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La plus parfaite des équations

Charlie était assis à table, mais il n’écoutait plus la conversation. Un sourire rêveur sur le visage, il ne pouvait s’empêcher de regarder Don qui discutait avec Amita. Il retint difficilement un soupir. Comment aurait-il pu dire à son père pourquoi il n’avait toujours pas invité la jeune femme à sortir ? Comment lui expliquer que son cœur appartenait déjà à quelqu’un, à la seule personne avec qui une relation amoureuse était totalement inimaginable ? Comment lui dire que son cœur ne battait que pour cette personne, à qui il savait ne pouvoir survivre si le pire arrivait ? Cette fois-ci, il ne put retenir son soupir. Terry lui adressa un regard interrogatif. Il souffla :

— Je suis fatigué. Je vais vous laisser.

Son père voulut le retenir, mais il l’ignora. Les pensées dérangeantes qui se bousculaient dans son esprit le perturbaient trop. S’il continuait, il risquait de laisser échapper un mot qui lui serait fatal. Il monta dans sa chambre et se laissa tomber sur le lit, le visage dans l’oreiller. Quelques minutes plus tard, on frappait à sa porte. Il ne répondit pas mais entendit la personne entrer. Le poids du nouveau venu fit bouger le matelas et une main se posa sur son épaule. Il se crispa lorsqu’une voix trop familière parvint à ses oreilles :

— Ca va ? Tu n’as presque rien mangé.

— Je vais bien, répondit Charlie dans un grognement.

La main de Don caressa doucement son dos, le faisant se crisper encore plus.

— Ne dis pas ça. Je vois bien que tu as un problème.

Charlie s’énerva.

— Je vais bien ! Fous-moi la paix !

Don se releva en soupirant.

— Ok ! J’ai compris ! Si tu décides d’arrêter de faire ta mauvaise tête, fais-moi signe !

Une fois son frère parti, Charlie se retourna, s’allongeant sur le dos, les bras en croix. Il sentait sur sa peau comme une brûlure là où Don avait posé sa main. Et une légère excitation avait envahi son bas-ventre. Il se morigéna, s’obligeant à penser à une formule compliquée pour se calmer. Il savait qu’il ne devait pas éprouver de tels sentiments. Le regard navré de sa mère lorsqu’il lui en avait parlé, quelques semaines avant sa mort, lui revint en mémoire et il sentit les larmes envahir ses yeux. Il ne voulait pas risquer de perdre l’estime de Don et de leur père. Il se demanda un instant si Amita ne serait pas la solution à son problème, mais deux raisons essentielles l’empêchaient de se servir d’elle pour oublier son amour impossible : elle était son étudiante et il ne l’aimait que comme une sœur, ce qui était plutôt ironique compte tenu du fait qu’il était fou amoureux de son vrai frère !

***

Don resta un instant derrière la porte qu’il venait de refermer. Il tenta de calmer le tremblement de ses mains en les enfouissant dans les poches de son pantalon. Il s’adossa au mur juste à côté du battant, ne pouvant pas descendre tant qu’il n’aurait pas repris ses esprits. Cette fois encore, il avait du enfouir ses émotions au plus profond de lui pour ne pas se laisser submerger. En tant qu’aîné, il avait le devoir de veiller sur Charlie, il devait tout faire pour que leur relation ne suive pas les chemins tortueux que son cœur tentait de lui imposer. Il sursauta lorsque la voix de son père retentit dans le couloir :

— Nos invités s’en vont. Comment va Charlie ?

— Il est fatigué. Faut le laisser se reposer, répondit Don en descendant.

Il salua Terry, Amita et David, s’excusa pour son frère, puis aida son père à ranger et à faire la vaisselle. Lorsqu’ils eurent terminé, l’agent du FBI sortit sur la terrasse, une bouteille de bière à la main.

— Est-ce que ton frère ou toi allez un jour me dire ce qui se passe ?

— Il ne se passe rien, mentit Don. Cette enquête nous a juste épuisés moralement. Tout va bien, Papa.

