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Tom termina les branchements et s’installa devant les écrans de surveillance. Lorsque Kyle était retourné chez les Trager, il lui avait demandé de rebrancher les caméras qu’il avait éteintes quelques mois plus tôt. Il voulait pouvoir veiller sur son protégé à distance. Le jeune homme avait été réticent mais lui avait obéi. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il était presque deux heures du matin. Il sentait la fatigue commencer à se faire sentir, mais il savait que c’était la nuit qu’il y avait le plus de risques pour Kyle. Dans la journée, il était rarement seul, que ça soit chez lui ou au lycée. Et il savait que l’Organisation ne tenterait rien pour le reprendre ou le tuer s’il risquait d’y avoir des témoins.
Tom alla se servir un café, puis revint s’installer confortablement. Kyle dormait dans sa baignoire et tout était calme dans la maison. Il contempla longuement le visage paisible de l’adolescent, essayant de lutter contre les sentiments qui le tourmentaient depuis plusieurs mois maintenant. Lorsque Adam lui avait demandé de veiller sur « le prototype », il n’aurait jamais cru qu’il s’attacherait autant à ce jeune homme à l’intelligence surdéveloppée. Au début, ça n’avait été qu’un travail comme les autres… et puis, au fil du temps, il avait compris qu’il ne pourrait plus jamais s’éloigner de Kyle… comme il n’avait jamais pu s’éloigner d’Adam… La dernière conversation qu’il avait eu avec son ami, le matin même de sa mort, lui revint en mémoire.

Flashback

Il passait devant le bureau d’Adam lorsque celui-ci l’appela :
— Tom, tu peux venir ? Il faut que je te parle.
L’agent de sécurité entra dans la pièce, intrigué par le ton soucieux de son ami.
— Ferme la porte et assieds-toi.
Il obéit. Adam reprit :
— On doit parler de Kyle.
— Il y a un problème ?
— Non, au contraire. Le potentiel de cet enfant est au-delà de mes espérances. Il est brillant… beaucoup plus que moi… et j’ai peur pour lui.
— Je suis justement là pour le protéger de l’Organisation, sourit Tom.
— Ce n’est pas eux qui me font le plus peur.
Surpris, Tom demanda :
— Qui alors ?
— Avec son intelligence et ses facultés, s’il n’est pas guidé sur le bon chemin, Kyle pourrait devenir dangereux… pour lui-même et pour les autres… Et, comme tu le sais, je ne serai pas toujours là pour lui. Il faut qu’il ait quelqu’un auprès de lui qui le soutiendra, qui l’aidera à continuer son apprentissage même après ma mort.
— Tu en parles comme si tu devais disparaître très prochainement.
Adam sourit.
— Je sais beaucoup de choses, mais je n’ai pas encore le pouvoir de lire l’avenir. Je n’ai aucune idée du jour et de l’heure de ma mort. Mais, je veux juste être sûr que quand ça arrivera, Kyle ne se retrouvera pas livré à lui-même. Promets-moi de t’occuper de lui, Tom. Il aura besoin de toi et de ta force. Même si, parfois, il s’opposera à toi, tu devras continuer à veiller sur lui.
— Je te le promets, Adam.
Son ami vint s’asseoir sur le bord du bureau tout près de lui. Il leva la main, la posant sur la poitrine de Tom au niveau du cœur, ce qui provoqua une accélération soudaine de ses battements.
— Je sais quels sont les sentiments qui brûlent là… Je sais que tu t’en veux, que tu aimerais ne pas ressentir ça…
Tom détourna le regard gêné. Adam avait toujours su lire en lui comme dans un livre ouvert, depuis le premier jour, depuis leur première rencontre. La voix de son ami reprit, sur un ton plus maussade :
— Tu ne peux pas savoir comme je m’en veux de n’avoir pas su répondre à tes attentes…
Tom releva les yeux vers lui, abasourdi :
— Ce n’est pas de ta faute ! L’amour ne se commande pas !
Adam eut un sourire triste.
— Pourtant, tu en aurais eu des raisons de m’en vouloir… de me quitter… tu as veillé sur moi toutes ces années, silencieux et désintéressé… et moi, je n’ai pas su te rendre la moitié de l’affection que tu m’as offerte…
— Etre près de toi me suffisait, souffla Tom. Je veillerai sur Kyle comme j’ai veillé sur toi, silencieux et désintéressé.
— Kyle est peut-être mon clone… mais il n’est pas moi…
— Que veux-tu dire ?
Adam fit passer sa main de la poitrine de son ami à sa joue.
— Tu verras… sourit-il avant de se pencher pour déposer un léger baiser sur les lèvres de Tom.

Fin Flashback


Moins de deux heures plus tard, Adam mourrait, tué par l’Organisation. Tom avait ensuite été très occupé à tout préparer pour le retour de Kyle chez les Trager et n’avait pas eu le temps de repenser à sa dernière conversation avec son ami. A présent, il se retrouvait seul dans ce garage qu’il avait acheté afin d’avoir un endroit sûr où il pourrait rencontrer son protégé. En le voyant couché dans sa baignoire, il se souvint de tous ces mois, ces années même, où il travaillait pour Zzyzx et où, à chaque fois qu’il le pouvait, il allait voir comment se portait « le prototype ». Déjà à l’époque, il s’était pris d’affection pour lui, mais ne s’en était pas rendu compte. Ce n’était que lorsque le Professeur Kern avait tenté de tuer Kyle, après l’avoir sorti de son caisson, qu’il avait réalisé qu’il serait prêt à donner sa vie pour ce jeune homme étrange qui ressemblait tant à celui qu’il avait longtemps aimé en silence.
Il se passa une main sur le visage pour en chasser la lassitude et la fatigue. Son café était froid à présent. Il se leva pour en refaire chauffer puis revint s’installer pour continuer sa surveillance.
La nuit fut calme, sans incident. Lorsque Kyle partit pour le lycée en compagnie de Lori et de Josh, Tom alla s’allonger. Il avait plusieurs heures de tranquillité devant lui et comptait bien en profiter pour rattraper un peu de son sommeil en retard.

