RSS
 Accueil
 Derniers ajouts
 Catégories
 Auteurs
 Titres
 Aide
 Rechercher
 Login
 
 

- Taille du texte +
Merlin fut surpris de s'éveiller seul dans le lit. Il s'assit en se frottant les yeux. La lumière du soleil levant baignait la chambre d'une lueur orangée. Après s'être longuement étiré, le jeune sorcier chercha du regard son compagnon. Celui-ci se trouvait debout près de la fenêtre, torse et pieds nus, les bras croisés, apparemment plongé dans la contemplation du paysage au dehors. Son expression était si sérieuse que Merlin fut pris d'un mauvais pressentiment. Il se leva, s'enveloppant dans le drap, puis rejoignit Arthur.
— Tu as l'air soucieux, souffla Merlin en arrivant près de son ami.
Le prince ne répondit pas. Il alla enfiler sa chemise et s'adossa au pilier du baldaquin, les bras à nouveau croisés sur son torse, comme pour tenir son amant à l’écart. Le regard fixé vers le sol, il souffla :
— Tu devrais t'asseoir, Merlin.
Devant son air grave, son compagnon obéit. Il s'installa au bord du lit, tourné vers le prince qui évitait soigneusement de le regarder.
— On ne peut pas continuer comme ça, lança soudain Arthur.
— Que... tu veux dire...
— Que je suis le futur roi... que j'ai des devoirs envers mon peuple et mon pays... je vais devoir me marier et avoir un héritier...
Merlin sentit son cœur se serrer. Il demanda :
— Comment s'appelle-t-elle ?
— Il n'y a personne... du moins pour l'instant. Mais ça sera plus facile pour nous deux si nous arrêtons tout dès maintenant... tant que nous ne sommes pas trop attachés l'un à l'autre.
— Pas trop... commença Merlin. Mais je t'...
Arthur l'interrompit :
— Ne le dis pas ! J'ai pris ma décision.
Les joues ruisselantes de larmes, Merlin se leva pour ramasser ses vêtements. Il les enfila rapidement et quitta la chambre sans un mot, le cœur en miettes.

***

Arthur attendit que son compagnon soit sorti de la chambre pour soupirer profondément. Il n'avait aucun mal à imaginer ce que Merlin pouvait ressentir. Il avait l'impression qu'un étau lui enserrait la poitrine. Il leva les yeux au ciel, gémissant :
— Vous êtes satisfait ?
Une voix familière répondit derrière lui :
— Vous avez agi comme il le fallait, Prince Arthur.
Il se retourna vivement pour se retrouver face à Anhora, le Gardien des Licornes.
— Fallait-il vraiment que je le fasse souffrir ainsi ?
— Cette épreuve fait partie de votre destin. Et elle ne fera que renforcer votre lien, si vous menez à bien votre mission.
— Je l'espère...

***

Merlin claqua violemment la porte du laboratoire de Gaius, le faisant sursauter. Sans un mot, il partit s'enfermer dans sa chambre. Il ne pouvait pas rester une minute de plus à Camelot après ce qui venait de se passer, tant pis pour son soi-disant destin ! Il attrapa son sac et commença à le remplir rageusement. Ses larmes ne coulaient plus, mais menaçaient de s'échapper à nouveau. Il ne se retourna pas lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir sur Gaius.
— Merlin, que se passe-t-il ?
— Je pars !
Le médecin l'attrapa par le bras pour l'obliger à s'arrêter. Merlin baissa les yeux, gêné.
— Tu t'es disputé avec Arthur ?
— Il ne veut plus de moi... souffla le jeune sorcier, le cœur au bord des lèvres.
— Il a sûrement dit ça pour...
— Il le pensait ! Et je ne peux plus rester ici... je dois partir... j'en ai besoin...
— Où vas-tu aller ?
— À Ealdor. Ça fait longtemps que je n'ai pas vu ma mère.
— C'est une bonne idée. Tu pourras te reposer et quand tu reviendras, tu...
Merlin secoua la tête.
— Je ne suis pas sûr de revenir.
Gaius soupira profondément avant de répondre :
— C'est à toi de décider. J'espère seulement que tu réfléchiras bien avant d'arrêter ton choix définitif.
— Je vous le promets.
Merlin ferma son sac, puis se tourna vers son mentor. Gaius l'attira à lui, le serrant très fort dans ses bras.
— Tu vas me manquer.
— Vous aussi.
— Transmets mon bonjour à Hunith.
— Je le ferai. Au revoir, Gaius.
— Au revoir, Merlin.

***

De sa fenêtre, Arthur regarda celui qu'il aimait quitter Camelot. Il prit une profonde inspiration, termina d'attacher son armure, puis se prépara à aller affronter son père. Il savait déjà que ce qu'il allait annoncer ne serait pas du goût du roi, mais il n'avait pas le choix s'il voulait que son avenir soit celui qu'il espérait... avec l’homme que son cœur avait choisi…

***

Lorsque Merlin arriva à Ealdor deux jours plus tard, il trouva sa mère en train de coudre, assise devant sa porte. En le voyant, elle se leva et se précipita pour le prendre dans ses bras.
— Mon chéri, lança Hunith, quelle joie de te revoir !
— Je suis heureux d'être là, Mère.
Son expression démentait ses paroles, ce que la femme sentit immédiatement.
— Que s'est-il passé pour que tu quittes Camelot ?
— Rien. Tout va bien.
— Merlin... je te connais...
— Je ne veux pas en parler. Enfin, pour le moment. J'ai juste besoin de me retrouver ici... avec toi.
— Tu es le bienvenu chez toi, mon chéri, sourit Hunith.
— Merci.
Elle le conduisit à l’intérieur. Pendant qu’elle lui préparait un bon repas, il installa sa paillasse. Il tentait de ne pas trop penser à Arthur, mais la douleur dans son cœur était omniprésente. Sans qu’il ne puisse les en empêcher, ses larmes se mirent à couler librement sur ses joues.
— Mon chéri…
Hunith l’attira dans ses bras. Il se laissa faire, déversant son désespoir contre l’épaule de sa mère. Elle lui caressait le dos tendrement, le berçant comme lorsqu’il était enfant. Même après que ses larmes se furent taries, Merlin resta blotti dans son giron, savourant sa chaleur et l’impression de sécurité qui se dégageait de sa mère. Elle ne l’interrogea pas, ce qu’il apprécia grandement, ne se sentant pas encore prêt à lui révéler les tourments de son cœur.
— Allez, viens manger un peu, ça va te faire du bien.
Merlin acquiesça d’un hochement de tête. Même s’il n’avait pas faim, il se força pour lui faire plaisir. Après le repas, il alla se coucher, fatigué par son long voyage depuis Camelot et par les émotions des derniers jours.