Alan Eppes n’avait pas l’air convaincu, mais n’insista pas, ce qui soulagea grandement son aîné. Une fois seul, Don soupira longuement. Cette situation devenait de plus en plus dure à gérer, d’autant plus depuis que Charlie était devenu consultant pour le bureau du FBI. Avant, ils ne se voyaient que le soir à la maison, et encore rarement du fait de leurs emplois du temps respectifs très chargés. A présent, ils passaient presque toutes leurs journées ensemble, d’où la froideur dont Don faisait parfois montre envers son frère. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé afin d’éviter à ses sentiments de lui exploser en pleine figure.

***

Deux jours plus tard, Charlie était en train de préparer ses prochains cours dans le salon lorsque son père vint l’interrompre.

— Viens voir !

Il posa son stylo et rejoignit Alan dans la cuisine où la télé était allumée. Elle montrait Don en train de répondre à des journalistes au sujet de la disparition et du retour d’un petit garçon fugueur.

— Il t’en a parlé ? demanda son père.

— Non ! répondit Charlie un peu sèchement.

— Peut-être qu’il n’a pas eu besoin de toi sur cette affaire ?

Le jeune homme ne répondit pas. Il se sentait blessé que son frère n’ait pas fait appel à lui pour l’aider. Il retourna dans le salon pour reprendre son travail, mais le cœur n’y était plus. Une vingtaine de minutes plus tard, la porte d’entrée s’ouvrit sur un Don à l’air fatigué. Il jeta un rapide coup d’œil à son cadet et disparut dans la cuisine. Assis sur le sofa, Charlie serra les poings. Il ne fallait pas qu’il s’énerve, mais l’attitude de son aîné lui mettait les nerfs à vif. Il entendit leur père lancer :

— Je vais faire les courses. A tout à l’heure !

Don revint quelques secondes plus tard dans le salon, une bouteille d’eau minérale à la main.

— Ca va ? demanda t’il en s’asseyant à côté de Charlie.

— Non ! Pourquoi tu ne m’as pas parlé de cette affaire ?

— Tu veux parler du gamin ? Je n’en voyais pas l’utilité.

Enervé, le mathématicien se leva et se mit à faire les cent pas dans la pièce.

— Ne me dis pas que tu m’en veux parce que j’ai réussi à résoudre une affaire sans ton aide ! s’exclama Don.

— Non ! C’est seulement que… je croyais que je faisais un peu partie de ton équipe…

— Tu as un boulot, Charlie ! Je n’ai pas le droit de t’accaparer en permanence. Tu devrais plutôt m’être reconnaissant de te laisser du temps pour tout le reste !

— J’ai plutôt l’impression que tu veux m’éloigner de toi ! C’est comme si ça t’ennuyait que je bosse avec toi.

— Non, ça ne m’ennuie pas… mais il faut que tu comprennes que je n’ai pas besoin de toi à chaque enquête que j’ai à mener.

— Dis plutôt que je te dérange ! grogna Charlie.

Don se leva à son tour et se planta devant son cadet.

— Arrête ! Tu deviens ridicule ! On dirait un gamin de six ans ! Grandis un peu !

Charlie lui jeta un regard noir. Il savait que son comportement était irrationnel, mais il n’arrivait pas à se calmer. Toute la frustration qu’il enfouissait d’habitude si profond en lui remontait soudainement. Il tremblait de colère alors qu’il se rapprochait de Don.

— Je ne suis plus un enfant !

— On ne dirait pas…

— Fous-moi la paix à la fin ! Si je te dérange tant que ça, t’as qu’à te trouver un autre consultant !

Il ramassa nerveusement ses papiers et se dirigea vers l’escalier. Au dernier moment, il se retourna vers Don et lança :

— Et aussi un autre frère !

Et il monta s’enfermer dans sa chambre.

***

Don n’avait rien compris à la scène qui venait de se dérouler. Il était rentré à la maison plutôt satisfait d’avoir résolu rapidement cette affaire et, sans qu’il saisisse comment, il s’était retrouvé face à un Charlie quasiment hystérique qui semblait tout à coup ne plus jamais vouloir entendre parler de lui. Il se rassit sur le sofa, se remémorant tout ce qui venait d’arriver, essayant de comprendre pourquoi son cadet avait réagit aussi violemment. Au bout d’un moment, il soupira. Il n’avait pas fait exprès d’écarter Charlie de cette enquête, mais, finalement, il venait peut-être de trouver un bon prétexte pour éloigner sensiblement son frère de lui. Il alla jeter sa bouteille d’eau vide, puis quitta la maison pour rentrer dans son appartement. Son père avait raison, cet endroit ne lui plaisait pas. Pourtant, il s’était obligé à le louer afin de pouvoir quitter la maison familiale. Alors qu’il ôtait ses vêtements, les souvenirs de ce qui avait motivé son départ lui revinrent en mémoire.