***


Tom se réveilla en sursaut. Il regarda sa montre et jura : il était presque seize heures. Kyle devait avoir quitté le lycée depuis un bon moment. Il se précipita vers les écrans, y cherchant son protégé mais il ne trouva dans la maison que Lori dans sa chambre en pleine séance de bécotage avec Declan. Il soupira et composa le numéro du portable de Kyle. Il sursauta presque en entendant la sonnerie retentir derrière lui. Il se retourna d’un bond, le cœur battant à tout rompre.
— Kyle ! Qu’est-ce que tu fais là ? demanda t’il d’un ton agressif qu’il regretta aussitôt.
Le jeune homme eut l’air surpris.
— Nous devions travailler aujourd’hui.
Tom se passa une main dans les cheveux en soupirant.
— Désolé, j’avais totalement oublié quel jour on était…
— Ca va ? Vous semblez fatigué.
— Ne t’en fais pas pour moi. Je vais bien.
Kyle s’assit à la table sur laquelle se trouvait un monceau de livres reliés de cuir. Il prit le premier et commença à le parcourir rapidement. Même s’il avait passé plusieurs mois avec l’adolescent chez Adam, Tom était toujours surpris de le voir assimiler autant d’informations en si peu de temps.
Arrivé à la moitié du livre, Kyle s’arrêta et leva les yeux vers lui :
— Je peux vous poser une question ?
— Bien sûr.
— Vous avez déjà embrassé un homme sur la bouche ?
Pris au dépourvu, Tom se sentit rougir. Il se détourna pour tenter de calmer le trouble qui venait de l’envahir. Les yeux fixés sur l’écran de son ordinateur pour tenter de se donner une contenance, il demanda d’une voix qu’il eut du mal à maîtriser :
— Pourquoi tu veux savoir ça ?
Il entendit Kyle soupirer avant de répondre :
— Ce matin, j’avais cours de sport. Je suis arrivé en avance dans les vestiaires et j’ai vu deux garçons de ma classe qui s’embrassaient sur la bouche. Quand ils m’ont vu, ils ont eu l’air gêné. J’ai fait comme si de rien n’était, mais j’ai bien senti que ça les dérangeait que je les aie vus.
— Ca t’a choqué ?
— Non… Ca aurait dû ?
Tom se décida à refaire face au jeune homme qui le regardait avec son éternel air innocent.
— Il y a des personnes que ça dérange.
— J’ai lu des ouvrages sur l’homosexualité à la bibliothèque et chez Adam. Ils expliquaient beaucoup de choses, mais je n’ai pas tout compris. Je pense que j’ai encore pas mal de lacunes concernant la nature humaine et que ça me gêne pour assimiler certains aspects de la vie.
— Tu devrais en parler à Nicole. Je suis sûr qu’elle serait ravie de tout t’expliquer.
— Je le ferai…
Kyle tourna deux pages du livre, puis releva la tête vers Tom.
— Vous n’avez pas répondu à ma question.
L’agent de sécurité, qui pensait avoir réussi à éluder le problème, soupira profondément. Il savait qu’il ne servirait à rien de mentir au jeune homme. Alors il se lança :
— La réponse est oui... Je suis bisexuel.
La bouche de Kyle forma un « O » parfait alors que ses yeux s’écarquillaient. Il resta ainsi un court moment, puis sourit largement :
— Alors vous allez pouvoir m’apprendre.
— T’apprendre quoi ?
— Je n’ai jamais embrassé personne sur la bouche… et j’aimerais essayer…
Tom se leva d’un bond, essayant de repousser les images mentales très dérangeantes qui envahissaient soudain son esprit. Il fit quelques pas, sentant la colère monter en lui.
— C’est impossible ! lança t’il d’un ton sec.
— Pourquoi ?
— Je… ce n’est pas parce que je suis bi que j’embrasse n’importe qui !
Kyle eut l’air vexé et il se reprit :
— Ce n’est pas ce que je voulais dire… tu n’es pas n’importe qui mais…
Il soupira profondément, puis désigna l’écran montrant la chambre de Lori :
— Ecoute, ton amie n’embrasse pas tous les garçons qu’elle croise. Elle n’embrasse que Declan parce qu’ils ont un lien particulier. Que l’on soit homo ou hétéro, c’est la même chose. Il faut un lien particulier entre deux personnes… Tu comprends ?
— Vous avez déjà eu ce lien avec un autre homme ?
Tom soupira :
— Pas vraiment... disons qu'il ne m'aimait pas comme moi je l'aimais... mais ça ne m'a pas empêché d'être toujours là pour lui...
— C'était Adam ?
Le jeune homme n'avait pas l'air du tout surpris, mais plutôt intrigué. Au point où il en était, Tom n'allait pas commencer à lui mentir. Il devait juste faire attention à ne pas trop en dire.
— Oui. Bon, nous avons assez parlé de moi. Tu as du travail et moi aussi.
Kyle n'insista pas, mais son protecteur sentit qu'il aurait aimé en savoir plus. Alors que l'adolescent se replongeait dans sa lecture, Tom le fixa un moment, puis il détourna le regard en soupirant. Ce qui était enfoui au fond de son coeur le resterait, quoi qu'il arrive.

