— Tu as été génial, comme à chaque fois, souffla son compagnon à son oreille.
— J'ai l'impression de me perdre un peu plus tous les soirs lorsque je chante ce titre. J'ai peur qu'un jour, je ne parvienne plus à revenir du gouffre de souffrance qui menace d'engloutir Salieri.
— Ne t'en fais pas, je serai toujours là pour t'empêcher de sombrer.
Leurs mains s'entrelacèrent sous les regards complices des danseurs qui passaient près d'eux dans le couloir. Florent se sentait bien dans les bras de son amant. Il avait enfin trouvé sa place. Et il crevait d'envie de le crier au monde entier. Il souffla :
— On le fait ce soir...
L'autre homme le repoussa légèrement pour pouvoir le regarder dans les yeux.
— Tu es sûr ?
— Je n'ai jamais été aussi sûr de moi, sourit l'interprète de Salieri en hochant la tête.
— Alors, on le fait ce soir, acquiesça son amant avant de l'embrasser avec tendresse.
Le public était debout et applaudissait à tout rompre. Florent se tourna vers son amant qui hocha la tête en souriant. Entre eux, Maeva, qu'ils avaient mise dans la confidence, recula de deux pas afin de les laisser se rejoindre. C'était le moment où, les autres soirs, Flo allait chercher sa guitare pour entonner l'Assasymphonie. Il savait que le public attendait ce moment, mais pour une fois, les fans allaient devoir patienter. À cet instant précis, l'homme de sa vie passait avant tout le reste. Sans trop de conviction, Florent leva la main pour demander au public un peu de silence, et, à sa grande surprise, le volume des cris et des applaudissements diminua sensiblement. Il se lança alors :
— Ne vous inquiétez pas, on va encore chanter tous ensemble, mais ce soir, j'ai une grande annonce à faire. Il y a dans cette troupe des gens formidables. Au fil des représentations à Paris et surtout pendant cette tournée, nous avons appris à nous connaître. Des amitiés se sont nouées... et des amours ont éclos...
Un brouhaha monta de la foule, les gens ne voyant sûrement pas où il voulait en venir dans son discours. Il se demanda un court instant si certains d'entre eux avait deviné de quoi il parlait et surtout qui était la personne que son cœur avait choisi. Il continua :
— Cela fait plusieurs mois que je vis une histoire idyllique avec l'un des membres de cette troupe et je tenais, on tenait, ce soir, à partager notre bonheur avec vous.
Il se tourna vers son amant et lui tendit la main. Souriant, l'autre homme entrelaça ses doigts avec ceux de Florent. Le cœur du plus jeune battait si fort qu'il avait l'impression qu'il allait s'échapper de sa poitrine. Avant qu'il ait eu le temps de réagir, son compagnon l'enlaça et l'embrassa avec tendresse. Ce geste déclencha des hurlements de joie et des applaudissements de la part du public. Un peu surpris par cet enthousiasme, les deux hommes rougirent. Il y avait bien sûr quelques personnes qui semblaient choquées ou dégoûtées, mais dans l'ensemble, les gens semblaient heureux pour eux. Leurs collègues les félicitèrent également avec chaleur, même si, pour eux, cette annonce n'était pas une surprise.
Mais Florent n'avait pas terminé. Il avait encore quelque chose à dire que son compagnon ignorait. Il se tourna vers lui, plongeant dans son regard intense, puis souffla :
— Je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne avant. Tu es ma vie, l'air que je respire et l'énergie qui me fait avancer... Je sais que la France ne l'autorise pas encore, mais j'aimerais unir ma vie à la tienne jusqu'à notre mort... Merwan, veux-tu m'épouser ?
L'intéressé écarquilla les yeux, sous le choc. Le public commença par hurler d'enthousiasme, mais se tut rapidement lorsque l'interprète de l'aubergiste ouvrit la bouche pour répondre :
— Je n'aurais jamais cru que je puisse un jour être aussi heureux qu'aujourd'hui... Je t'aime, Florent et oui, je veux t'épouser.
Cette fois-ci, le public se déchaina tellement qu'ils en firent vibrer la salle. Les deux hommes s'embrassèrent à nouveau sous les bravos et les applaudissements. Au bout d'un moment, Florent se détacha de Merwan le temps d'aller chercher sa guitare, puis revint entonner l'Assasymphonie avec le public et ses collègues. Alors qu'il chantait, il croisa le regard de l'homme qu'il aimait et se sentit envahi par une onde de bien-être. Il avait enfin la vie qu'il avait toujours rêvé d'avoir : il vivait de sa passion, avait des amis fidèles prêts à l'épauler quoi qu'il lui arrive, une famille aimante qui avait accepté sans problème son homosexualité et, surtout, il avait pour compagnon un homme qui le rendait heureux un peu plus chaque jour et dans le regard duquel il pouvait lire un amour sans limite.