Flashback

Don rentrait d’une journée plutôt pénible au bureau et n’avait qu’une envie, prendre une bonne douche bien chaude. Plongé dans ses pensées, il pénétra dans la salle de bains et sursauta en réalisant que la place était déjà occupée par Charlie. Celui-ci fredonnait dans la cabine et ne l’avait apparemment pas entendu entrer. Don voulut ressortir immédiatement, mais ses yeux se posèrent sur la silhouette à peine dissimulée par le verre opacifié de la paroi. Il ne put s’empêcher de détailler les courbes harmonieuses du corps de son frère, ce qui déclencha une réaction trop familière dans son bas-ventre. Rouge de honte, il ressortit vivement de la pièce et referma la porte sans bruit.

Il se précipita dans sa chambre où il s’enferma, n’arrivant pas à croire à ce qui venait d’arriver et, surtout, n’arrivant pas à calmer son excitation douloureusement enfermée dans son jean. Il se mordit les lèvres, essayant de se concentrer sur l’enquête en cours, mais l’image de Charlie sous la douche revenait sans cesse dans son esprit. Il savait qu’il n’avait qu’une solution pour résoudre son problème mais résistait de toute la force de sa volonté pour ne pas y céder. Finalement, il rendit les armes. Il déboutonna sa braguette et glissa sa main à l’intérieur de son boxer pour se caresser rapidement, l’esprit toujours fixé sur l’image troublante du corps nu de Charlie. Il serra les dents et les lèvres, étouffant au mieux ses gémissements. Lorsque ce fut fini, il s’essuya avec un mouchoir en papier et se rhabilla, envahi par la honte.

Fin Flashback

Après cet épisode, Don avait compris qu’il ne pouvait plus vivre sous le même toit que son frère sans risquer de se trahir. Il se trouva rapidement un appartement à l’autre bout de la ville et le prit, même si celui-ci ne lui plaisait guère. Tout ce qui comptait, c’était s’éloigner de Charlie.

Il enfila un short et un t-shirt. Il avait besoin d’évacuer cette journée et rien de tel qu’un peu de jogging pour se vider l’esprit.

***

Charlie était agacé. Il n’arrivait pas à se concentrer sur les copies qu’il corrigeait, tourmenté par sa dispute avec Don. Il ne savait pas pourquoi il avait réagi aussi violemment… ou plutôt, il le savait trop bien… Il savait également qu’il ne devait pas laisser ses sentiments contre-nature prendre le contrôle de ses humeurs. Mais, il avait si peur que Don ne se lasse un jour de lui qu’il ne pouvait s’empêcher de souffrir lorsque celui-ci s’éloignait. L’arrivée d’Amita lui fit lever la tête, le distrayant un instant de ses pensées moroses.

— Bonjour !

— Salut Amita !

— Ca n’a pas l’air d’être la grande forme… remarqua la jeune femme.

— Ce n’est rien, répondit-il avec un geste vague de la main. Je me suis disputé avec Don.

— A quel sujet ?

Charlie soupira. Il aimait bien son étudiante, mais parfois, il la trouvait un peu trop curieuse, notamment en ce qui concernait sa vie privée. Il marmonna :

— Un truc entre frères, rien d’important.

Il n’avait aucune envie de parler de Don avec elle, surtout après ce qui s’était passé. La jeune femme n’insista pas. Elle sourit.

— J’aurais besoin que tu vérifies mes dernières équations, dit-elle en sortant un classeur de son sac.

— Donne !

Même s’il n’avait pas trop la tête à ça, il se dit que de se plonger dans le boulot pourrait peut-être lui éviter de trop penser à Don. Amita s’assit à côté de lui et ils se mirent au travail. Aucun des deux ne comprit ce qui se passait lorsque tout se mit soudain à trembler autour d’eux et que le plafond de la salle s’effondra.