***

Arthur galopait vivement dans la direction indiquée par Anhora. Comme il le pressentait, son père avait mal pris sa décision de partir seul pour cette quête. Le prince n’avait donc pas été surpris lorsque, la nuit suivant son départ, il avait remarqué qu’il était suivi de loin par un chevalier, Sir Leon apparemment, et un garde de Camelot. Pour le moment, leur présence ne dérangeait pas le prince, au contraire. Il se sentait rassuré de les savoir là, surveillant ses arrières. Cependant, il était conscient qu’il devrait bientôt trouver le moyen de se débarrasser de cette garde rapprochée. Pendant que son cheval le menait vers l’objet de sa quête, il réfléchissait aux diverses solutions qui s’offraient à lui, en vain.

Cette nuit-là, Arthur fut réveillé par un craquement de brindille près de lui. Il se leva d’un bond, l’épée à la main, et se retrouva face à Anhora. Le Gardien des Licornes fouilla dans les braises du feu mourant avec la pointe de son bâton, puis souffla :
— Vous devez empêcher ces deux hommes de vous suivre jusqu’au bout de votre périple.
— Je le sais ! répliqua Arthur, agacé. D’ailleurs, si vous avez une idée pour me débarrasser d’eux… pacifiquement, je veux dire…
— Il existe une solution. Cependant, elle ne sera sûrement pas à votre goût.
— Dites toujours, souffla le prince.
Lorsque Anhora eut fini, Arthur s’exclama :
— Il est hors de question que…
— Vous vous rendrez compte très vite que vous n’aurez pas d’autre choix si vous voulez terminer votre quête.
Avant que le jeune homme ait eu le temps de répondre, le Gardien des Licornes disparut. Se retrouvant seul, Arthur soupira profondément. Même s’il refusait de l’admettre, il savait que le vieux sorcier avait raison. Il se recoucha et referma les yeux, mais le visage de Merlin apparut instantanément dans son esprit, l’empêchant de retrouver le sommeil. Il passa donc le reste de la nuit à se remémorer tous les bons moments qu’ils avaient vécus ensemble, espérant qu’il y en ait d’autres dans le futur.

***

Le lendemain de son arrivée, Merlin alla aider sa mère aux travaux des champs. Pendant que son corps s’épuisait, son esprit bouillonnait. Il n’arrivait toujours pas à croire qu’Arthur ait pu le rejeter ainsi. Lorsqu’ils avaient entamé cette relation secrète, après avoir découvert leurs sentiments réciproques, il avait été conscient que tout ça finirait par arriver. Après tout, Arthur était le futur roi de Camelot et, à ce titre, avait pour devoir d’engendrer un hériter. Mais Merlin n’aurait jamais cru que son compagnon déciderait de le faire sortir de sa vie aussi tôt, avant même d’être monté sur le trône.
Alors qu’il était perdu dans ses pensées maussades, le jeune sorcier sentit tout à coup sa vue se troubler. Ses jambes cédèrent et il s’effondra sur le sol au moment où son esprit plongeait dans le néant.
Merlin rouvrit les yeux sur une falaise battue par le vent glacial du nord. Il sut qu’il était dans une vision lorsqu’il se rendit compte qu’il ne sentait pas la morsure du vent. Il se tourna au moment où une silhouette familière apparaissait sur sa droite. Il vit avec inquiétude Arthur s’approcher dangereusement du bord de la falaise. Le visage du prince était fermé. Ses traits tirés et les cernes qui assombrissaient son regard clair prouvaient qu’il avait peu dormi ces dernières nuits. Merlin voulut s’avancer vers lui et l’appeler, mais il était incapable de bouger et sa voix resta bloquée dans sa gorge. Il ne pouvait donc qu’assister aux évènements, impuissant. Arthur se pencha légèrement par-dessus le bord de la falaise pour regarder les vagues violentes qui s’écrasaient sur les rochers, une trentaine de mètres plus bas. Le vent ébouriffait ses cheveux blonds. Il les repoussa vers l’arrière en soupirant profondément. Puis, il ferma les yeux et sa voix s’éleva au-dessus des flots tumultueux :
— Je suis désolé… je n’ai jamais voulu ça… mais je n’ai pas le choix… Merlin… si tu savais combien tu comptes pour moi… mon cœur t’appartient pour l’éternité… Nous nous retrouverons bientôt, il me l’a promis…


Merlin poussa un hurlement de détresse au moment où il vit avec horreur le prince sauter du haut de la falaise.
— NOOOOOOOOOOOON !
Les paysans, alertés par son cri, se précipitèrent à ses côtés, sa mère la première.
— Merlin ? Que t'arrive-t-il ?
L'air hagard, le jeune sorcier bredouilla :
— Il est... Arthur... il... tombé...
Hunith fit signe aux autres de retourner à leur labeur, puis aida son fils à se relever. Il avait l'air totalement perdu, ne semblant même pas se rendre compte de l'endroit où il se trouvait. Elle le ramena chez eux, puis le fit asseoir sur son lit. Il n'avait pas dit un mot du trajet, sous le choc. Hunith s'assit à côté de son fils et posa une main sur sa joue pour le faire réagir. Il se tourna vers elle, les yeux écarquillés.
— Merlin ? Mon chéri, tu m'entends ?
— Oui... souffla-t-il.
— Que s'est-il passé ?
— Je... je crois que j'ai eu une vision...
Un frisson d'horreur traversa son échine à la pensée que ce qu'il avait vu soit la réalité.
— J'étais sur une falaise... Arthur était là... et il a sauté dans le vide...
— Ce n'était sûrement qu'un cauchemar, tenta de le rassurer sa mère.
— Combien de temps suis-je resté inconscient ?
— Quelques secondes à peine. Tu es tombé et tu as crié presque aussitôt.
Ce que sa mère venait de lui dire ne faisait que confirmer ses craintes : tout ceci était bien une vision... d'un futur potentiel mais pas inaltérable, du moins l'espérait-il. Et il n'avait qu'un seul moyen de l'empêcher de se réaliser.
— Je dois rentrer à Camelot.
Hunith hocha la tête :
— Je sais.
Elle se leva et alla lui préparer des provisions pour la route tandis qu'il remplissait son sac de voyage qu'il avait vidé le matin même. Lorsqu'il fut prêt, Merlin se jeta dans les bras de sa mère, prenant des forces dans son étreinte, puis quitta Ealdor.

