siège et Gabriel s’installa contre la paroi, près de la porte de l’appareil. Ils attendirent un moment, puis virent apparaître Molly, suivie d’Angela Petrelli. La femme poussa un petit cri de stupeur lorsque la porte se referma brutalement derrière elle. Elle se tourna vers Gabriel alors que la petite fille se précipitait dans les bras de Mohinder.
— Tu vas bien ? demanda le généticien.
— Oui oui. Je savais que vous étiez là ! J’ai senti la présence de Gabriel.
L’intéressé, sans quitter Angela des yeux, s’approcha de son ami et de l’enfant. Celle-ci descendit des bras de l’Indien pour aller dans ceux du « spécial ».
— Je suis heureuse de te revoir.
— Moi aussi, ma puce, souffla t’il en tournant la tête une fraction de seconde.
— Vous n’auriez pas du faire ça… lança la femme, une lueur de haine dans le regard.
Avant que l’un des deux hommes ait eu le temps de réagir, elle sortit son arme de son sac, la pointa sur Gabriel et tira. Sans réfléchir, Mohinder se jeta sur son compagnon pour le pousser au sol. Et ce fut soudain le noir total.

***


La douleur était terrible, pire que tout ce qu’il avait pu connaître avant. Il sentit son cœur se déchirer en deux alors que le sang de Mohinder coulait de la blessure de son front sur le sol de l’appareil. Tout était confus dans sa tête. Tellement confus qu’il n’arrivait plus à percevoir les battements de cœur de son compagnon, de cet homme qui lui avait donné une seconde chance… qui lui avait permis de devenir autre chose que le monstre qu’il avait été… qui lui avait pardonné toutes ses atrocités, même les pires… cet homme dont il était tombé amoureux…
Un cri d’horreur s’échappa de sa gorge. Il se releva, alors que la fureur montait rapidement en lui, et s’approcha de la femme qui le considérait avec terreur. D’un geste, il fit venir à lui l’arme encore chaude. Il la serra entre ses doigts jusqu’à ce qu’elle fonde et ne soit plus qu’une flaque de métal sur le sol. Puis, il leva sa main vers la gorge de la femme qui commença à étouffer. Il avait perdu… il avait lutté pour ne plus être Lui… pour ne plus être Sylar… et à cause d’elle, il avait perdu… il avait tout perdu…
Il crispa ses doigts, resserrant un peu plus sa prise sur la femme. Elle se débattait, cherchant en vain à aspirer le peu d’air nécessaire à sa survie. Mais c’était trop tard… elle allait payer pour ce qu’elle venait de faire…
Il entendait la petite fille crier, lui demander d’arrêter, mais il ne le pouvait pas. Sa rage était plus forte que tout. Une seule personne aurait pu le stopper…
Alors qu’il allait terminer le travail en écrasant la trachée de la femme, une voix, semblant venir du plus profond de son âme, l’appela :
— Gabriel !


***


Mohinder avait mal à la tête. Il avait du mal à se concentrer mais savait qu’il devait ouvrir les yeux. Les cris de Molly réussirent à le sortir de la douloureuse torpeur où il se trouvait. Il se redressa difficilement sur un coude, puis lança, le plus fort qu’il le pouvait :
— Gabriel !
Le « spécial », qui était en train d’utiliser la télékinésie pour tuer Angela Petrelli, se tourna soudain vers lui, l’air perdu. Mohinder s’assit, aidé par la petite fille, puis se leva en s’appuyant sur le fauteuil le plus proche.
— Laisse-la, Gabriel. Si tu la tues, tu vas redevenir Lui… et je sais que tu ne le veux pas.
Le jeune homme le fixait, l’air perdu. Puis, soudain, il baissa la main et s’effondra à genoux sur le sol, en pleurs. Angela Petrelli tomba elle aussi, toussant et respirant avec difficultés, mais vivante. Mohinder s’approcha le plus vite qu’il le put de Gabriel, se laissa tomber à ses côtés et l’enlaça.
— Je croyais… je te croyais mort…
— Chut… je suis là… je suis juste blessé, je ne vais pas mourir…
— J’ai failli…
— Je sais…
Molly les rejoignit et vint se blottir contre eux.
— Tu m’as sauvée, Gabriel. Vous m’avez sauvée, tous les deux.
Le « spécial » hocha la tête en silence. Il lui fallut un long moment pour reprendre ses esprits. Lorsqu’il put enfin sécher ses larmes, il regarda Molly et Mohinder tour à tour, puis sourit :
— Merci… de m’avoir arrêté à temps.
Mohinder se releva et tendit la main à son ami qui fit de même. Angela Petrelli les fixait, l’air horrifié :
— Comment… comment vous nous avez trouvés ?
Gabriel s’approcha d’elle :
— Lorsque vous et vos complices m’avez appris à me servir de mes capacités, il y en a dont vous n’aviez pas connaissance… notamment mon ouïe surdéveloppée… J’ai entendu certaines de vos petites conversations très intéressantes où vous disiez que vous aviez un aérodrome privé dans le coin… Il nous a alors suffit de contacter la tour de contrôle pour savoir quand était prévu le prochain vol.
Mohinder, qui s’était assis sur un fauteuil, Molly sur ses genoux, demanda :
— Vous pensiez vraiment que j’allais vous laisser l’emmener ?
Gabriel se désintéressa de la femme qui ne représentait plus de menace pour eux et s’approcha de son ami. Il se pencha pour regarder la plaie sur le front du généticien.
— Il faut soigner ça.
— Il faut d’abord qu’on se débarrasse d’eux et qu’on parte d’ici.
— Ca, je m’en occupe.
Le « spécial » alla ouvrir son sac qu’il avait posé dans un coin de l’appareil, en sortit des cordes et s’en servit pour ligoter les deux hommes, toujours inconscients, et la femme. Puis, il les fit sortir de l’avion et les enferma dans leur voiture dont il fit fondre les jointures des portières. Du haut de l’escalier, Molly et Mohinder le regardaient opérer. Lorsqu’il eut terminé, il se tourna vers eux, souriant :
— Je pense qu’ils mettront du temps avant de pouvoir sortir de là !
— Il ne risquent pas d’étouffer ?
— Non, ne t’en fais pas, j’ai laissé assez de jeu pour qu’ils puissent respirer. Et puis, dès que nous serons assez loin, nous préviendrons la police pour qu’ils viennent les chercher.
Il remonta dans l’appareil, referma la porte, puis alla récupérer la trousse de secours à l’arrière. Il obligea Mohinder à se rasseoir afin de pouvoir le soigner.
— Depuis quand tu es médecin ? demanda le généticien en voyant les gestes assurés de son ami.
— Depuis que j’ai lu un bouquin de médecine l’autre jour au chalet…
— J’ai l’impression que tu n’en finiras jamais de me surprendre !
Gabriel plongea son regard sombre dans celui de son compagnon. Un léger sourire remonta les coins de ses lèvres si tentantes et Mohinder dut se faire violence pour ne pas se jeter sur lui pour l’embrasser sauvagement. S’il n’y avait pas eu Molly juste à côté de lui qui les regardait, il savait qu’il n’aurait pas pu résister. Mais il avait encore du mal à se faire à l’idée que la petite fille connaissait leurs sentiments respectifs et n’en était pas choquée.
Gabriel rompit le contact visuel et termina d’appliquer le pansement sur le front du généticien. Puis, il se leva et se dirigea vers le cockpit. Arrivé là, il se retourna vers ses amis pour demander :
— Où voulez-vous qu’on aille ?
— Il faut trouver un endroit où nous serons en sécurité. Et je crois que j’ai une idée… Tu as une carte ?
— Je vais te trouver ça.
Quelques minutes plus tard, l’avion décolla, prenant la direction de l’est et de la destination choisie par Mohinder.

