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Lorsqu’il s’éveilla, Jude n’osa pas ouvrir les yeux immédiatement. Il voulait encore rester dans son rêve, n’ayant aucune envie de retomber lourdement dans la réalité. Pourtant, quelque chose clochait : il y avait sur son oreiller une odeur familière qui ne lui appartenait pas. Et son corps se souvenait de caresses et d’une étreinte qui était pourtant censée n’avoir eu lieu que dans son imagination. Il se décida enfin à ouvrir les yeux. Son espoir s’évanouit lorsqu’il constata qu’il était bien seul dans son lit. Soupirant profondément, il s’assit, passa une main dans ses cheveux en bataille et sur son visage las. Après un passage éclair par la salle de bains, il enfila un peignoir sur son boxer, puis se rendit dans la cuisine en vue de se faire du café.
Quelle ne fut pas sa surprise de trouver le couvert mis pour le petit-déjeuner, la cafetière déjà pleine et le bouquet de fleurs des champs de son rêve installé dans un vase au milieu de la table. Il resta quelques secondes sur le pas de la porte, incapable de croire à ce que lui montraient ses yeux. Alors qu’il réalisait enfin, une voix familière souffla derrière lui :
— Bonjour, la marmotte !
Jude se retourna d’un bond, le cœur affolé et se retrouva nez-à-nez avec celui qu’il croyait n’avoir été qu’un rêve.
— Tu es vraiment là ?
— Bien sûr !
Inconscient du trouble de son ami, Robert se dirigea vers la table sur laquelle il posa une poche en papier.
— Je suis allé jusqu’au Starbucks. Je sais que tu raffoles de leurs muffins alors je suis allé t’en chercher.
Comme Jude ne bougeait toujours pas, essayant de remettre de l’ordre dans ses idées, son ami le rejoignit :
— Ça va ? Tu es pâle ; on dirait que tu as vu un fantôme.
— Tu… je n’ai pas rêvé ?
— Si tu parles de la nuit dernière, sourit l’américain en l’enlaçant, c’était bien réel.
Pour confirmer ses dires, il embrassa Jude avec tendresse. Le baiser sortit le britannique de sa torpeur. Il se dégagea un peu brusquement des bras de son amant d’une nuit et lança :
— Pourquoi ?
— Tu vas devoir être plus précis si tu veux une réponse.
— Je croyais que tu aimais Susan !
— Je l’aime.
— Mais…
Robert lui prit la main et l’entraîna jusqu’à une chaise sur laquelle il l’obligea à s’asseoir. Il alla ensuite chercher la cafetière. Une fois les tasses pleines et les muffins disposés dans une assiette, l’interprète de Holmes s’installa face à son ami.
— Tu devrais manger. Je vais t’expliquer.
Jude but une gorgée de café, qu’il trouva excellent, et attendit que l’autre homme veuille bien éclaircir la situation.
— Il faut d’abord que je commence par te dire quelque chose à mon sujet que tu ignores : je n’ai jamais été strictement hétérosexuel. Depuis mon adolescence, je suis attiré par les hommes et les femmes, avec une préférence pour ces dernières, mais il m’est arrivé d’avoir des aventures masculines, plus ou moins longues.
— Comme moi… souffla Jude entre deux bouchées de muffin.
— Oui, acquiesça son ami. Quand j’ai rencontré Susan, je lui ai tout dit. Je ne voulais pas qu’elle l’apprenne par quelqu’un d’autre et je voulais être totalement sincère. Elle a été beaucoup plus compréhensive que ce que je pensais. La veille de notre mariage, elle m’a dit que si je rencontrai un jour un homme, elle s’effacerait pour me permettre d’être heureux avec lui, mais seulement à la condition que je ne la rejette pas totalement. En revanche, elle m’a dit que si je touchais à une autre femme, j’étais un homme mort !
Jude ne put s’empêcher de rire devant l’air indigné de son ami. Puis, il demanda :
— Et tu as déjà craqué pour un mec depuis ton mariage ?
— Un seul… répondit Robert en plongeant son regard sombre dans celui de son ami.
L’anglais sentit un frisson de désir traverser son échine.
— Quand est-ce que tu as su ?
— Lorsque j’ai dû annuler ma venue à Paris à cause des Golden Globe. Je me faisais une telle joie de te revoir… Je me suis demandé pourquoi ça me dérangeait autant de ne pas venir en Europe. J’y ai pensé pendant des heures jusqu’à ce que je réalise que tu me manquais beaucoup plus que tu n’aurais dû.
— Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ?
— Tu m'avais dit que tu voulais essayer de recoller les morceaux avec Sienna. Mais, à ce que je vois, ça n'est plus d'actualité.
Jude hocha la tête. Son ami reprit :
— Et puis je ne voulais pas risquer de perdre notre amitié.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
— Susan.