***

Don terminait de taper son rapport sur l’enquête de la veille lorsque Terry déboula dans le bureau, l’air affolé :

— Il y a eu une explosion à l’université ! Dans le bâtiment de sciences !

Son collègue se leva d’un bond, une sourde angoisse lui étreignant le cœur.

— Charlie… murmura t’il en suivant la jeune femme jusqu’au parking.

Une dizaine de minutes plus tard, ils se garaient devant le bâtiment en flammes. Une partie des murs s’était effondrée et les secouristes fouillaient fébrilement les décombres à la recherche de survivants. Don fonça vers le cordon de sécurité, sa plaque à la main.

— Mon frère, Charlie Eppes, enseigne ici.

Un policier en uniforme lui désigna un groupe d’ambulances.

— Les blessés qui ont déjà été retrouvés sont là-bas…

Il se précipita mais eu le temps d’entendre la suite :

— Il y a déjà sept morts…

Fou d’angoisse, il fit le tour des véhicules de secours, interrogea les médecins et les brancardiers, mais personne n’avait vu Charlie. Terry le rejoignit rapidement et lui posa une main sur le bras pour attirer son attention :

— J’ai parlé avec le chef des pompiers. L’incendie est circonscrit et sera bientôt éteint.

— Charlie n’est pas ici… souffla Don, le cœur serré par l’inquiétude.

Sa collègue fit une grimace qui ne put lui échapper.

— Quoi ?

— Le département de Mathématiques est l’un des endroits où il y a eu le plus de dégâts. Cette partie de l’immeuble s’est totalement effondrée…

Don ne voulait pas croire au pire tant qu’il n’en aurait pas la preuve sous les yeux. Il se dirigea vers l’endroit où les chiens sauveteurs fouillaient les décombres. Il sursauta en reconnaissant le visage d’une jeune femme étendue sur un brancard.

— Amita !

Alors qu’il s’approchait, l’ambulancier recouvrit l’étudiante d’un drap blanc. En voyant Don, il demanda :

— Vous la connaissiez ?

— Oui. Elle travaillait avec mon frère… Elle s’appelait Amita Ramajuan.

— Votre frère était dans le bâtiment ?

— Je ne sais pas… je pense…

L’homme eut un sourire triste.

— Je suis de tout cœur avec vous.

Puis il partit en emmenant le corps sans vie de la jeune femme. Don resta là, les bras ballants. Soudain, la voix de Terry le ramena à la réalité :

— Charlie !

Il fit volte-face pour voir son frère emmené rapidement vers les ambulances. Priant pour que ça soit bon signe, il se dirigea vers le convoi et y arriva au moment où un brancardier fermait la porte arrière du véhicule.

— Je suis son frère.

— Montez ! Il faut faire vite ! lança l’homme en rouvrant la portière.

Don grimpa à l’intérieur et se laissa tomber sur le banc à côté du médecin, sous le choc. Charlie était inconscient. Du sang provenant d’une coupure à la tempe avait coulé sur son visage, son bras droit était contusionné et violacé mais le plus impressionnant était la blessure béante sur son torse. Don eut un haut-le-cœur. L’un des deux médecins, tout en s’occupant de Charlie, demanda :

— Qui êtes-vous ?

— Don Eppes. C’est mon frère, Charlie. Comment… il va s’en sortir ?

— Je ne peux rien vous dire tant qu’on ne sera pas arrivés à l’hôpital. Il a en tous cas eu plus de chance que la jeune femme qui était avec lui…

— Je sais… souffla l’agent du FBI.

L’autre médecin lança :

— Vous avez dit vous appeler " Don " ?

— Oui. Pourquoi ?

— Il vous a réclamé.

— Quoi ? Quand ?

— Lorsque je suis arrivé, votre frère était coincé sous les décombres mais était conscient et il répétait sans arrêt, " Je suis désolé, Don ". On l’a dégagé et il a perdu connaissance presque aussitôt.

L’agent du FBI se sentait encore plus mal après cette révélation. Il prit la main gauche de Charlie dans les siennes et la serra très fort en soufflant :

— Tiens bon ! Tu vas t’en sortir ! Tu n’as pas le droit de mourir, Charlie, je te l’interdis !