***


Le soir même, Tom était installé devant ses écrans de surveillance lorsque Kyle rejoignit Nicole dans la cuisine et lui demanda :
— J'aimerais te parler... en privé, ajouta t'il en apercevant Stephen qui allait entrer dans la pièce.
La femme s'essuya les mains et se tourna vers son mari.
— Tu peux finir la vaisselle, s'il te plait ?
— Bien sûr.
Kyle et Nicole quittèrent la cuisine pour se rendre dans la chambre du jeune homme. Une fois à l'intérieur, il referma soigneusement la porte derrière lui et s'y adossa tandis que son amie s'asseyait sur une chaise.
— De quoi veux-tu me parler ?
Il lui fit le même récit qu'à Tom au sujet des deux jeunes hommes qu'il avait vus s'embrasser dans les vestiaires du lycée. Lorsqu'il eut terminé, il demanda :
— Pourquoi certaines personnes trouvent-elles choquant que deux personnes du même sexe s'aiment ?
— Il y a beaucoup de raisons... mais je pense que toutes découlent du fait que pour beaucoup de religions, la sexualité ne sert qu'à la procréation. Au fil du temps, certains ont cessé de croire en Dieu, mais la plupart ont continué à penser que l'homosexualité n'est pas une chose naturelle. A notre époque, même si les gens sont plus tolérant qu'avant, ça reste encore un tabou.
Kyle soupira profondément, le regard fixé sur le sol.
— Dis-moi... est-ce que tu...
Nicole s'interrompit mais le jeune homme avait compris ce qu'elle voulait savoir et souffla :
— Je me pose encore des questions sur moi... Je me sens attiré par une fille... Je lui trouve toutes les qualités...
Tom sentit une bouffée de jalousie monter en lui à la mention d'Amanda. Il avait mis du temps à comprendre pourquoi il n'aimait pas la jeune fille... et avait enfin compris le jour où il avait réalisé quels étaient ses propres sentiments envers Kyle. Il soupira, puis reporta son attention sur la conversation qui se déroulait au même moment à l'autre bout de la ville.
— Depuis quelques temps, je me sens très proche d'un homme... et je me demande si ce que j'éprouve pour lui n'est pas encore plus fort que ce que je ressens pour Amanda... Je sais qu'il est bisexuel et disponible, mais...
Tom se redressa, le coeur battant à tout rompre. Il tenta de chasser le fol espoir qu'il sentait poindre dans son coeur.
— C'est quelqu'un que je connais ?
Il put entendre dans la voix de la femme que malgré tous ses beaux discours sur la tolérance, elle avait peur que son fils soit l'homme en question.
— Non, mentit Kyle. Tu ne l'as jamais rencontré... c'est quelqu'un que j'ai connu lorsque je vivais avec mes parents dans le Connecticut. J'ai appris aujourd'hui qu'il vient d'être muté à Seattle.
— Oh.
Le soulagement de Nicole était presque palpable dans cette monosyllabe.
— Tu lui en as parlé ?
— Pas vraiment...
Kyle jeta un bref coup d'oeil en direction de la caméra. Tom recula instinctivement.
— J'aimerais le lui dire, mais j'ai un peu peur de sa réaction. Il m'a bien fait comprendre qu'il fallait un lien spécial entre deux personnes... mais je ne sais pas si ce lien pourrait exister entre lui et moi...
— Ecoute, je crois que le mieux, c'est de laisser faire le temps. Parle avec lui, essaye d'apprendre à le connaître et peut-être que ça aboutira à quelque chose de fort... ou peut-être pas. Mais, au moins, tu auras essayé.
— Tu as raison. Merci.
Nicole se leva et s'approcha du jeune homme en souriant :
— Si tu as besoin de me parler, tu sais que je suis toujours disponible pour toi. Et j'espère que le jour où tu rencontreras l'amour, que ça soit avec un homme ou une femme, tu nous présenteras l'élu de ton coeur.
Kyle ne répondit que d'un hochement de tête. Son amie quitta sa chambre après l'avoir embrassé sur le front. Une fois seul, le jeune homme se planta face à la caméra et souffla :
— Bonne nuit, Tom. A demain.
Il disparut un court instant et revint en pyjama. Puis, il éteignit la lumière avant de se coucher dans sa baignoire. Tom resta un long moment à le regarder, essayant de remettre de l'ordre dans ses idées confuses et ses sentiments tourmentés.

***


Le lendemain matin, comme chaque jour, Tom alla se coucher au moment où Kyle quitta la maison des Trager pour se rendre au lycée. Il avait aménagé la salle de repos qui se trouvait dans le fond du garage avec un sofa convertible, qu’il avait le plus souvent la flemme de déplier, une table, une chaise et un réchaud électrique. C’était loin du confort de la maison d’Adam dans le Connecticut, mais cela lui suffisait.
Il dormait profondément, un bras sous la tête, l’autre posé sur son ventre. Son souffle était régulier et ses lèvres entrouvertes. La rue proche était très bruyante, mais ça ne le gênait pas. Il avait depuis toujours la capacité de s’endormir dans n’importe quel endroit en quelques secondes. Et, à son réveil, il se sentait toujours reposé, même s’il n’avait dormi qu’une poignée de minutes.
Cette fois-ci, il fut tiré du sommeil en sentant des lèvres se poser doucement sur les siennes. Surpris, il ouvrit les yeux et se redressa vivement. Kyle le fixait, l’air embarrassé. Avant que Tom ait eu le temps de dire quoi que ce soit, le jeune homme quitta le garage en courant.
Tom savait qu’il aurait du lui courir après, qu’il fallait qu’ils s’expliquent, mais il était trop abasourdi pour bouger. Il sentait encore la douceur des lèvres de Kyle sur les siennes. Il n’avait jamais été fleur bleue et romantique, pourtant il sentait presque dans le même état que lors de son premier baiser. Il passa lentement ses doigts sur sa bouche, puis se ressaisit. Un coup d’œil sur les écrans lui montrèrent que son protégé n’était pas encore rentré chez les Trager. Il attrapa ses clés de voiture, enfila son blouson, puis quitta le garage pour partir à la recherche de Kyle.

***


Il avait parcouru les rues de Seattle pendant des heures mais n'avait trouvé aucune trace de son protégé. Il l'avait appelé, mais son portable était éteint, ce qui interdisait également toute tentative de traçage. Découragé, Tom rentra au garage, espérant qu'entre temps, Kyle serait rentré chez les Trager. Alors qu'il jetait un oeil aux écrans, le téléphone sonna dans la cuisine et Nicole répondit :
— Allô ? Oui, c'est moi... Quoi ?... D'accord, j'arrive !
Un mauvais pressentiment serra la gorge de Tom et se confirma lorsque la femme quitta la pièce en trombe et se précipita dans le salon où son mari pianotait sur son ordinateur.
— Je viens d'avoir un appel du Northwest Hospital . Kyle a fait un malaise dans la rue tout à l'heure.
Stephen se leva d'un bond et rejoignit son épouse. Ensemble, ils quittèrent la maison. Tom ne savait que décider : il ne fallait pas que les Trager apprennent qu'il était en contact avec Kyle... mais il ne pouvait pas rester là à ne rien faire alors que le jeune homme était peut-être en danger à l'hôpital. Il savait que le malaise de son protégé était dû à ses capacités hors du commun... et sûrement à ce qui s'était passé entre eux quelques heures plus tôt. Les médecins ne seraient pas capable de l'aider en cas de nouvelle crise... alors que lui, grâce aux notes laissées par Adam, avait une petite chance de le soulager. Et puis, à l'hôpital, il y avait plus de risque que l'Organisation réussisse à l'approcher. Cette dernière pensée termina de convaincre Tom. Il devait y aller pour veiller sur Kyle, même s'il devait le faire de loin.