Merlin ne dormit presque pas sur le trajet du retour. Lorsqu'il arriva à Camelot, il était épuisé, mais n'était pas prêt à s'accorder de repos tant qu'il n'aurait pas pu s'assurer qu'Arthur allait bien. Alors qu'il entrait dans la cité, il fut frappé par les visages affligés des habitants. Fou d'angoisse, il réunit ses dernières forces pour se précipiter dans la citadelle. La vision des bannières noires et des bougies allumées à presque toutes les fenêtres du château lui arracha un peu du mince espoir qui lui restait.
Ce n'est peut-être pas pour lui... peut-être est-ce Uther qui est mort... ou Morgana... ce ne peut pas être lui... pas lui...
Il fit encore quelques pas qui le menèrent jusqu'à Gaius qui venait en sens inverse. Merlin vit soudain dans son regard un mélange de tristesse et de compassion qui le fit reculer.
— Non... Non, il n'est pas...
— Je suis désolé, Merlin...
— Non, c'est impossible !
Les larmes ruisselaient sur les joues du jeune sorcier alors que Gaius lui prenait le bras pour l'empêcher de s'effondrer.
— Non... Arthur...
— Viens...
Merlin se laissa guider jusqu'au logement du médecin. Là, il se laissa tomber sur le banc, ne parvenant pas à croire qu'il était arrivé trop tard. Gaius s'assit face à lui et raconta :
— Nous avons appris la nouvelle hier matin... Arthur a insisté auprès de son père pour partir seul mener une quête au nord du pays... Le roi a envoyé Sir Leon et un garde le suivre, veiller sur sa sécurité. Mais Arthur a échappé à leur vigilance...
— Il a sauté... souffla Merlin dans un murmure étranglé.
Gaius lui adressa un regard surpris :
— Comment le sais-tu ?
— Je l'ai vu... j'ai eu une vision... je l'ai vu sauter de la falaise...
— Sir Leon et le garde étaient trop loin pour l'en empêcher.
Merlin remonta ses jambes sur le banc et se recroquevilla sur lui-même. Il était frigorifié, comme s'il avait lui-même plongé dans l'eau glacée qui avait emporté son amour. Son cœur lui semblait fait de pierre. Il n'avait même pas mal. Il était juste figé, comme bloqué à cet instant où il avait perdu sa raison de vivre. Gaius avait posé sa main sur son épaule, mais il ne la sentait pas. Il ne sentait plus rien. Il était détaché de son corps, emmuré au plus profond de son esprit, noyé au milieu de sa magie. Elle était là, tout autour de lui, prête à se déployer. Il savait que s'il perdait le contrôle de ses pouvoirs à cet instant précis, il serait capable de détruire Camelot. Alors il la retenait, son chagrin formant comme un filet qui empêchait sa magie de lui échapper.
— Merlin ?
Il ne répondit pas. Son esprit était entièrement focalisé sur ce maillage qu'il devait renforcer à chaque seconde pour ne pas risquer de tuer les autres personnes à qui il tenait. Peu à peu, il perdit totalement la notion du monde extérieur. Une envie s'insinua en lui : que sa magie finisse par le tuer afin qu'il puisse rejoindre son amour perdu dans l’au-delà.

***

Gaius ne savait plus quoi faire. Cela faisait deux jours que Merlin était catatonique. Il ne mangeait pas, ne buvait pas. Il restait figé, totalement immobile, les yeux clos. Le médecin avait demandé à deux gardes de l'aider à transporter son protégé dans la chambre. Ils avaient réussi à l'emmener jusqu'à son lit, mais son corps semblait fait de pierre et ils avaient été obligés de le laisser dans la même position que celle qu'il avait prise sur le banc.

***

Arthur grimpa avec difficultés sur un rocher. Une blessure saignait abondamment de son front et il grelottait de froid, mais il était vivant. Il avait réussi à échapper aux flots meurtriers, comme le lui avait prédit Anhora. Il se leva, scrutant les alentours. Il se trouvait dans une grotte éclairée par une torche plantée dans la paroi du fond. Il fit quelques pas, grimaçant de douleur à cause des contusions dues à sa chute et fut surpris de trouver près de la torche un sac contenant de la nourriture ainsi que des vêtements secs à sa taille. Il se changea rapidement, mangea et, rattrapé par la fatigue, décida de dormir un peu avant d'explorer mieux les lieux.

Merlin ouvrit brusquement les yeux alors que son cœur se réchauffait peu à peu.
Il est vivant ! Arthur est vivant !
Encore une fois, il était sûr qu'il s'agissait là d'une vision de la réalité. Fou de joie, il voulut se lever pour annoncer la bonne nouvelle à Gaius mais ses jambes refusèrent de le porter. Pris de vertige, il se laissa retomber lourdement sur son lit. La porte de sa chambre s'ouvrit sur son mentor qui s'exclama :
— Merlin ! J'ai cru t'avoir perdu toi aussi !
Gaius se précipita pour le serrer dans ses bras. Le jeune sorcier lança :
— Il est vivant !
— Que dis-tu ?
— Je viens d'avoir une autre vision. Arthur est vivant ! Et je ne sais pas encore quel a été son rôle, mais Anhora, le Gardien des Licornes, est mêlé à cette histoire.
Gaius posa une main sur son front. Devant son air perplexe, Merlin s'énerva :
— Je ne suis pas fiévreux, ni malade et je n'ai pas rêvé ! Il est vivant !
— Je veux bien te croire, mon garçon, mais Sir Leon...
— L'a vu sauter et moi aussi je l'ai vu. Mais je vous assure qu'il n'a pas été tué. Je dois aller prévenir Uther !
Alors qu'il se levait, Gaius le retint par le bras :
— Tu ne peux rien lui dire !
Voyant qu'il ne comprenait pas ses réticences, le médecin souffla :
— Si tu lui parles de tes visions, le roi te fera exécuter.
— Mais il a le droit de savoir que son fils est vivant !
— Tu dis vrai, cependant, le meilleur moyen de le lui apprendre est de retrouver Arthur et de le lui ramener.
Merlin soupira profondément.
— Vous avez raison... je vais partir à sa recherche...
— Pas avant d'avoir mangé et dormi quelques heures.
— Gaius...
— Pas de discussion ! Tu n'aideras pas Arthur si tu tombes d'inanition !
Le jeune homme rendit les armes devant la détermination de son mentor.

L'aube se levait à peine lorsque Merlin quitta à nouveau Camelot sur un cheval que Gaius avait réussi à lui trouver. Il avait eu l’intention d’interroger Sir Leon pour qu’il lui indique le lieu exact où Arthur avait disparu, mais dès qu’il était sorti dans la cour, son instinct l’avait poussé à grimper sur sa monture et à prendre la direction du nord. Il chevaucha sans s’arrêter toute la première journée et une partie de la nuit. Cependant, il finit par être obligé de faire une halte, tombant de fatigue. Il dormit quelques heures avant de reprendre la route dès l’aube. Il avait parcourru une trentaine de kilomètres lorsque son cheval se mit à boiter. Inquiet à l’idée de se retrouver sans monture, Merlin en descendit et l’examina. Il s’aperçut qu’un caillou pointu s’était incrusté dans l’un des fers arrière et l’avait fendu. Il tenta de l’ôter, mais la pierre semblait bien coincée. Il n’avait donc pas d’autre choix que d’utiliser la magie.
Merlin ferma les yeux, cherchant au plus profond de lui la bonne formule. À peine l’avait-il prononcée qu’il vit le caillou tomber et le fer fendu se ressouder. Satisfait, il allait remonter sur son cheval lorsqu’une voix familière retentit derrière lui :
— Je savais bien que tu étais plus qu’un simple serviteur !
Affolé, le sorcier fit volte-face.
— Gwaine ?
Le jeune noble le fixait en souriant, appuyé au tronc d’un arbre, les bras croisés. Merlin bredouilla :
— Ce n’est pas… je ne…
— Ne t’en fais pas, Merlin. Ton secret sera bien gardé avec moi.
Le sorcier soupira profondément, soulagé de voir que son ami ne le rejetait pas. Le sourire de Gwaine s’effaça alors qu’il s’approchait :
— J’ai appris pour le Prince Arthur. Je suis dés…
— Il n’est pas mort ! le coupa Merlin.
Devant l’air perplexe de l’autre homme, il expliqua :
— J’ai parfois des visions… en général, le concernant… et j’en ai eu une de lui vivant après sa chute de la falaise. Je suis en route pour le retrouver.
— Veux-tu que je t’accompagne ? Vu ce que je viens de voir, tu es de taille à te défendre seul, mais mon épée pourrait éventuellement t’être utile. Et mes bras également s’il faut porter Arthur.
— Votre aide sera précieuse, sourit le jeune sorcier.
— Alors, qu’attendons-nous ! lança Gwaine en grimpant sur son cheval. Et puis, je suis curieux d’en savoir plus sur tes dons, mon cher ami.