La peur lui nouait les entrailles. Il avait réussi, difficilement et en se jetant à corps perdu dans le travail, à se remettre de la mort de leur mère, mais il savait qu’il ne pourrait pas supporter de perdre sa seule raison de vivre.

***

Lorsque Terry arriva à l’hôpital, elle trouva Don en train de faire les cent pas dans la salle d’attente des urgences.

— Comment va t’il ?

— Ils l’ont emmené dans une salle mais ils ne m’ont rien dit pour l’instant.

— Tu devrais t’asseoir, souffla la jeune femme en lui prenant le bras pour l’attirer vers une chaise en plastique.

Don se laissa faire sans un mot. Terry était inquiète pour lui autant que pour Charlie. Elle n’avait jamais vu son ami dans un tel état. Lors de leurs enquêtes, quoi qu’il arrive, Don gardait toujours son sang-froid et semblait ne jamais connaître la peur. Là, alors que la vie de son frère était peut-être en danger, il était si abattu que la jeune femme sut que le pire ne devait pas arriver sous peine de le voir devenir fou de désespoir.

***

Don essayait de garder espoir, mais la terreur de perdre Charlie l’empêchait de rester cohérent. Pourtant, il réalisa soudain qu’il avait oublié de prévenir leur père :

— Mon père…

— David est parti chez vous le chercher pour le conduire ici, le rassura Terry.

— Merci.

Un médecin entra et Don se leva d’un bond. L’homme ne souriait pas. L’agent du FBI sentit un mauvais pressentiment l’envahir.

— Je suis le Docteur Wells.

— Comment va Charlie ? interrogea Don, essayant de ne pas laisser sa voix trahir sa peur.

— Nous avons soigné ses blessures mais il a perdu beaucoup de sang. Son bras droit est fracturé en deux endroits. Il a eu un traumatisme crânien important… votre frère est dans le coma, je suis désolé…

Don se laissa retomber sur sa chaise, anéanti. Terry demanda :

— Il va se réveiller bientôt, n’est-ce pas ?

— Nous ne le savons pas, admit le médecin. Cela peut prendre quelques heures comme plusieurs semaines… ou il peut ne jamais se réveiller…

Alan Eppes entra dans la salle à ce moment-là. Don se précipita vers lui, le prenant dans ses bras.

— Ce n’est pas possible… soufflait son père. Pas mon Charlie… pas mon bébé…

Son aîné ne dit rien, incapable de le réconforter alors que lui-même avait l’impression que son univers s’écroulait. Au bout d’un moment, il repoussa doucement son père et se tourna à nouveau vers le médecin.

— On peut le voir ?

— Il va être monté dans une chambre d’ici quelques minutes. On viendra vous chercher.

Et il sortit. Don conduisit son père jusqu’à une chaise et le fit asseoir.

— Que s’est-il passé ? demanda Alan en levant les yeux vers son fils aîné.

— Tout ce que je sais, c’est qu’il y a eu une explosion, répondit Don.

— On va aller aux renseignements, proposa Terry.

— Oui, merci.

David et elle sortirent, laissant les Eppes en famille.

— Amita a été tuée, souffla Don.

— Oh mon Dieu ! gémit Alan. Pauvre petite…

Son fils ne dit rien. Il n’arrivait pas à s’apitoyer sur le sort de la jeune femme alors que son frère, l’être qu’il chérissait le plus sur terre, était entre la vie et la mort.

Quelques minutes plus tard, une infirmière vint les chercher. Elle les conduisit au premier étage jusqu’à une chambre individuelle où Charlie avait été installé, puis les laissa après leur avoir suggéré de parler le plus possible au jeune homme inconscient.

— Nous ne savons pas s’il perçoit quelque chose, mais ça ne fait jamais de mal d’entendre les voix des gens qu’on aime, ajouta t’elle en souriant légèrement.

Don la remercia d’un signe de tête et suivit son père à l’intérieur. Charlie semblait paisible, comme s’il était simplement endormi. Un pansement couvrait sa coupure au front, son avant-bras droit était pris dans un plâtre et un bandage enserrait fermement son torse dévoilé par le drap replié. Alan s’installa sur une chaise près du lit. Don resta debout, les yeux fixés sur le visage de son frère. Les mots se bousculaient en lui, mais il ne pouvait rien dire tant que son père était là. Celui-ci prit la main de Charlie dans les siennes et lui dit en souriant :

— Salut fiston ! Tu nous as fait une sacré peur à ton frère et à moi, tu sais ? Maintenant, il faut que tu te battes pour revenir parmi nous. Je sais que ça doit être dur, mais nous t’aimons et nous ne voulons pas que tu nous abandonnes. Nous avons besoin de toi, Charlie.