***


Tom dut attendre toute la journée la fin des visites avant de pouvoir approcher de la chambre de Kyle. Il s’était arrangé pour se faire embaucher temporairement comme gardien de nuit à l’hôpital, grâce au congé maladie de l’un des agents. Il avait ainsi pu circuler assez facilement dans les couloirs. Enfin, vers vingt-et-une heure, il réussit à entrer dans la pièce. Il referma soigneusement la porte derrière lui, puis se tourna vers le jeune homme qui le fixait en silence. Il s'approcha du lit, essayant de masquer son angoisse derrière un léger sourire.
— Comment tu te sens ?
— Ca va. J'ai juste eu un petit malaise.
— J'étais inquiet pour toi.
— Je suis désolé. Pour tout...
Tom soupira. Il s'assit au bord du lit, réfléchissant à ce qu'il allait bien pouvoir dire pour rassurer son jeune ami.
— Kyle... j'ai entendu ce que tu as dit à Nicole...
— Je sais.
— Je suis sûr que ce que tu crois ressentir... n'est pas vraiment... tu es jeune... tu n'as pas l'habitude d'analyser tes sentiments... Tu vas...
— Vous ne m'aimez pas ? L'interrompit le jeune homme.
Tom se figea. Une multitude de réponses tournaient à toute vitesse dans sa tête mais aucune ne lui paraissait la meilleure à formuler. Il éluda à nouveau la question en lançant :
— Tu dois te reposer.
— Vous savez très bien que je n'arriverai pas à dormir ici.
— Tu dois quand même essayer. Je vais aller faire un tour pour vérifier que tu ne risques rien.
Il se leva et quitta la chambre avant que Kyle ait eu le temps de dire autre chose. Il se sentait troublé par l'assurance que semblait avoir le jeune homme au sujet de ses sentiments, assurance que lui-même était loin de ressentir. Il fit quelques pas dans le couloir, puis, avisant une salle vide, il y entra. Il avait besoin de faire le point, de décider s'il devait prendre le risque de tout avouer à Kyle... quitte à tout perdre...

Flashback

Tom était debout près de la vitre, contemplant les gouttes de pluie qui coulaient sur le carreau. Il n'arrêtait pas de penser à ce qui allait advenir à présent qu'Adam était mort. Tout au fond de son cœur, il se sentait coupable de ne pas avoir réussi à sauver son ami. Il se retourna brièvement en entendant le pas de Kyle derrière lui, puis reporta son attention sur la vitre.
— C'était pas votre faute. Adam était conscient que vous pouviez pas le protéger à tout moment. J'espère que vous le savez
Tom retint un soupir avant de se retourner pour de bon. Comme à son habitude, il changea de sujet pour ne pas dévoiler ses sentiments :
— On devrait s'y mettre ; tu as beaucoup à apprendre.
— Non, je pourrai pas, pas dans cet endroit.
— C'est hors de question que tu repartes chez les Trager !
— Si je reste ici, en sécurité mais enfermé, j'aurais mieux fait de ne jamais quitter le caisson. Et comment je peux toucher le monde, comme Adam me l'a dit, si je ne m'immerge pas dedans ?
— Tu ne réalises pas ce que ça veut dire.
— Je sais qu'il ne faudra pas leur parler du programme expérimental et des gens qui sont morts sinon j'en ferais des complices. Je sais qu'il faudra que mon passé reste secret.
— Tu vas vivre dans le mensonge.
— Non. J'ai menti pour arriver à les quitter et je vais mentir pour revenir chez eux. Mais en dehors de ça, je ferais tout ce qui sera en mon pouvoir pour toujours dire la vérité.
— Pourquoi tu veux repartir chez eux et tout compliquer ?
— Ce ne sera pas compliqué, ce sera simple.
Kyle fit une courte pause, puis ajouta :
— Je les aime.
Tom le suivit des yeux alors qu'il quittait la pièce. Une phrase était bloquée dans sa gorge, une phrase qu'il s'était promis de ne jamais lui dire... « Moi aussi je t'aime... ».

Fin Flashback.


Tom soupira profondément, puis se décida à retourner dans la chambre. Il ne savait toujours pas ce qu'il allait faire, mais tout ce qui comptait pour l'instant était que Kyle soit en sécurité.

***


Il quitta la salle vide et revint en direction de la chambre du jeune homme. Alors qu'il tournait au coin du couloir, il vit une silhouette suspecte y entrer. Tous les sens aux aguets, il se précipita, son arme à la main. Il entra dans la chambre sans bruit. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, mais il voyait parfaitement l'intrus. L'homme s'avançait silencieusement vers le lit où Kyle semblait dormir. Il sortit une seringue de la poche de son manteau et s'apprêtait à la planter dans la perfusion du jeune homme lorsque Tom lui enfonça le canon de son arme dans la nuque.
— A votre place, je ne ferai pas ça.
L'homme leva les mains, semblant obéir. Tom l'obligea à s'éloigner du lit, puis souffla :
— Laissez tomber votre seringue sur le sol.
Avant qu'il ait eu le temps de réagir, l'inconnu fit volte-face et lui planta l'aiguille dans l'avant-bras, à travers sa chemise, en appuyant sur le piston. Presque la moitié du contenu entra dans l'organisme de Tom qui lâcha son arme, le bras complètement paralysé. Alors qu'il tombait à genoux, le souffle coupé, il vit Kyle se jeter sur l'agresseur qui le repoussa brutalement en s'enfuyant. Tom s'effondra sur le sol. Il avait un mal fou à respirer et son sang bourdonnait à ses oreilles. Kyle était penché sur lui, lui parlait, mais il ne l'entendait pas. Chaque inspiration lui brûlait la poitrine. Il luttait pour ne pas perdre connaissance. Il ne sentait plus du tout son bras droit, il avait froid et chaud à la fois.
— Tom, restez avec moi ! Je vous en prie... tenez bon...
Il voulait obéir à Kyle, mais le poison était plus fort que lui et il ferma les yeux, sombrant dans l'inconscience.

***


Il ouvrit lentement les paupières. Sa vision, d'abord floue, se précisa.
— Kyle ?
Sa voix était atrocement rauque. Il avait la gorge sèche. Il tenta de se redresser, mais son protégé l'en empêcha.
— Vous devez rester allongé. Vous avez reçu une dose importante de neurotoxique. Heureusement que les médecins sont intervenus rapidement, vous auriez pu en mourir. Et heureusement qu’il n’a pas eu le temps de vous injecter la totalité du contenu de la seringue…
Tom s'en voulait d'avoir inquiété son jeune ami... et surtout de ne pas avoir été plus prudent !
— Vous avez soif ?
Il hocha lentement la tête. Kyle lui servit un verre d'eau et l'aida à boire. Puis, l’adolescent s'assit au bord du lit.
— Combien de temps ?
— Deux jours. Je sais que vous avez sûrement d'autres questions, mais vous devez laisser vos cordes vocales se réveiller. Et puis, vous devez vous reposer.
— Les Trager ?
— Tout va bien. Je vous donnerai les détails quand vous irez mieux. Reposez-vous.
Tom n'insista pas. Il voulait savoir, mais il se sentait si fatigué qu'il referma les yeux sans discuter. Quelques secondes plus tard, il dormait profondément.