En fin d’après-midi, les deux hommes firent une halte dans un village pour acheter des vivres. Ils chevauchèrent encore quelques heures, avant d’installer leur bivouac dans une petite clairière. Le vent du nord s’était levé, glacial. Merlin, frigorifié, était enroulé dans sa couverture à côté du feu. Gwaine se laissa tomber près de lui, demandant :
— Tu ne connais pas une formule pour te réchauffer ?
— Je préfère utiliser la magie uniquement quand il n’existe pas d’autre solution.
— Alors j’ai peut-être quelque chose qui pourra t’aider à avoir moins froid.
Le jeune noble sortit une flasque de son manteau et la tendit à son ami. Merlin huma le liquide, méfiant :
— De quoi s’agit-il ?
— J’ai gagné ça lors d’un pari. C’est plutôt bon. Goûte !
Le sorcier obéit et manqua s’étrangler tant l’alcool était fort. Il toussa sous le regard amusé de Gwaine qui lui prit la flasque des mains et avala une longue gorgée. Il tendit à nouveau le récipient à Merlin qui, sentant l’alcool commencer à le réchauffer, but à nouveau.

Merlin s’éveilla en sentant des lèvres posées sur les siennes. Pensant être en plein rêve, il accueillit avec délices la langue inquisitrice qui lui avait demandé l’accès. Ce n’est qu’en découvrant un goût inconnu, totalement différent de celui d’Arthur, qu’il réalisa ce qui se passait. Il se redressa d’un bond, grimaçant à cause de la douleur qui martelait son crâne. Son regard croisa celui, contrit, de Gwaine.
— Je suis désolé, souffla celui-ci… pardonne-moi… l’alcool m’a tourné la tête au-delà de ce que je pensais…
Le jeune noble se leva et passa une main dans ses cheveux, très embarrassé. Merlin, un peu perdu, se leva à son tour, alla prendre une fiole dans sa sacoche et but une gorgée avant de la tendre à son ami.
— C’est une potion concoctée par Gaius pour soulager la douleur. Je pense que vous devez avoir la migraine, vous aussi.
— Merci…
Merlin soupira profondément. Il ouvrit la bouche pour parler mais Gwaine fit de même :
— Vous…
— Je voulais…
Ils s’arrêtèrent et se sourirent. Voyant que son ami ne semblait pas lui en vouloir, Gwaine se lança :
— Je sais que mon geste était malheureux… Qu’un homme ne devrait pas avoir un tel… attachement envers un autre homme…
— Attachement ? demanda Merlin, surpris.
Gwaine eut un faible sourire :
— La gent féminine n’a jamais attiré mon regard… comme toi avec ta magie, je garde un lourd secret depuis des années… lorsque je t’ai rencontré, mon cœur s’est affolé, mais je savais que je n’avais aucune chance. Je pensais que je parviendrais, comme toujours, à conserver mes sentiments dissimulés au plus profond de moi. Seulement ce matin, lorsque je me suis éveillé allongé près de toi, mon désir a pris le dessus sur ma raison… J’espère que tu ne m’en voudras pas…
— Je ne peux pas vous en vouloir. Et je peux vous assurer que si mon cœur n’était pas déjà pris, votre affection aurait pu être réciproque.
— Arthur a beaucoup de chance, soupira le jeune noble.
Merlin lui adressa un nouveau regard étonné, et un peu affolé.
— Ne t’en fait pas, je pense que je suis le seul à avoir remarqué la façon dont il te dévore des yeux. Ses sentiments pour toi sont profonds… et à ce que je peux constater, les tiens semblent l’être tout autant.
— Ils le sont, acquiesça le sorcier.
Gwaine hocha la tête en souriant. Ils reprirent la route en direction du nord.

***

Arthur avait perdu la notion du temps à force d'avancer dans ces cavernes sombres et humides. Il suivait le chemin indiqué par des torches allumées, se demandant s’il parviendrait un jour au bout de ce périple. Merlin occupait presque tout le temps son esprit. Il était pris de nausée à l’idée que son compagnon le croie mort, mais il n’avait pas eu d’autre choix. C’était le seul moyen pour lui d’échapper à la surveillance de Sir Leon et d’atteindre l’entrée des grottes. Alors qu'il désespérait d'arriver un jour à trouver l'objet de sa quête, le prince entendit soudain une sorte de grondement. Il pressa le pas, à la fois curieux et inquiet de savoir sur quoi il allait tomber. Au bout d'une trentaine de mètres, il déboucha dans une immense grotte sombre, éclairée uniquement par un puits de jour se trouvant à plus de dix mètres du sol. Plissant les yeux pour tenter de discerner ce qui se trouvait dans la pénombre, Arthur sentit soudain un frisson de terreur pure le traverser. L'énorme masse noire se mut lentement pour lui faire face. Il raffermit sa prise sur son épée, bien décidé à obtenir ce qu'il était venu chercher.

***

La nuit était presque tombée lorsque Merlin et Gwaine arrivèrent aux falaises. Le premier se mit à chercher une trace du passage de son compagnon tandis que le second montait leur camp. Lorsque le sorcier rejoignit son ami, il avait les épaules basses et l'air épuisé. Il se laissa tomber assis près du feu en soupirant profondément. Gwaine le s’installa à côté de lui et souffla :
— Tu devrais te reposer. Je suis sûr que tu trouveras la trace d'Arthur demain, lorsqu'il fera jour.
— Vous avez raison...
Gwaine posa une main réconfortante sur son épaule.
— Va dormir.
Merlin s'allongea, s'enveloppant dans sa couverture, et ferma les yeux. Il pensait ne pas parvenir à trouver le sommeil. Et pourtant...