Don sentit ses yeux le piquer. Il se passa une main sur le visage en soupirant.

— J’ai besoin de prendre l’air un moment.

Avant que son père ait le temps de dire quoi que ce soit, il sortit de la chambre.

Le soir commençait à tomber. L’air était frais et Don frissonna. Avec toute cette agitation, il avait oublié sa veste au bureau et se retrouvait en chemisette sous la brise légère du crépuscule. Il s’assit sur un banc, et ne sachant quoi faire de ses mains, il croisa les bras, regrettant un court instant de ne plus fumer. Il ferma les yeux en soupirant. Il voulait faire le vide dans son esprit, mais l’image de Charlie ensanglanté, tel qu’il était dans l’ambulance, vint s’imposer à lui. Le cœur serré, il tenta de lutter contre les larmes, serrant les paupières pour qu’elles ne s’échappent pas. Il sursauta lorsqu’une voix douce souffla à côté de lui :

— Vous l’aimez, n’est-ce pas ?

Il rouvrit les yeux et eut la surprise de voir l’infirmière qui l’avait conduit à la chambre de Charlie assise à côté de lui. Il soupira :

— Bien sûr ! C’est mon frère…

La jeune femme lui adressa un sourire énigmatique.

— Bien sûr… sourit-elle.

Don se sentit subitement mal. La jeune femme semblait en savoir plus sur ses sentiments que ce qu’il ne voulait montrer. Il détourna le regard.

— Je sais ce que vous endurez. J’ai failli perdre ma grande sœur il y a quelques années…

— Ce n’est pas pareil… répondit l’agent du FBI avant de se mordre la lèvre, en ayant trop dit.

— Non, c’est vrai… Je n’ai jamais été amoureuse de Lucy.

Don sursauta et se tourna vers elle :

— Je ne suis pas…

Il s’interrompit. Il ne pouvait pas nier ce qu’il ressentait, même devant une inconnue.

— Il le sait ? demanda doucement celle-ci.

— Non. Et il ne le saura jamais. Je n’ai pas le droit de gâcher sa vie avec mes sentiments ignobles.

— Ils ne sont pas ignobles, répondit l’infirmière. Bien sûr, pour la plupart des gens, ce que vous éprouvez est répréhensible, mais l’amour ne peut pas être ignoble, même entre deux frères.

Don haussa les épaules.

— De toutes façons, pourquoi en parler ? Charlie ne doit jamais savoir ce que j’éprouve. Il faut qu’il se trouve une femme, qu’il ait des enfants…

— Et vous ?

Il soupira.

— Moi aussi, normalement… Enfin pour l’instant, tout ce qui compte, c’est que Charlie sorte du coma…

La jeune femme se leva, puis sourit.

— Vous devriez retourner le voir. Il a besoin de vous.

Et elle partit, laissant à Don une impression étrange.

***

Il n’avait plus mal… il avait l’impression de flotter dans du coton. Il entendait des voix, très loin, qui lui parlaient, mais ne voulait pas les écouter. Une lumière blanche apparut devant lui. Il se sentit attiré par elle. Une silhouette se matérialisa et un souffle de bonheur le transporta :

— Maman !

La femme sourit, tendant la main à son fils. Il tendit le bras à son tour, mais ne parvint pas à toucher la main offerte.

— Maman ! Ne me laisse pas !

— Ton heure n’est pas venue, mon amour…

— Maman !

— Ton père a besoin de toi… Don a besoin de toi… tu dois les rejoindre…

— Non ! Je veux rester avec toi !

— Au revoir, mon chéri… on se reverra un jour… je te le promets…

La silhouette disparut, laissant Charlie dans une grande détresse. Puis, les mots qu’il entendait devinrent plus distincts et il se laissa porter par eux.