Lorsqu'il s'éveilla à nouveau, il se sentait déjà mieux. Il ouvrit les yeux et sourit à Kyle qui le fixait, assis sur une chaise près de lui. Sa bouche était moins pâteuse, mais lorsqu'il parla, sa voix était encore un peu rauque.
— Ne me dis pas que tu es resté tout le temps à côté de moi ?
— Si. Je m'inquiétais pour vous. Et puis, vous veillez tout le temps sur moi, alors je peux bien veiller un peu sur vous.
— Comment tu as expliqué ma présence dans ta chambre aux Trager ?
Kyle soupira :
— Vous ne pouvez pas oublier votre boulot quelques minutes, n'est-ce pas ?
— Non. Il en va de ta sécurité. Alors ?
— Ils ont été surpris lorsqu’ils ont appris que vous travailliez ici, mais comme l’hôpital a confirmé que vous aviez été embauché « légalement », ils ne pouvaient rien dire.
— Et concernant ma présence justement dans ta chambre ?
— Je leur ai dit que c’était sûrement une coïncidence, que je dormais et que je ne m’étais réveillé qu’en vous entendant vous battre avec l’autre homme. Ils n’ont pas insisté. Par contre, un inspecteur de police m’a interrogé et il va sûrement venir vous voir. Les médecins l’ont obligé à attendre que vous alliez mieux avant de venir vous ennuyer.
— Est-ce que tu sais si quelqu’un a vu l’homme de l’Organisation ?
Kyle secoua la tête.
— Apparemment, ils ont trouvé des traces de son passage dans l’escalier de secours, mais personne n’a pu voir son visage.
— Il faudra que je visionne les enregistrements des caméras de sécurité.
— La police a dû les réquisitionner.
— Sûrement.
Tom soupira. Il voulut s’asseoir, mais avait encore du mal à bouger. Kyle l’aida, installant un oreiller dans son dos. Lorsqu’il se redressa, leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l’un de l’autre. Tom sentait le souffle rapide du jeune homme contre ses lèvres. L’appréhension et l’excitation se mêlaient en lui. L’adolescent s’était figé, son regard si intense plongé dans le sien. Soudain, n’y tenant plus, Tom plaqua sa main dans la nuque de Kyle et l’attira à lui. Leurs bouches se dévorèrent passionnément alors que leurs langues se découvraient pour la première fois.
Le baiser se rompit aussi rapidement qu’il avait commencé lorsque Kyle recula presque brutalement. Devant le regard surpris de Tom, il souffla :
— Quelqu’un approche.
A peine dix secondes plus tard, la porte de la chambre s’ouvrit sur une doctoresse. La femme leur sourit.
— Monsieur Foss, je suis le Docteur Cybelia Black. Comment vous sentez-vous ?
— Mieux. Je pourrai sortir quand ?
— Pas avant plusieurs jours. Le neurotoxique qui vous a été injecté était très puissant. Il se peut que vous ayez des séquelles qui ne sont pas encore visibles.
— De quel genre ?
Elle se tourna vers l’adolescent, hésitant visiblement à parler devant lui. Tom lança :
— Kyle est un ami. Il peut tout entendre.
— D’accord. La séquelle la plus probable est une perte de motricité partielle ou totale de votre bras droit.
— Pourtant, il a l’air de bien fonctionner ! s’étonna Tom en bougeant le membre concerné.
— C’est vrai. Mais, ça se peut que la paralysie intervienne plus tard. En général, c’est temporaire. Il se peut aussi que vous n’ayez aucune séquelle. Nous ne pouvons pas nous prononcer avant de vous avoir fait passer quelques examens. Et, de toutes façons, lorsque vous sortirez d’ici, il faudra éviter de rester seul pendant quelques jours, le temps d’écarter tout risque.
Tom soupira profondément. Ce n’était pas le moment de se retrouver diminué… juste quand l’Organisation tentait de s’en prendre à Kyle. La doctoresse reprit :
— Si vous vous sentez assez en forme, la police aimerait vous interroger au sujet de ce qui s’est passé l’autre soir.
— Vous pouvez leur dire d’entrer.
— D’accord. Je repasserai vous voir tout à l’heure.
Elle sortit et fut presque immédiatement remplacée par un inspecteur à l’air peu aimable. Il jeta un regard noir à Kyle qui ne se laissa pas intimider et ne bougea pas. L’homme s’approcha du lit.
— Je suis l’Inspecteur Weber. J’aimerais vous interroger au sujet de l’agression. En privé.
Tom sourit à son protégé.
— Tu peux y aller, Kyle.
— J’attends dans le couloir.
Tom se doutait que le jeune homme allait écouter la conversation à distance. L’Inspecteur prit la chaise libérée par l’adolescent puis demanda :
— Racontez-moi ce qui s’est passé.
— Je faisais une ronde dans le couloir lorsque j’ai aperçu un homme suspect entrer dans une chambre. Je l’ai suivi et lorsque je lui ai demandé ce qu’il faisait là, il m’a planté l’aiguille d’une seringue dans le bras. J’ai perdu connaissance presque aussitôt.
— Vous avez vu son visage ?
— Non.
— Vous aviez sorti votre arme ?
— Oui, mais le cran de sûreté était mis.
— Depuis combien de temps travaillez vous ici ?
— Je venais juste d’embaucher lorsque cet « accident » est arrivé. J’ai été pris pour remplacer une personne en maladie.
— Comment se fait-il que vous connaissiez le patient qui était dans la chambre ? C’était bien lui qui était là tout à l’heure ?
— Oui. J’étais agent de sécurité dans le quartier où vivent les parents adoptifs de Kyle, la famille Trager. Nous nous sommes croisés quelques fois à l’époque. Je ne savais même pas que c’était dans sa chambre que l’agression avait eu lieu jusqu’à ce qu’il me le dise à mon réveil.
— Est-il vrai que les Trager ont demandé que vous soyez muté dans un autre quartier ?
— Je ne sais pas. J’ai effectivement changé de quartier, mais je n’ai jamais su pourquoi.
— Que faisait le jeune homme ici ?
— Il prenait de mes nouvelles et me tenait compagnie.
— Vous n’avez personne pour s’occuper de vous ?
— Je ne suis pas d’ici. Je suis arrivé il y a peu et, avec mon travail, je n’ai pas vraiment le temps de me faire des amis. Kyle est quelqu’un de très serviable.
L’Inspecteur semblait suspicieux, mais il n’y avait rien dans l’histoire de Tom qui puisse lui laisser supposer qu’il y avait autre chose derrière tout ça.
— Bon, j’aurais sûrement d’autres questions à vous poser. Ne quittez pas la ville dans les prochains jours.
Tom sourit.
— Il y a des chances que je sois encore dans cette chambre quand vous aurez à nouveau besoin de me parler.
L’homme grogna quelque chose d’inintelligible, puis quitta la pièce. Kyle rentra quelques secondes plus tard.
— J’ai été convainquant ? demanda Tom.
— Très, sourit son jeune ami. J'espère qu'il ne reviendra pas vous faire d'ennuis.
— Moi aussi...
Il s’interrompit un moment, puis souffla :
— Kyle, il faut qu’on parle de ce qui s’est passé tout à l’heure…
Le jeune homme revint s’asseoir sur le bord du lit. Tom lutta pour soutenir son regard si intense.
— C’était une erreur. Ca ne doit plus se reproduire.
Kyle eut l’air déçu.
— Pourquoi ?
— Parce que ça complique trop les choses.
— Ca ne complique rien. Je vous aime… et je suis sûr que vous m’aimez aussi.
Tom voulait lui mentir pour l’éloigner de lui, mais il ne pouvait pas. Il détourna le regard, gêné. Avant que Kyle ait eu le temps de continuer, la porte de la chambre se rouvrit sur le Docteur Black. Elle se tourna vers l’adolescent :
— Vous allez devoir partir, les heures des visites sont terminées.
— D’accord, soupira t’il.
Il se leva. Tom lui attrapa la main pour le retenir :
— Sois prudent.
— Promis. Bonne nuit.
Lorsqu’il fut sorti, le médecin examina son patient, puis le laissa seul pour la nuit. Tom était inquiet : maintenant qu’il était « hors-jeu » pour un certain temps, il avait peur que l’Organisation ne s’en prenne à nouveau à Kyle. Et il savait qu’il ne supporterait pas qu’il arrive malheur au jeune homme. Il s’allongea, puis ferma les yeux. Il lui fallut longtemps pour trouver le sommeil, perturbé par toutes les pensées qui tourbillonnaient dans son esprit.