« Emrys »
Surpris d'entendre le nom que les êtres magiques utilisaient en s'adressant à lui, Merlin s'assit. Il jeta un bref regard autour de lui et constata que Gwaine dormait profondément à quelques mètres de là. Puis, il se tourna vers la silhouette familière qui se tenait de l'autre côté du feu. Il demanda en se levant :
— Où est Arthur ?
— À l'endroit où il doit être... et où tu vas bientôt le retrouver... mais tu dois t'y rendre seul, ajouta le Gardien des Licornes en désignant le corps endormi de Gwaine.
— Pourquoi ?
— Le Prince Arthur doit accomplir cette quête sans ton aide, Emrys, cependant, tu devras être présent afin de recevoir le fruit de sa réussite.
— Vous voulez dire que je vais devoir le regarder mettre sa vie en danger sans pouvoir intervenir ?
Anhora ne répondit pas à sa question et reprit :
— …coute ton cœur, il te conduira vers ta destination, la Caverne du Dragon Noir.
— Du... Dragon Noir ? Ne me dites pas qu'il...
Avant que le jeune sorcier ait pu finir sa phrase, Anhora avait disparu.


Merlin se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre. Il jeta un bref coup d’œil à Gwaine qui dormait encore. Le soleil n’était pas encore levé, mais le jeune sorcier savait qu’il ne devait pas attendre. Il rassembla ses affaires le plus silencieusement possible. Lorsqu’il eut fini, il soupira profondément. Il était conscient que son ami allait lui en vouloir d’être parti seul, cependant, il n’avait pas le choix. Il murmura une formule pour s’assurer que Gwaine ne s’éveillerait pas trop tôt. Il se dirigea ensuite vers la falaise et ferma les yeux. Le chemin qu’il devait prendre pour rejoindre Arthur s’imprima dans son esprit.

La descente fut difficile. Deux fois, Merlin manqua chuter, pourtant il tint bon et finit par parvenir à l’entrée de la grotte d’où partait un couloir souterrain menant à la Caverne du Dragon Noir. Il fit quelques pas à l’intérieur et fut surpris de trouver une torche allumée plantée dans l’une des parois. Il la prit, puis continua à progresser. Alors qu’il avançait précautionneusement dans le tunnel, il se sentit de plus en plus nauséeux. Il avait l’impression qu’un étau enserrait son cœur et qu’une partie de lui-même s’évaporait peu à peu. Il n’eut pas besoin de réfléchir bien longtemps pour comprendre que c’était sa magie qui le quittait. S’il avait été sensé, il aurait immédiatement fait demi-tour, mais ses sentiments pour Arthur le poussaient à continuer son chemin, même si cela signifiait pour lui une perte totale de ses pouvoirs.

***

Arthur fit un bond en arrière lorsqu’une voix caverneuse s’éleva soudain :
— Qui êtes-vous pour venir troubler mon repos ?
Le prince n’arrivait pas à croire que c’était la créature monstrueuse face à lui qui venait de lui parler. Il jeta un regard autour de lui, mais il était seul avec la bête.
— Avez-vous perdu votre langue, jeune homme ?
— Je suis Arthur Pendragon ! répondit l’intéressé en essayant de ne pas laisser ses émotions transparaître dans sa voix.
Le prince eut soudain l’impression que la créature souriait.
— Vous êtes celui que j’attendais. Vous pouvez ranger votre épée, Sire, je vous promets de ne pas vous faire de mal.
— Vous êtes une créature magique, je ne peux me fier à votre parole.
— Comme vous le souhaitez… Cependant, avant que vous décidiez de me tuer, j’aimerais que vous m’accordiez la faveur d’écouter le récit de mon histoire sans m’interrompre. Vous pourrez ensuite faire de moi ce que bon vous semblera, je ne m’y opposerai aucunement.
Arthur pesa le pour et le contre, puis finit par baisser son arme. Il s’adossa à la paroi, restant tout de même sur ses gardes, et lança :
— Je vous écoute.
— Mon nom est Primael Wynerius. À ma naissance, il y a plusieurs centaines d’années, je n’étais pas si différent de vous, Prince Arthur. Mon père était le roi d’une contrée située au-delà de la mer qui se fracasse sur cette falaise. J’eus une enfance heureuse auprès du fils de ma nourrice, un jeune garçon doué de magie. Lorsque nous sommes devenus des hommes, notre relation a évolué. Anhora était alors mon compagnon comme Merlin est aujourd'hui le vôtre.
Arthur ouvrit la bouche de surprise, mais ne dit rien, respectant sa parole d’écouter le récit sans l’interrompre. La créature reprit :
— Comme vous, mon rang m’obligeait à me marier et à concevoir un héritier pour assurer l’avenir de mon royaume. Quelques mois après la mort de mon père et mon accession au trône, une jeune femme nommée Olina arriva au château. Elle aussi possédait le don de la magie. Au fil du temps, elle devint mon amie. Elle ne me cacha jamais qu’elle espérait qu'un jour je fasse d'elle ma reine. Finalement, pour contenter mes détracteurs et ne pas risquer de devoir épouser une parfaite inconnue, je décidai d'exhausser son vœu. Olina était bien sûr ignorante de mes sentiments envers Anhora. Mon honneur m'interdisait cependant de poursuivre cette relation après mon mariage. La veille de mes noces, nous décidâmes donc de nous accorder une dernière nuit. Si nous avions anticipé ce qui advint par la suite, nous aurions abandonné cette idée...
Primael fit une pause dans son récit. Arthur, oubliant sa méfiance, ne put s'empêcher de deviner :
— Olina a su...
— Oui. Elle nous a surpris... Je n'avais jamais vu une telle rage ni un tel désespoir. Je l'avais trahie... Elle nous maudit tous deux... Ce jour qui aurait dû être l'un des plus beaux de ma vie fut le pire. Elle convoqua les forces des ténèbres qui me transportèrent dans cette caverne et me transformèrent en dragon. Voulant être absolument certaine que je ne pourrais jamais m'échapper, elle m'enchaîna au sol. Elle me rendit immortel, insensible à la faim ou à la soif, mais incapable de quitter cet endroit. Anhora tenta bien sûr de me sauver... Olina jeta un sort sur ces lieux afin qu'aucune magie, hormis la sienne, ne puisse y être utilisée. Tout sorcier qui entrerait dans ces grottes perdrait peu à peu ses pouvoirs jusqu'à y laisser sa vie.
— Raison pour laquelle Anhora a insisté pour que j'accomplisse cette quête seul. Je comprends mieux pourquoi il était si important que Merlin ne m'accompagne pas.
Le dragon hocha la tête. Arthur demanda :
— Je suppose que la raison pour laquelle votre compagnon m'a fait venir, c'est que je suis en mesure de vous libérer.
— Non seulement vous l'êtes, mais vous êtes l'unique personne au monde à le pouvoir.
Réellement surpris, le prince souffla :
— S'il s'agit de briser vos chaines, je suis certains que d'autres hommes bien plus forts seraient...
— L'homme le plus fort du monde ne pourrait rien pour moi... seul un prince dont le cœur, le corps et l'âme appartiennent à un sorcier peut défaire l'envoûtement.
Une multitude de questions tournaient dans la tête d'Arthur, mais il n'en posa qu'une :
— Si je vous libère, vous reprendrez forme humaine ?
— Je l'espère...
Le prince sourit, puis fit un pas vers le dragon en tirant à nouveau son épée qu'il venait de ranger dans son fourreau.

