Legolas et Aragorn repartirent d'Edoras le lendemain matin. Ils chevauchèrent toute la journée en silence, chacun plongé dans ses pensées. A la tombée de la nuit, ils décidèrent de s’arrêter pour se reposer. Legolas redoutait cette pause car il ne savait toujours pas comment il allait aborder le sujet qui lui tenait à cœur. Heureusement pour lui, Aragorn mangea en silence et s’endormit rapidement. L’Elfe profita du sommeil de son ami pour faire quelques pas, seul. Son esprit était troublé et il n’arrivait pas à trouver le calme. Il s’assit sur une pierre et soupira. Que vais-je faire s’il ne veut plus me parler ? Je ne le supporterais pas… Je crois que je préférerais être mort que de vivre en sachant que l’homme que j’aime ne supporte plus ma présence… Pourquoi est-ce si dur d’aimer ?

Aragorn se réveilla en sursaut au milieu de la nuit et fut surpris de ne pas voir Legolas. Il se leva, inquiet. L’attitude de son ami le rendait perplexe, d’autant plus qu’il n’arrivait pas à mettre de l’ordre dans les sentiments qu’il ressentait pour le Prince Elfe. Legolas était son meilleur ami. Il le connaissait depuis sa plus tendre enfance et il n'aurait jamais pensé ressentir de tels émois en sa présence. Il avait aimé Arwen de tout son être, mais il se sentait si seul depuis sa mort… Pourquoi n'aurais-je pas le droit d'être à nouveau heureux ? Se demanda t'il, tandis qu'il se recouchait. Il essaya de se rendormir, mais sans succès, trop de questions se bousculant dans son esprit. Il ne réussit à retrouver le sommeil que lorsqu'il entendit son ami s'approcher et s'asseoir de l'autre côté du feu.

Le lendemain matin, Aragorn s'éveilla à l'aube. Il remarqua immédiatement que son ami n'était pas en vue et se leva d'un bond. Il remit son épée à son côté et se dirigea vers le ruisseau qui coulait non loin de là. Il n'y avait personne. Il se demanda encore une fois où pouvait être passé l'Elfe, puis décida de se laver un peu, certain que son ami n'était pas parti bien loin. Il s'agenouilla au bord de l'eau, posa son épée sur le sol, à portée de main et ôta sa tunique. Il trempa ses mains dans l'eau claire du ruisseau et la fraîcheur le fit frissonner. Il se lava le visage, se débarrassant de la poussière du voyage. Alors qu'il se rafraîchissait, il ne s'aperçut pas de la présence de Legolas qui le regardait, à demi-caché derrière un arbre.

L'Elfe était parti marcher un peu avant l'aube et avait été surpris de trouver le campement vide à son retour. Il avait alors suivi les traces laissées par son ami. Arrivant près du cours d'eau, il s'arrêta, rougissant. Il ne fut pas mécontent de voir qu'Aragorn n'avait pas senti sa présence. Jamais il n'aurait réussi à lui expliquer pourquoi son organisme réagissait aussi intensément devant le spectacle offert par l'Homme qui se lavait. L'Elfe laissa son regard errer sur les muscles des épaules d'Aragorn qui roulaient sous sa peau tandis qu'il passait ses mains sur ses bras nus. Il se sentit soudain mal et eut un mouvement de recul qui le fit malencontreusement heurter une racine qui se trouvait derrière son pied. Il se retint de justesse de tomber et s’aperçut qu’Aragorn l’avait vu. Il fit un effort surhumain pour ne pas rougir et s’avança vers son ami comme s’il venait juste d’arriver.

- Je pense que nous devrions reprendre la route si nous voulons arriver au château avant la nuit, proposa l’Elfe d’une voix qu’il espérait posée.

Aragorn renfila sa tunique et se releva, son épée à la main.

- Tu as raison. Allons-y !