***


Kyle passa les quatre jours suivants à tenir compagnie à Tom. Il lui amenait des livres qu’il allait chercher à la bibliothèque, lui apportait des friandises en cachette des infirmières et lui racontait la vie de la famille Trager… mais il refusait de parler du sujet qui les concernait intimement. Tom se demandait si le jeune homme avait fini par admettre qu’il ne pourrait rien y avoir entre eux de plus que de l’amitié… mais il en doutait. La tendresse de Kyle envers lui transparaissait dans chacun de ses gestes, le perturbant encore plus que n’importe quel mot qu’il aurait pu prononcer.
Enfin, le cinquième jour, alors qu’ils jouaient aux échecs, le Docteur Black entra dans la chambre en souriant.
— Monsieur Foss, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Vous allez pouvoir sortir cet après-midi.
— Ah ! sourit l'intéressé. Tout va bien alors ?
— Je viens d’avoir les résultats de vos examens et tout va bien. Du moins… nous n’avons rien décelé de suspect dans votre organisme… cependant, le neurotoxique qui vous a été injecté était un peu particulier et il se peut que les séquelles n’apparaissent que plus tard. C’est pour cette raison que je ne vous laisse sortir qu’à une condition.
— Laquelle ? demanda t’il, se doutant un peu de la réponse.
— Vous ne devez pas rester seul pendant au moins les deux prochaines semaines.
— Ne vous en faites pas pour ça, intervint Kyle. J’ai bien l’intention de veiller sur lui.
— Très bien !
— Je vois que je n’ai pas le droit de donner mon avis… souffla Tom en souriant légèrement.
— Je vais faire préparer votre dossier de sortie avec votre ordonnance. Vous pourrez partir dès treize heures après l’avoir récupéré à l’accueil.
— Merci, Docteur.
— Si jamais vous avez des séquelles ou un quelconque problème, n’hésitez pas à appeler.
— Je le ferai, lui assura Tom, même s’il ne le pensait pas vraiment.
La doctoresse sortit après les avoir salués. Lorsqu’ils furent seuls, Tom demanda :
— Tu es sûr de vouloir rester avec moi tout ce temps ?
— Certain.
— Ca ne va pas poser un problème avec les Trager ?
— Ne vous en faites pas pour ça, je m’en suis occupé. Tout va bien.
Il souriait, mais Tom le connaissait assez pour voir qu’il mentait et qu’il était perturbé par cette situation.

***


Une fois revenu dans le garage où il vivait, Tom alla s’allonger pendant que Kyle se préparait à partir chez les Trager pour récupérer quelques affaires et passer au supermarché faire des courses. Une fois le jeune homme parti, son ami se releva. Il avait besoin de savoir ce qui s’était passé entre Kyle et sa famille adoptive pendant qu'il était à l'hôpital. Il s’installa devant ses écrans de surveillance. Adam, grâce à ses dons, avait mis au point un programme informatique qui stockait des vidéos en supprimant automatiquement les passages où il n’y avait pas de voix humaines enregistrées. Grâce à ça, Tom pouvait enregistrer toutes les conversations qui avaient lieu chez les Trager lorsqu'il s'absentait. Il pianota sur le clavier de son ordinateur, puis commença par visionner le soir de son réveil après l'attaque. Il tomba presque immédiatement sur ce qu'il cherchait.