Flashback

Robert était en train d’essayer de se concentrer sur la lecture d'un script lorsque son épouse entra dans le bureau.
— Chéri, il faut qu’on parle.
Il leva les yeux vers elle, surpris par son ton sérieux.
— Un problème ?
— Pas vraiment. Mais c’est important.
Il posa le scénario et ôta ses lunettes, attendant la suite qui ne tarda pas à venir. Susan lui tendit une enveloppe en silence.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Robert, surpris.
— Ouvre.
Il obéit et trouva un billet d’avion – aller simple – pour Heathrow, départ le lendemain après-midi. Encore plus étonné, il souffla :
— Je n’ai pas d’engagement de prévu à Londres…
— Ce n’est pas professionnel.
Il remit le billet dans l’enveloppe et la fixa, perplexe. Elle approcha un fauteuil pour s’asseoir face à son époux et reprit :
— Je t’aime, Rob. Et je sais que tu m’aimes. Cependant… j’ai compris qu’en ce moment, une autre personne occupe ton cœur…
Il ouvrit la bouche pour l’interrompre, mais elle leva la main afin de l’en empêcher :
— Laisse-moi terminer, s’il te plaît. Je sais quels sont tes sentiments et je veux tenir la promesse que je t’ai faite avant notre mariage. Je veux que tu sois heureux, même si ça doit être loin de moi. J’ai confiance en toi… et en lui… Il saura te rendre le sourire, chose que je ne suis plus capable de faire depuis quelques semaines.
Elle se tut pendant un long moment. Il en profita pour demander :
— Comment as-tu deviné ?
— J’ai vu ton visage éclairé lorsque tu lui parlais au téléphone ou sur le net, et tellement éteint en-dehors de ces moments-là. J’ai senti combien il te manquait un peu plus chaque jour…
Vaincu par ses arguments, Robert soupira.
— Je ne voulais pas te faire de mal, Susan. Je n’ai jamais cherché à…
— Je le sais. Mais personne ne peut contrôler ses sentiments. Et je ne veux pas être celle qui t’empêchera de vivre pleinement cette relation. Je n’ai aucune envie de te voir replonger dans cet enfer dont tu as eu tant de mal à sortir.
— Et s’il me repousse ? Même s’il est bi, comme moi, rien ne prouve qu’il partage mes… élans…
— Fais-moi confiance. J’ai vu la façon dont il te regarde, ce mélange d’attirance et d’admiration qui brille dans ses yeux à chaque fois qu’il se trouve près de toi. Il ne te repoussera pas.
Robert sourit, le cœur partagé entre son bonheur à venir et la culpabilité présente.
— Je me demande ce que j’ai fait pour mériter la chance de t’avoir pour épouse.
— Je me le demande aussi parfois, répondit-elle en riant.

Fin Flashback


Jude avait écouté le récit de son ami en silence, abasourdi par la perspicacité de Susan.
— J’ai donc fait mon sac et j’ai pris l’avion. Quand j’ai vu que j’arriverai à temps pour la Saint Valentin, je me suis dit que c’était encore mieux. J’ai loué une voiture et je suis passé chez un fleuriste avant de débarquer chez toi hier soir.
L’anglais avala sa dernière gorgée de café avant de souffler :
— À partir du moment où tu m’as embrassé et jusqu’à ce matin, j’ai cru que je rêvais. Je m’étais persuadé que ce moment n’arriverait jamais…
— Et pourtant, je suis là… et je ne suis pas prêt de repartir… enfin, si tu veux bien de moi…
— Je suis capable d’avaler la clé pour t’empêcher de quitter cette maison, rit Jude.
— Tu n’auras pas à aller jusque là, je te rassure.
Robert se leva et approcha sa chaise de celle de son désormais amant.
— Puisque tu as cru que tu rêvais cette nuit, il va falloir tout reprendre à zéro.
— Je ne m’en plaindrai pas… souffla le britannique.
L’américain se pencha vers lui. Leurs lèvres se soudèrent à nouveau tandis que leurs langues se retrouvaient, mutines et gourmandes. Robert glissa une main sous le peignoir de son compagnon pour aller caresser son ventre. Ses doigts descendirent jusque sur le boxer déjà tendu, arrachant un gémissement à son propriétaire.
Lorsqu’il fut en mesure de parler à nouveau, Jude souffla :
— Je n’ai pas encore pris ma douche…
— Moi non plus, sourit son amant.
Le britannique prit alors la main de l’autre homme et l’entraîna vers la salle de bains, bien décidé à lui prouver qu’il était, cette fois, totalement conscient qu’il s’agissait bien de la réalité.

Fin.


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