***

Merlin se sentait horriblement mal. Il avait d'énormes difficultés à avancer, mais il continuait malgré tout, poussé par la peur de perdre celui que son cœur avait choisi. Il savait qu'il serait incapable de lui survivre et espérait arriver à temps. Alors qu'il désespérait de parvenir à le rejoindre avant de ne plus être capable de mettre un pied devant l'autre, le tunnel où il se trouvait déboucha sur une immense caverne. Il y pénétra au moment où son compagnon s'approchait d'un énorme dragon noir, son épée à la main.
— Arthur ! Non !
À peine eut-il crié son avertissement qu'il s'effondra au sol, inconscient, vidé de ses forces.

***

En entendant la voix de Merlin, le prince fit volte-face. Son cœur manqua un battement lorsque son compagnon s'écroula soudain, sans connaissance. Arthur se précipita à ses côtés. S'agenouillant près du jeune sorcier inerte, il posa une main sur son front, inquiet.
— Merlin... pourquoi m'as-tu suivi ? Gémit Arthur.
Il leva les yeux vers Primael :
— Sa magie...
— Est en train de disparaître. Libérez-moi, Sire, et elle lui reviendra.
Le blond déposa un léger baiser sur les lèvres de son compagnon avant de se relever et de rejoindre le dragon. Celui-ci se décala pour lui laisser l'accès aux deux grosses chaînes qui emprisonnaient ses pattes arrière.
— Comment puis-je les détruire ? Mon épée ne sera jamais assez solide pour...
— Fermez les yeux et concentrez-vous sur les sentiments qui animent votre cœur.
Arthur obéit. Il se remémora sa première rencontre avec Merlin et tous les évènements qui les conduisirent à cette relation secrète. Une vague d'amour le submergea soudain, faisant bouger ses bras sans même qu'il ne les commande. Son épée s'éleva au-dessus de sa tête, puis retomba lourdement, brisant l'une des chaînes. Les yeux toujours clos et son corps agissant de lui-même, il réitéra son geste, détruisant la seconde. Un souffle violent le projeta en arrière sur plusieurs mètres. Il atterrit lourdement sur le sol, un peu sonné. Secouant la tête pour reprendre ses esprits, le prince se releva, puis se tourna vers le dragon qui se trouvait à présent totalement enveloppé d'une brume rouge. Au bout de quelques secondes, le brouillard se dissipa, dévoilant un vieil homme vêtu d'une tunique en velours bleue. Il souriait, les yeux emplis de larmes.
— Merci, Sire. Je vous serais éternellement reconnaissant de m'avoir libéré.
Arthur hocha la tête, puis rejoignit Merlin qui était toujours inconscient. Fou d'angoisse, le prince se tourna vers Primael :
— Pourquoi ne se réveille-t-il pas ? Sa magie ne lui revient pas ?
— Tu le savais ?

***

La douleur avait subitement disparu. Merlin s'éveilla peu à peu mais n'osa pas ouvrir les yeux immédiatement, se sentant encore un peu nauséeux. Ce n'est qu'en entendant les mots d'Arthur qu'il réagit :
— Tu le savais ?
Il s'assit, aidé par son compagnon, et répéta :
— Tu savais pour ma magie ?
— Oui, acquiesça le prince.
— Depuis longtemps ?
— Quelques mois avant que nous... devenions plus que des amis...
— Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi tu m'as laissé continuer à te mentir ?
— Parce que j'avais peur que tu ne commettes des imprudences, enfin encore plus, si tu savais que je connaissais tes pouvoirs. Je te rappelle que mon père est toujours roi... et que tu risques ta vie rien qu'en vivant à Camelot.
— Mais toi... ça ne te dérange pas que...
— J'ai compris grâce à toi que la magie peut aussi être utilisée pour faire le bien. C'est peut-être même ce qui m'a poussé un peu plus vers toi, renforçant mes sentiments.
Tout en parlant, Arthur caressa tendrement la joue de son compagnon. Merlin avait l'impression de rêver. Leur discussion fut interrompue par un toussotement discret. Le prince aida son amant à se lever. Le jeune sorcier tituba mais Arthur garda un bras autour de sa taille pour le soutenir. Ensemble, ils se tournèrent vers Anhora et Primael qui venaient de se retrouver après des siècles de séparation. Main dans la main, ils firent face à leurs jeunes sauveurs. Le Gardien des Licornes souffla :
— Je vous remercie, Prince Arthur, de m'avoir rendu mon compagnon.
Merlin ne comprenant pas de quoi parlait le vieux sorcier, il souffla :
— Quelqu'un serait-il assez aimable pour m'expliquer ce qui se passe ici ?
Primael résuma son histoire et le rôle qu'avait joué Arthur dans sa libération. Lorsqu'il eut terminé, Anhora rompit le contact avec lui et s'approcha des deux jeunes hommes.
— Voici le présent que je vous avais promis, Sire : la Pierre de Vie.
Il remit au prince une petite bourse. Arthur en tira une gemme d'un noir profond. Merlin sentit immédiatement la magie qui en émanait. Il demanda :
— À quoi sert-elle ?
— Elle permet à un homme d'avoir un enfant de la femme de son choix sans avoir besoin de s'unir charnellement à elle. Je la garde depuis si longtemps avec moi... J'avais l'espoir fou que celui que j'aimais refuse d'accomplir son devoir conjugal avec Olina et l'utilise pour avoir un hériter. Cette pierre était mon cadeau de mariage pour Primael.
— Alors je ne peux l'accepter ! S'exclama Arthur en tendant la main pour la rendre à Anhora.
L'ancien dragon intervint :
— Mon royaume n'est plus depuis des siècles, Sire. Cette pierre ne me sera plus d'aucune utilité... Je vous l'offre, Arthur Pendragon, en espérant que votre histoire, à tous deux, sera moins tragique que la notre.
Le prince referma ses doigts sur la gemme en souriant.
— Merci.
Anhora hocha la tête, puis sourit. Merlin sentit une déferlante de magie les envelopper, Arthur et lui. Il ferma les yeux un bref instant. Lorsqu'il les rouvrit, ils se trouvaient sur la falaise, à quelques mètres du campement où Gwaine dormait toujours. Au vu de la position des étoiles, le jeune sorcier estima qu'il était parti à peine une heure.
— Que fait-il ici ? Demanda son compagnon en voyant leur ami.
— Je suis tombé par hasard sur lui en chemin et il m'a proposé de m'accompagner.
Arthur attira Merlin dans ses bras pour l'embrasser avec tendresse. Ils avaient beaucoup à se dire, mais le jeune sorcier était trop fatigué pour une longue discussion. Son compagnon lui caressa la joue du bout des doigts.
— Tu as l’air épuisé.
— Toi aussi.
— Nous devrions dormir un peu avant que Gwaine ne se réveille. Je pense que nous allons avoir quelques explications à lui donner.
Merlin acquiesça en silence. Arthur alla s’allonger près d’un arbre couché, puis ouvrit les bras pour accueillir son compagnon. Le jeune sorcier se blottit le dos contre le torse de son amant qui referma son étreinte sur lui. Malgré leur fatigue, les deux hommes ne parvinrent pas à trouver le sommeil. Au bout de quelques longues minutes, Merlin souffla, la gorge nouée :
— J’ai cru mourir quand je t’ai pensé perdu à jamais…
— Je suis désolé… répondit Arthur, le visage enfoui dans son cou. Je ne voulais pas te faire souffrir mais Anhora ne m’a pas laissé le choix. Je devais t’éloigner de moi afin d’être sûr de pouvoir partir seul… et me faire passer pour mort pour échapper à la surveillance de Sir Leon. J’espère que tu me pardonneras…
— Compte tenu de ce qui s’est passé dans la caverne, je ne peux pas t’en vouloir.
— Ta magie t’es revenue entièrement ?
Pour toute réponse, Merlin ouvrit la main et fit apparaître une petite flamme au creux de sa paume.
— Je le pense, souffla-t-il en souriant.