Kyle allait monter l'escalier lorsque Nicole et Stephen l'arrêtèrent et lui demandèrent de le suivre dans le salon. L'air surpris, il obéit. Ils s'assirent dans le sofa et le jeune homme prit place face à eux.
— Nous aimerions te parler de Tom Foss.
— Je me doutais bien que vous alliez finir par me poser des questions. Que voulez-vous savoir ?
— Comment se fait-il que tu passes tes journées auprès de lui ? Demanda Nicole. Je veux dire... il y a encore quelques mois, cet homme te terrorisait... tu pensais que c'était un meurtrier...
— J'ai eu l'explication de ça lorsque j'étais avec mes parents, mentit Kyle. Je leur ai parlé de Tom Foss en le leur décrivant et ils m'ont dit que quand j'étais petit, il y avait un homme du voisinage qui était toujours saoul et qui hurlait après toutes les personnes qui passaient devant chez lui en menaçant de les tuer. Jusqu'au jour où c'est vraiment arrivé. Il a tué un représentant qui avait sonné chez lui tard le soir. Apparemment, ça m'avait beaucoup bouleversé et j'ai fait très longtemps des cauchemars à cause de ça.
— Et Foss ressemblait à cet homme ? Intervint Stephen.
Kyle acquiesça d'un hochement de tête.
— J'ai fait une recherche sur Internet et j'ai trouvé un article sur le meurtre. Cet homme et Tom auraient presque pu être jumeaux. Mais je vous rassure tout de suite, ce n'est pas lui... le meurtrier est mort en prison deux ans après son procès. Et il serait beaucoup plus âgé que Tom s'il était toujours vivant.
— D'accord... voilà l'explication que nous avons cherché pendant si longtemps... mais ça ne nous dit pas pourquoi tu passes autant de temps auprès de lui.
Le jeune homme baissa la tête.
— Je dois t'avouer que je t'ai menti, Nicole...
La femme ne sembla pas comprendre de quoi il parlait. Et puis, soudain, la surprise s'inscrivit sur son visage.
— Tu veux dire... que l'homme dont tu m'as parlé, c'est Tom Foss ?
Stephen, qui avait complètement perdu le fil de la conversation, demanda :
— De quoi parlez-vous ?
Son épouse lui résuma ce que Kyle lui avait confié quelques jours plus tôt.
— Tu es amoureux de lui ? S'exclama l'homme, abasourdi.
— Oui...
— Ca fait longtemps ?
L'adolescent fut à nouveau obligé de mentir :
— Depuis que je l'ai revu à mon retour du Connecticut... Je suis tombé sur lui par hasard en ville et j'ai tenu à lui expliquer pourquoi j'avais peur de lui. On a discuté longuement... Je vous adore, mais je crois que j'avais besoin de parler avec quelqu'un qui ne fasse pas partie de la famille....
— Tu m'as dit qu'il est bisexuel, n'est-ce pas ? Reprit Nicole.
— Oui.
— Il s'est passé quelque chose entre vous ?
— Je sais qu'il m'aime aussi... même si, je ne sais pourquoi, il résiste encore à laisser ses sentiments s'épanouir.
— Ce n'est pas vraiment ce que je te demandais...
— Je sais... et je suis désolé de te le dire, mais cela ne te regarde pas.
La femme parut choquée. Kyle soupira profondément et ajouta :
— Je vous aime, vous êtes ma famille. Mais j'aime aussi Tom... Je sais que maintenant que vous êtes mes tuteurs légaux, vous avez le pouvoir de m'empêcher de le voir... mais j'ai besoin de lui... que ce soit comme ami... ou plus... j'ai besoin de lui...
— Tu te rends compte qu'il est beaucoup plus âgé que toi ?
— Bien sûr... et ça importe peu... Je l'aime et il m'aime, c'est tout ce qui compte.
L'adolescent se leva et s'éloigna en direction de la porte. Alors qu'il allait y arriver, il se retourna :
— Au fait, lorsque Tom va sortir de l'hôpital, il aura sûrement besoin d'avoir quelqu'un auprès de lui à temps plein. Donc, comme c'est les vacances, j'irai m'installer quelques temps chez lui.
Alors que Nicole allait sûrement protester, il ajouta rapidement :
— Je vous aime... mais si vous m'obligez à choisir entre Tom et vous, je ne suis pas certain que vous aimerez ma réponse...
Et il sortit, les laissant abasourdis. Au bout d'un moment, Stephen soupira profondément :
— Je crois que nous n'avons pas tellement le choix...
— Je n'aime pas ça... je n'ai pas confiance dans cet homme ! S'emporta son épouse.
— Tu as entendu Kyle ? Tu es vraiment prête à le perdre à nouveau ? Tu sais très bien que vu son âge et l'argent que ses parents lui ont laissé, s'il veut demander son émancipation prématurée, il n'aura aucun mal à l'obtenir. Je n'aime pas ça plus que toi et je me méfie aussi de Foss... mais nous n'avons pas le choix.
Nicole soupira :
— Avec un peu de chance, il ne s'agit que d'une passade... et Kyle s'apercevra vite que cette relation est sans avenir...


Tom sursauta lorsque la voix de Kyle retentit derrière lui :
— Elle se trompe. Et vous devriez être couché !
— J'avais besoin de savoir comment ça s'était passé entre les Trager et toi. Tu n'aurais pas dû faire ça !
— Faire quoi ? Leur dire la vérité sur nos sentiments ? Il le fallait. Je ne pouvais pas leur mentir sur quelque chose d'aussi important pour moi.
— Et maintenant ?
— Maintenant, je vais veiller sur vous jusqu'à ce que tout risque de séquelle ait disparu... donc, au lit ! Ordre du médecin !
— Depuis quand tu es médecin ? Sourit Tom devant l'assurance du jeune homme.
— Depuis que c'est moi qui ait les médicaments et l'ordonnance dans les mains, répondit Kyle, souriant à son tour.
— Bon, alors j'obéis !
Tom alla se rallonger sur son sofa, qu'il avait déplié cette fois-ci. Kyle rangea ses achats dans le frigo et le petit placard, puis se tourna vers son ami qu'il considéra d'un air énigmatique.
— Ne m'ordonne pas de dormir, s'empressa de lancer Tom. Je n'ai pas du tout sommeil !
— Je ne comptais pas vous le demander.
Il s'approcha du sofa, s'y assit et se pencha sur son ami pour l'embrasser tendrement. Tom sentit le désir monter en lui alors que le baiser se faisait de plus en plus passionné. Kyle apprenait décidément très vite ! Au bout d'un moment, il le repoussa doucement, essouflé.
— Laisse-moi un peu respirer ! Rit-il. Nous avons tout notre temps, tu sais...
— Alors tu ne vas pas faire machine arrière ? Demanda l'adolescent d'une voix où perçait l'incertitude.
Tom contempla son visage tendu, attendri par la rougeur qui était apparue sur les joues imberbes. Il leva la main pour caresser la peau douce et répondit :
— Ne m'en veux pas si j'ai encore du mal à m'y faire... Je suis prêt à donner ma vie pour toi... mais dévoiler mes sentiments... c'est quelque chose que j'ai toujours eu du mal à faire... Peu de personnes ont réussi à percer ma carapace... et j'ai souffert presque à chaque fois... alors j'ai tendance à vouloir me protéger...
— J'aimerais en savoir plus sur vous... sur votre vie avant tout ça...
— Nous allons avoir du temps pour discuter. Je ne peux pas te promettre de tout te raconter, j'ai fait des choses dont je ne suis pas fier... mais j'essayerai de faire en sorte que tu puisses me connaître un peu mieux.
— D'accord.
Kyle se releva, puis lança :
— Ce soir, c'est lasagnes !
Et il partit dans le coin cuisine pour préparer le repas. Tom le suivit des yeux en souriant. Il se sentait un peu coupable que son ami se soit presque disputé avec les Trager à cause de lui, mais cela lui réchauffait le coeur d'avoir trouvé une personne qui tenait autant à lui.