Pendant qu’ils chevauchaient, l’esprit de l’Elfe se mit à vagabonder et, soudain, il eut une révélation. Au cours de ses trois mille ans d'existence, il avait eu l'occasion de rencontrer beaucoup de ses semblables et il en avait aimé certains. Des princes et des princesses Elfes, des archers, des serviteurs même, beaucoup avaient eu les faveurs du fils de Thranduil. Mais, aujourd'hui, il comprenait qu'il n'avait jamais réellement aimé. Il avait éprouvé des sentiments intenses à chaque fois, mais il n'aurait jamais donné sa vie pour celui ou celle qui partageait sa vie et sa couche. Jusqu'à ce fameux jour, plusieurs années plus tôt, où il avait pris conscience du vide qui emplissait son cœur. Il s'en souvenait comme si c'était hier. Son père l'avait envoyé à Fondcombe pour une affaire avec le Seigneur Elrond. Ils eurent une discussion orageuse, mais Legolas aurait bien été incapable de dire quel en était la cause. Pour se calmer, il alla faire un tour dans les jardins. Il fut heureux de voir son ami Estel, le futur Aragorn, qui lisait, assis sous un arbre. Le jeune homme avait alors 19 ans et ne savait encore rien de sa destinée.

- Bonjour, mon ami. Tu as l'air bien contrarié.

- Ce n'est rien, répondit l'Elfe en secouant la tête. J'ai eu un désaccord avec Elrond.

- Oh, souffla le jeune homme d'une voix grave. Je te comprends. J'ai souvent des désaccords avec lui.

- Toi ? Interrogea Legolas, surpris.

- Oui… Je… Si je te dis un secret, tu le garderas ?

- Bien sûr.

- Je crois que je… je suis amoureux…

Le cœur de l'Elfe fit un bond dans sa poitrine.

- De qui ? Demanda t'il d'un air qu'il espérait détaché.

- Je ne peux pas te le dire.

- Allons, Estel, je suis ton meilleur ami. Tu peux tout me dire.

Le jeune homme baissa les yeux, l'air soudain intimidé.

- Je suis désolé, je ne peux pas. Tout ce que je peux te dire, c'est que le Seigneur Elrond s'en doute et qu'il n'approuve pas du tout.

Legolas sentit son cœur se serrer, comprenant que son ami était tombé amoureux de la belle Arwen, fille d'Elrond. Et, il comprenait mieux pourquoi le jeune homme voulait garder le secret sur l'identité de son aimée.

- Que vas-tu faire alors ?

- Je ne le sais pas encore. Et puis, il y a autre chose…

- Laquelle ?

- Je m'ennuie ici. Je sais que cet endroit est magnifique, tout le monde est gentil avec moi, mais j'ai soif d'aventure.

- Tu sais, le monde extérieur n'est pas aussi beau que Fondcombe.

- Je m'en doute, mais je rêve de pouvoir partir d'ici. J'aimerais tellement partir avec toi à Mirkwood !

L'Elfe soupira. Il allait répondre lorsqu'un serviteur les rejoignit.

- Prince Legolas, le Seigneur Elrond veut vous parler.

- Je viens.

Il se leva et se tourna vers son ami.

- Je dois te quitter. Je ne sais pas si j'aurais le temps de te revoir avant mon départ donc, je te dis au revoir, Estel.

- A bientôt, j'espère.

Et l'Elfe s'en alla rejoindre Elrond. Il ne revit plus son ami pendant de longues années, occupé par les affaires du royaume de son père. Dans son esprit et dans son cœur, il savait que Aragorn et Arwen étaient faits l'un pour l'autre, mais cela lui faisait mal. Il tenta de se résigner et finit pas enfouir ses sentiments pour le futur Roi du Gondor au fin fond de son être. Et, à présent, ils refaisaient surface.

Aragorn n'arrivait pas à oublier le regard de Legolas lorsqu'il l'avait rejoint au bord de la rivière, le matin même. Il avait été surpris de voir les efforts que faisait l'Elfe pour que son trouble ne se remarque pas et en fut lui-même fort ému. Il tenta de ne pas trop y penser, tout en sachant que l'heure des explications approchait.