***

Arthur regarda la flamme pendant quelques minutes avec fascination, puis glissa sa main sur celle de son compagnon pour la faire disparaître. Lorsqu’ils furent à nouveau dans le noir, le prince soupira profondément :
— Promets-moi d’être prudent. Personne d’autre ne doit apprendre ton secret.
Merlin jeta un bref regard à la forme endormie près d’eux et toussota.
— Hum… Gwaine est au courant…
Arthur grogna :
— Qui d’autre ?
— Lancelot… et Gaius bien sûr…
Le prince leva les yeux au ciel en se demandant comment il avait fait pour ne rien voir pendant au moins deux ans. Au moment où il allait formuler cette pensée à voix haute, il sut que Merlin n’hésiterait pas à lui répondre par une remarque désobligeante comme il en avait le secret. Il préféra alors se taire et déposa un léger baiser dans la nuque de son compagnon qui fut traversé d’un frisson.
— Il faut dormir, souffla Arthur, résistant avec peine au désir qui commençait à s’insinuer en lui. Bonne nuit, Merlin.
— Bonne nuit, Arthur.

Le prince s’éveilla à l’aube. Son amant dormait entre ses bras. Connaissant la profondeur du sommeil du jeune sorcier, Arthur put se lever sans risquer de le réveiller. Alors qu’il s’asseyait, son regard croisa celui, amusé, de Gwaine. Leur ami était accroupi, en train de rallumer le feu. Gêné, le prince passa une main dans ses cheveux blonds ébouriffés et se leva. Il s’éloigna de quelques pas, ne sachant comment expliquer la raison pour laquelle Merlin et lui dormaient ainsi enlacés. Il entendit l'autre homme approcher, mais ne se retourna pas.
— Je suis heureux de constater que Merlin avait raison, que vous êtes vivant, lança la voix de Gwaine derrière lui.
Arthur soupira profondément, puis lui fit face. Avant qu’il ait eu le temps de parler, son ami continua :
— Ne vous inquiétez pas, il m’a tout expliqué. Vous avez beaucoup de chance de l’avoir.
— J’en suis conscient.
— Je l’espère bien. Je n’hésiterai pas à venir botter votre royal derrière si vous lui faisiez du mal.
Son regard sérieux démentait son ton léger, faisant comprendre à Arthur que les sentiments de Gwaine à l'égard de Merlin étaient plus forts que l'amitié... peut-être même aussi forts que les siens. Il fut détourné de ses pensées par l'arrivée du jeune sorcier qui les dévisagea tous deux, l'air soupçonneux :
— Vous parliez de moi ?
Gwaine et Arthur échangèrent un regard amusé avant que le prince ne réponde :
— Le monde ne tourne pas autour de toi, tu sais, Merlin.
— Bien sûr que non ! Répondit son amant. Tout le monde sait qu'il tourne autour de Sa Grandeur Le Prince Arthur Pendragon !
L'intéressé leva les yeux au ciel tandis que Gwaine éclatait de rire.

Durant le trajet qui les ramenait à Camelot, Arthur et Merlin racontèrent à leur ami ce qui s'était produit la nuit précédente. Gwaine les écouta gravement, puis leur fit le serment d'emporter le secret de ces évènements et des pouvoirs du sorcier dans la tombe. Il restait deux heures de jour lorsqu'ils s'arrêtèrent, à la frontière du royaume d'Uther.
— Je ne peux aller plus loin, soupira Gwaine. Prenez bien soin de vous, tous les deux.
Arthur lui serra la main et Merlin le prit brièvement dans ses bras.
— On se reverra sûrement bientôt, sourit le jeune noble avant de quitter ses amis.
Les deux autres le suivirent des yeux jusqu'à ce qu'il soit hors de vue puis reprirent leur chemin. À la tombée de la nuit, ils installèrent leur campement dans une petite clairière, près d'un chêne centenaire. Après avoir mangé, ils s'allongèrent ensemble, comme la veille. Seulement cette fois, ils étaient seuls et le prince n'avait absolument aucune envie de dormir. Il commença à déposer des baisers dans la nuque de son valet qui gémit :
— Ce n'est pas très prudent de faire ça ici... on pourrait nous surprendre...
— Tu n'as pas un sort ou une formule pour empêcher ça ? J'ai envie de toi, Merlin...
Tout en parlant, il se colla un peu plus contre son amant qui répondit d'une voix un peu plus rauque que d'habitude :
— Il m'avait semblé le remarquer...
Le jeune sorcier murmura des mots dans une langue inconnue de son compagnon, puis reprit :
— Nous serons tranquilles jusqu'à l'aube.
Il tourna la tête de façon à ce qu'Arthur puisse capturer ses lèvres avec passion. Les mains du prince se glissèrent sous les vêtements de l'autre homme, lui arrachant des gémissements de désir.

***

Merlin perdit toute notion du monde extérieur lorsque son prince le fit basculer sur le dos et commença à lui ôter ses vêtements. Le désir qui lui enflamma les reins réveilla également sa magie.
Jusqu'à ce jour, le jeune sorcier n'avait jamais pu se laisser aller totalement lors de leurs étreinte. Une partie de lui devait toujours rester concentrée pour que sa magie ne le submerge pas et qu'Arthur ne la découvre pas. Mais à présent que le prince savait, plus rien n'empêchait Merlin de profiter pleinement de l'instant. Chaque frisson de plaisir se répercutait dans tout son être, renforçant la bulle magique qu'il avait créée autour d'eux pour les isoler du reste de l'univers. Une douce lueur dorée, chaude et bienveillante, les enveloppa peu à peu. Leurs corps fusionnèrent et, pour la première fois, leurs âmes également. Ils étaient enfin devenus réellement les deux faces d'une même pièce, indissociables et complémentaires.