***


Tom se réveilla un peu surpris de s'être endormi. Il ne se souvenait même pas avoir fermé les yeux la veille. Il avait dîné avec Kyle et puis ils avaient parlé un peu des capacités du jeune homme... et il avait dû s'endormir au beau milieu de leur discussion. Il soupira, puis réalisa qu'il n'était pas seul. Kyle était étendu sur le dos, à côté de lui, à la fois très proche mais en même temps assez éloigné pour qu'ils ne se touchent pas. Tom se redressa sur un coude pour le regarder. Il était surpris de voir que son ami avait réussi à s'endormir hors de sa baignoire. Mais c'était une bonne nouvelle : ça voulait dire qu'il se sentait enfin en sécurité ailleurs que dans ce substitut de son caisson d'incubation.
Tom se rallongea et referma les yeux, mais il n'avait plus sommeil. Alors il se leva. Il fit un petit tour dans le garage, histoire de se dégourdir les jambes. Il s'arrêta devant une pile de livres ayant appartenu à Adam et qui devaient lui servir à aider Kyle dans son apprentissage. Il ouvrit le premier, le feuilleta un instant, puis le mit de côté et passa au suivant. Alors qu'il tournait lentement les pages, il sentit soudain une douleur vive envahir son bras droit. Il lâcha le livre qui alla s'écraser sur le sol dans un bruit mat.
— Tom ? Ca va ?
Il soupira. Il s'en voulait d'avoir réveillé Kyle. Le jeune homme s'approcha et posa une main sur son épaule.
— Tu es pâle. Viens t'asseoir.
Tom ne sentait plus du tout son membre et commençait à sentir la panique monter. Kyle le conduisit jusqu'au sofa où ils s'assirent face à face. Sans un mot, l'adolescent souleva la manche du pull de son compagnon et commença à lui masser le bras. La sensibilité revint peu à peu dans le membre engourdi. Au bout d'un moment, Kyle se leva en lançant :
— Enlève ton pull, ça sera plus pratique. Je vais chercher la pommade prescrite par le médecin.
Tom ôta son vêtement, se retrouvant torse-nu. Lorsque Kyle revint, il put lire dans son regard de la surprise et une lueur d'inquiétude. Tom sourit :
— Je sais que mes cicatrices peuvent être un peu impressionnantes...
Le jeune homme se réinstalla, mit de la crème sur ses mains et recommença à masser le bras de son compagnon.
— Tu en as beaucoup... Ça date de l'époque où tu étais dans l'armée ?
— En partie...
— Tu as dû avoir mal...
— Oui, mais quand j'ai intégré cette unité, je savais ce que je risquais...
Kyle arrêta de masser son bras, qui n'était plus du tout douloureux, et parcourut de ses doigts fins la plus imposante des cicatrices qui partait presque de l'épaule droite, descendait en travers sur le torse et allait se perdre dans la ceinture du pantalon. Tom frissonna. Mal à l'aise, il renfila son pull, soustrayant ses marques au regard de son jeune ami.
— Qui t'as fait ça ? Demanda Kyle en fixant ses yeux clairs sur lui.
— Je me suis fait prendre par l'ennemi... j'ai été interrogé pendant plusieurs jours avant que mon unité parvienne à me récupérer. C'était ma dernière mission... j'ai quitté l'armée dès mon retour.
— C'est là que tu as commencé à travailler avec Adam ?
— Non... c'est là que j'ai rencontré ma femme... nous avons eu notre fille... j'avais trouvé un emploi de gardien de nuit dans un immeuble de bureau... mais les souvenirs de l'armée et de ce que j'avais subi me poursuivaient... j'ai commencé à boire pour tenter d'oublier... et puis il y a eu l'accident... J'ai sombré dans la dépression à cette époque là... Je serai sûrement mort si un jour, un ange n'avait pas frappé à ma porte...
Il s'arrêta, revoyant le visage d'Adam tel qu'il l'avait vu la première fois.
— Il cherchait un garde du corps... il avait entendu parler de moi par l'un de ses amis, avocat, dont les bureaux se trouvaient dans l'immeuble où j'avais travaillé.
— Brian Taylor ?
— Oui. Au début, j'ai refusé... et puis Adam m'a parlé de lui, de ce qu'il était... au fil du temps, nous sommes devenus amis... et un jour, je me suis rendu compte que je l'appréciais plus que je n'aurais dû. Mais Adam n'a jamais ressenti la même chose pour moi. Brian et lui vivaient ensemble depuis de nombreuses années déjà...
Kyle lui adressa un regard abasourdi :
— Tu veux dire qu'Adam et Brian étaient...
— Partenaires... Tu ne l'avais pas remarqué ? S'amusa Tom.
— Non... je les trouvais très proches mais... je n'aurais jamais cru... Il ne t'aimait pas... et tu es resté quand même auprès de lui.
— Oui. Je lui avais promis que je veillerai toujours sur lui... jusqu'à sa mort...
La culpabilité qu'il ressentait depuis qu'Adam avait été tué par l'Organisation refit surface.
— Je te l'ai déjà dit : ce n'était pas de ta faute. Tu ne pouvais pas tout prévoir...
— Je sais... mais ça fait mal de se dire qu'on aurait sûrement pu éviter ça...
Kyle s'approcha de son compagnon et vint se blottir contre lui. Tom referma doucement ses bras sur le corps chaud de l'adolescent qui souffla :
— Tu ne dois pas te torturer avec ça. Tu dois penser à l'avenir maintenant...
Tom retint la phrase qu'il allait dire. Il ne voulait justement pas penser à l'avenir... il avait peur de ce qui allait advenir si un jour Kyle se rendait compte qu'il faisait une erreur en étant avec lui. Comme s'il avait pu lire dans ses pensées, le jeune homme murmura :
— Je t'aime... et je ne compte pas t'abandonner...
Tom sentit qu'il était enfin prêt à prononcer ces mots qu'il avait si longtemps gardés en lui. Il déposa un léger baiser sur le front de son compagnon avant de souffler à son tour :
— Je t'aime, Kyle.
Le jeune homme se blottit un peu plus contre lui. Ensemble, ils glissèrent afin de se retrouver allongés sur le sofa, enlacés, et finirent par se rendormir. Ils se sentaient enfin à leur place dans ce monde, prêts à se protéger mutuellement des dangers et des malheurs qui risquaient un jour de s'abattre sur eux.

Fin.


Fic terminée le 24/10/2007.


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Skin réalisé par Cybelia.

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