Legolas avait l'impression d'étouffer dans cette chambre et, pendant que tous s'enquéraient de la santé de Frodon, il sortit discrètement et se rendit dans le jardin d'hiver. Il savait que l'heure des explications avec Aragorn arrivait et il avait peur. Peur que son ami de toujours le rejète et peur de ce qui lui arriverait ensuite. Il se laissa tomber sur un banc et déposa toutes ses armes devenues inutiles en ce lieu. Puis, il s'allongea sur le banc et ferma les yeux. Son cœur se serra lorsqu'il entendit le pas d'Aragorn qui approchait.

- Tu n'as pas mis longtemps à me retrouver.

- Le château est vaste, mais je me doutais que tu serais ici, mon ami.

Le Roi s'assit à son tour sur un banc, à l'autre bout du jardin.

- Comment va Frodon ? Interrogea Legolas, essayant ainsi de retarder l'inévitable échéance.

- Il va bien. Legolas… Tu m'as promis…

- Je sais ce que je t'ai promis… Alors, je vais tout te dire, mais promet-moi de ne pas m'interrompre jusqu'à ce que j'ai fini.

- Tu as ma parole, soupira Aragorn qui avait hâte de savoir si son intuition était juste.

L'Elfe ne bougea pas et commença :

- Je ne sais pas si tu te souviens de la dernière fois où nous nous sommes vus, bien avant le jour où Elrond nous avait convoqué pour nous parler de l'Anneau Unique. Tu avais alors 19 ans et tu t'ennuyais à Fondcombe. Je me souviens de notre discussion de ce jour-là comme si elle avait eu lieu hier. Tu m'as dit que tu étais amoureux et que le Seigneur Elrond s'en doutait et n'approuvait pas du tout ta décision. Ce jour-là, j'ai senti mon cœur se déchirer… Je ne savais pas ce que c'était alors… Ensuite, j'ai tout fait pour éviter de revenir à Fondcombe car je savais que je n'aurais pas supporté de te voir dans les bras d'Arwen alors que… alors que je t'aime depuis toujours.

Legolas soupira. Il avait enfin réussi à formuler les mots qu'il gardait enfouis au fond de lui depuis des années. Il sursauta en entendant la voix d'Aragorn tout près de son oreille.

- Toutes ces années perdues…

L'Elfe ouvrit les yeux et s'assit. Son ami était à genoux près de lui et le regardait intensément.

- Je ne comprends pas… Que veux-tu dire, Estel ?

- Ce jour-là… Tu n'as pas compris ce que j'essayais de te dire…

Le cœur de l'Elfe se mit à battre plus fort dans sa poitrine.

- Tu m'as dit que tu aimais Arwen.

- Je t'ai dit que j'étais amoureux et qu'Elrond ne l'appréciait pas… Mais, je n'étais pas amoureux d'Arwen… Pas encore…

- Mais de qui, alors ? Interrogea l'Elfe tout en souhaitant connaître déjà la réponse.

- De toi… répondit Aragorn dans un souffle.

Legolas se leva d'un bond, ne supportant plus la soudaine proximité avec celui qu'il aimait.

- Je ne comprends pas… Pourquoi Elrond…

- Parce qu'il savait que si mes sentiments étaient partagés, je partirais. Il connaissait mon héritage et il ne voulait pas risquer de me laisser partir dans un endroit où il n'aurait pas pu me protéger.

L'Elfe sentit une bouffée de colère l'envahir :

- Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?

- Parce que j'avais peur. Peur de perdre ton amitié. Parce que je t'avais vu avec d'autres Elfes et que je ne me pensais pas à leur hauteur… J'ai cru que tu avais tout compris lorsque je ne t'ai pas vu revenir me voir… J'ai cru que je te dégoûtais et que tu m'évitais…

- Et Arwen ?

- Elle m'aimait et je pensais que tu ne serais jamais… à moi… alors je suis entré dans son jeu et, peu à peu, je suis tombé amoureux d'elle. Mais, il ne se passait pas un jour sans que je ne pense à toi et à ce qu'aurait été notre vie si j'avais osé tout te dire ce fameux jour.

Un silence pesant s'installa dans le jardin d'hiver. La nuit était tombée et seule la lumière de la pleine lune éclairait les deux amis. Legolas tournait le dos à Aragorn, essayant de remettre de l'ordre dans tout ce qu'il venait d'apprendre.

- Nous avons perdu tant d'années… Legolas… Je t'ai entendu lorsque j'ai failli mourir… Je sais maintenant que c'est la force de ton amour qui m'a sauvé.

Il s'approcha de l'Elfe qui ne bougea pas. Alors, il s'approcha encore un peu et entoura de ses bras la taille fine de son ami, l'attirant ainsi plus près. Il le serra contre lui, comme s'il avait peur de le perdre à nouveau et lui murmura à l'oreille :

- Mélan tye, Legolas…

L'Elfe se dégagea un peu de l'étreinte d'Aragorn et se tourna vers lui. Des larmes baignaient ses joues et l'Homme y passa doucement une main pour les essuyer.

- Estel… je ne rêve pas ?

- Non, mon aimé. Je suis là.

Legolas leva vers lui un regard brillant de larmes et sourit.

- Je n'aurais jamais cru que ce jour arriverait…

Aragorn se pencha doucement, capturant les lèvres de l'Elfe avec les siennes en un baiser tendre et langoureux. Lorsqu'ils se séparèrent, à bout de souffle, Legolas se blottit dans les bras de celui qu'il aimait en soupirant :

- J'ai imaginé tant de fois cette scène en rêve…

- T'ai-je déçu ? Demanda le Roi, inquiet.

- Au contraire. Je n'aurais jamais imaginé que cela puisse être aussi parfait.

Aragorn sourit dans le noir, le visage enfoui dans la chevelure blonde de l'Elfe. Puis, il repoussa doucement celui qu'il aimait pour pouvoir le regarder dans les yeux. En voyant l'air grave de l'Homme, Legolas eut peur :

- Estel… Que se passe t'il ?

- J'aimerais te demander une faveur. Je sais que ça va te paraître fou, mais cela fait déjà plusieurs mois que j'y songe…

- Je t'écoute.

- J'aimerais bien partir quelques temps du château. L'aventure me manque et j'ai envie d'en profiter avant d'être trop vieux pour le faire.

Le regard de l'Elfe s'assombrit et Aragorn s'inquiéta :

- Legolas, mon idée te déplait ?

- Non.

L'Elfe se dégagea de l'étreinte de l'Homme et fit quelques pas en arrière.

- Je viens juste de réaliser… Tu es mortel… Et… je ne pourrais pas vivre sans toi… Je ne veux pas te perdre…

- Tu ne me perdras pas… Du moins, pas avant de nombreuses années… Legolas, je t'en prie… Tu ne vas pas gâcher notre bonheur présent pour un futur incertain ?

- Non, bien sûr que non, répondit l'Elfe en se rapprochant à nouveau de son aimé. J'ai seulement peur de ce qui arrivera après… Mais, tu as raison… Profitons de l'instant présent.

Il déposa un léger baiser sur les lèvres d'Aragorn et le prit par la main.

- Où m'emmènes-tu ?

- Te coucher.

- Je ne suis pas fatigué ! Protesta le Roi du Gondor.

- Moi non plus, répondit l'Elfe avec un sourire énigmatique.