Ils arrivèrent à Camelot aux alentours de midi. Ils traversèrent la ville sous les acclamations du peuple, heureux de retrouver son prince disparu. Dès qu'ils entrèrent dans la cour du château, ils virent le roi se précipiter vers eux. Arthur eut à peine le temps de descendre de son cheval que son père le serrait dans ses bras à l'en étouffer. Merlin les regarda un moment en souriant, puis rejoignit Gaius qui l'embrassa :
— Tu vas avoir beaucoup de choses à me raconter.
Le jeune homme acquiesça d'un signe de tête. Son mentor l'observa quelques secondes en silence, puis souffla :
— Quelque chose a changé...
Merlin sourit largement :
— Arthur sait tout... et il m'accepte tel que je suis...
Gaius eut l'air perplexe, mais ne put répondre car un valet les interrompit :
— Merlin, le roi veut te voir dans la grande salle.
— J'arrive.
Lorsque le valet se fut éloigné, le médecin lança :
— Es-tu sûr de toi ?
— Il ne m'a pas dénoncé à son père, faites-moi confiance.
— Je l'espère... soupira le vieil homme.

Uther était assis sur son trône, Arthur face à lui. Le prince fit signe à son amant de le rejoindre. Malgré sa confiance en son compagnon, Merlin ne pouvait s'empêcher d'être nerveux.
— À présent que toutes les personnes concernées sont présentes, peux-tu nous raconter ce qui t'es arrivé après ta chute ?
— Je ne me souviens pas de grand chose à vrai dire... Je me tenais sur cette falaise escarpée face à la mer et l'instant d'après, je me suis réveillé dans une grotte, trempé. L'issue était bouchée presque totalement par un éboulement. Je pensais que je ne m'en sortirai pas lorsque j'ai entendu la voix de Merlin qui m'appelait.
Le roi se tourna vers le jeune sorcier qui eut un mal fou à ne pas rougir sous son regard inquisiteur.
— Comment l'as-tu retrouvé ?
Merlin savait quoi répondre car ils avaient mis au point cette histoire pendant la dernière partie de leur trajet.
— Je voulais rendre un dernier hommage au Prince Arthur alors je me suis rendu sur la falaise d'où Sir Leon disait l'avoir vu tomber. Et là, quand j'ai baissé les yeux sur les rochers, j'ai vu un morceau de tunique rouge. Ça m'a donné un léger espoir... très infime, mais j'ai voulu être sûr... Alors, je suis descendu voir de plus près et j'ai entendu du bruit en provenance d'un éboulement de pierres...
— Et tu as libéré mon fils seul ?
Le ton et le regard d'Uther étaient clairement soupçonneux. Merlin secoua la tête :
— J'ai eu de l'aide... Je suis tombé par hasard sur Messire Gwaine en chemin et il m'a accompagné jusqu'à la falaise. Il m'a aidé à dégager l'entrée de la grotte.
Au nom du jeune noble, le roi avait froncé les sourcils, mais n'avait rien dit. Il resta silencieux quelques instants, puis eut un léger sourire.
— Je te dois toute ma gratitude pour m'avoir ramené mon fils. Y a-t-il un présent que tu souhaiterais obtenir de ma part ? Dans la limite de mes possibilités, bien sûr...
Sur cette question également, Arthur et Merlin s'étaient mis d'accord avant leur entrée dans Camelot.
— Je ne souhaite qu'une seule chose, Sire : que vous leviez le bannissement dont est accablé Messire Gwaine.
Le roi sembla prêt à refuser catégoriquement, mais finit par répondre :
— Je vais y réfléchir.
Il fit un signe à un serviteur qui attendait près de lui.
— Voici néanmoins une récompense pour ta bravoure, Merlin.
Le valet lui remit une bourse dans laquelle se trouvaient dix pièces d'or. Le jeune sorcier s'inclina afin de remercier son souverain. Celui-ci leva la séance. Alors qu'Arthur rejoignait son père, Merlin alla confier l'or à Gaius. Celui-ci sourit :
— J'espère que j'aurais droit à la vraie version de l'histoire.
— Bien sûr. Vous croyez qu'Uther finira par changer d'avis au sujet de Gwaine ?
— Peut-être, répondit le médecin en haussant les épaules. Allez, viens, j'ai hâte d'entendre ton récit !

***

Arthur se tenait devant sa fenêtre, plongé dans ses pensées. Au creux de sa paume, la Pierre de Vie était douce et chaude. Il referma ses doigts sur elle lorsqu'il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Il ne bougea pas, reconnaissant le pas familier de Merlin. À peine quelques secondes plus tard, le corps souple du jeune sorcier se colla contre son dos. Il sentait le souffle de son amant dans sa nuque et entrelaça ses doigts à ceux posés sur son ventre. Ils restèrent un long moment ainsi, immobiles et silencieux, savourant simplement le bonheur d'être ensemble.
Arthur sut que l'instant qu'il attendait depuis si longtemps était venu. Il n'avait plus aucun doute ni dans son esprit ni dans son cœur. Il se dégagea légèrement de l'étreinte de Merlin afin de pouvoir lui faire face. Il captura les lèvres de son compagnon pour un baiser des plus doux avant de souffler :
— J'ai quelque chose de très important à te dire...
La lueur d'inquiétude qui traversa le regard de son amant lui serra le cœur. Refusant de voir à nouveau une telle peur dans les yeux du jeune sorcier, Arthur glissa sa main tenant toujours la Pierre de Vie contre celle de son compagnon. L'objet semblait palpiter entre leurs paumes alors que le prince avouait pour la première fois :
— Je t'aime, Merlin.
Le sourire qui illumina le visage du sorcier fut la plus belle des récompenses pour le prince.
— Je t'aime, Arthur Pendragon.
Ils s'embrassèrent avec tendresse, puis laissèrent libre court à la passion qui consumait leurs corps. Après que leurs envies charnelles se furent apaisées, ils s'endormirent, rêvant d'un monde de magie où ils pourraient vivre leur amour au grand jour.

Fin.


Entrez le code de sécurité indiqué ci-dessous :
Note: Vous pouvez soumettre un rating, une review ou les deux.

Skin réalisé par Cybelia.

Disclaimer : Toutes les histoires de ce site m'appartiennent. Merci de ne pas les publier sur un autre site sans mon autorisation.
Les personnages appartiennent à leurs auteurs ou créateurs respectifs.
Je ne tire aucun profit de ces fanfics hormis ma satisfaction personnelle et celle de mes lecteurs.
Pour le RPS : Je ne prétends pas connaître la vie et les orientations sexuelles des personnes que j'utilise dans mes fanfictions. Je les utilise seulement comme des personnages pour mes fictions, même si j'utilise parfois des détails réels de leurs vie pour écrire mes fics.