Deux semaines plus tard


Le soleil descendait rapidement sur les montagnes, amenant la fraîcheur de la nuit. Mohinder frissonna mais ne bougea pas. Il se sentait bien, enfin en sécurité. Il savait que personne ne viendrait les chercher là, au fin fond du Tibet. Personne, ni l’Organisation, ni Angela Petrelli, ne pourrait les suivre, ils y avaient veillé en brouillant suffisamment leurs traces pour être tranquilles. A présent, ils se retrouvaient tous les trois dans cette petite maison rustique, à quelques kilomètres d’un village et d’un temple où ils pouvaient trouver tout ce dont ils avaient besoin pour vivre. Mohinder s’était proposé pour enseigner l’anglais et les mathématiques aux enfants du village. Gabriel les aidait lorsqu’ils avaient de gros travaux de construction en se servant discrètement de la télékinésie. En échange de leurs services, les villageois et les moines leur fournissaient des vivres, des vêtements et assez de couvertures pour supporter la froideur du climat.
Mohinder sentit Gabriel s’asseoir derrière lui et l’enlacer. Il se laissa aller contre le torse de son compagnon qui murmura :
— Elle dort.
— Je suis heureux qu’elle s’adapte aussi bien à cet endroit.
— Tu as eu une excellente idée de nous amener ici.
— Merci.
— Maintenant, on devrait rentrer, il commence à faire vraiment froid.
Ils se levèrent et se dirigèrent, main dans la main, vers la maison. A l’intérieur, Gabriel s’apprêtait à partir vers sa chambre lorsque Mohinder le retint, l’attirant contre lui pour un doux baiser. Un désir intense s’empara du généticien qui soupira contre le joue de son ami.
— Excuse-moi… Je sais que tu n’es pas prêt…
— Je le suis…
Surpris, Mohinder releva la tête et plongea son regard dans celui de Gabriel qui répéta :
— Je suis prêt…
L’Indien recula doucement, entraînant son compagnon dans sa chambre. Il referma soigneusement la porte et la verrouilla pour ne pas risquer que Molly les surprenne au mauvais moment. Il voulait que cette première fois entre eux soit inoubliable…

***


Il écoutait… chaque gémissement… chaque changement du rythme cardiaque ou de la respiration de son amant… Alors que ses lèvres dévoraient la peau brune de Mohinder, il s’amusa à le faire vibrer comme les cordes d’un violon. Son compagnon réagissait à chacune de ses caresses comme il l’espérait… Il jouait de son corps comme il jouait d’un instrument… si sensible… si parfait…
Leurs corps semblaient conçus l’un pour l’autre… Leur fusion était si complète que ça en devenait étourdissant… Il n’aurait jamais cru pouvoir ressentir quelque chose de si intense en étant contre lui… en lui…
Leurs souffles se mêlaient, leurs langues se caressaient avec une sensualité qu’ils n’avaient jamais connue avant ce jour. Leurs corps se mouvaient lentement, contrastant avec la fureur du désir et du plaisir qui les consumaient.
Lorsqu’ils ne purent contenir leur passion plus longtemps, ils se laissèrent emporter par une déferlante de sensation et d’amour qui les conduisit aux plus hauts sommets du plaisir.


***


Mohinder contempla un instant le visage paisible de Gabriel qui s’était déjà endormi. Il sourit, caressa d’un doigt le contour des lèvres de son amant, puis se rallongea, blotti dans ses bras. Il avait enfin trouvé ce qu’il cherchait depuis tant d’années, la réponse à toutes ses questions, à toutes ses prières, son refuge…

Fin.


Fic terminée le 23/09/2007.


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