***

Alan était épuisé et Don l’avait obligé à rentrer chez lui après avoir promis de le prévenir de tout changement dans l’état de Charlie. Il prit sa place sur la chaise et serra la main de son frère dans la sienne, l’autre étant posée sur le front du jeune homme, caressant tendrement ses cheveux.

— Il faut que tu reviennes Charlie. Tu ne peux pas nous laisser… me laisser… j’ai besoin de toi… Je ne sais pas si tu m’entends… en fait, j’espère que non car j’ai une chose à te dire… et j’aimerais autant que tu ne t’en souviennes pas lorsque tu te réveilleras… Charlie, je… je t’aime… mais pas seulement comme un frère… Je… mon Dieu que c’est difficile ! Je… suis amoureux de toi, Charlie… Je me suis promis de ne jamais te le dire, mais il y a peu de chances que tu te rappelles de quoi que ce soit quand tu ouvriras les yeux alors… je ne pourrai pas vivre sans toi… bats-toi ! Je t’en supplie… Je t’aime tellement… Il y a une chose que je dois absolument te dire… Maman savait tout… je lui ai parlé de mes sentiments et elle m’a parlé des tiens… oui, je sais que tu m’aimes comme je t’aime… elle m’avait tout dit… elle ne m’en voulais pas et à toi non plus… elle ne voulait que notre bonheur, mais je savais qu’on ne pourrait jamais vivre heureux ensemble alors je lui ai promis de ne jamais rien te dire… Elle ne voulait pas entendre cette promesse, mais je l’ai faite quand même… et lorsqu’elle est partie, je me suis juré de tout faire pour t’éloigner de moi, pour que tu rencontres quelqu’un d’autre et que tu sois heureux sans moi… Je pensais qu’Amita serait celle qui te ferait oublier tes sentiments pour moi, mais j’ai vite vu que tu ne l’aimais pas autrement que comme une amie…

Don laissa enfin ses larmes inonder ses joues. Il se pencha en avant, déposant un léger baiser sur la joue de Charlie, puis enfouit son visage dans le cou de son cadet, l’inondant de ses pleurs en murmurant :

— Je t’aime… je t’aime… ne m’abandonnes pas…

***

La voix lui disait des mots d’amour qui le bouleversaient. Il savait qu’il devait se réveiller pour rassurer le propriétaire de cette voix, mais n’y parvenait pas. Il se concentra et sentit soudain une douleur sourde traverser son torse, son bras et sa tête. Il manqua de perdre pied, mais lutta contre le mal, remontant à contre-courant les flots tumultueux de l’inconscience.

***

Don s’était endormi, le visage toujours dans le cou de Charlie. Soudain, il fut réveillé en sursaut par une main qui se posa sur sa tête. Il se redressa d’un bond, croisant le regard sombre de son cadet.

— Charlie !

— Soif… murmura le jeune homme.

Don s’empressa de lui servir un verre d’eau et l’aida à boire lentement. Il était si heureux de voir son frère éveillé qu’il fut surpris en l’entendant demander :

— Amita ?

L’agent du FBI soupira. Il ne pouvait pas lui mentir.

— Elle est morte…

Charlie ferma les yeux, un air de désespoir sur le visage. Quand il les rouvrit, des larmes se mirent à inonder ses joues. Don ne savait que faire. Il se sentait bouleversé par la détresse de son petit frère, mais ne pouvait que se réjouir de le voir conscient. Il réalisa soudain qu’il devait prévenir les médecins et tendit la main vers la sonnette. Alors qu’il l’attrapait, il suspendit son geste lorsque la voix de Charlie lui parvint faiblement :

— J’ai vu Maman…

Don laissa son bras retomber le long de son corps.

— Elle ne voulait pas que je la rejoigne. Elle m’a renvoyé ici. Et j’ai entendu ta voix…

Le jeune homme s’arrêta et détourna le regard. Don lui prit doucement le menton, l’obligeant à lui faire face.

— Tu m’as entendu ?

— Je… j’ai sûrement rêvé… souffla Charlie.

Don ne put l’interroger plus car le Docteur Wells entra dans la chambre avec le sourire et deux infirmières.

— Heureux de vous voir réveillé, Monsieur Eppes.

Le médecin se présenta, puis demanda à Don de sortir pendant qu’il examinait Charlie. L’agent du FBI ne put qu’obéir et se retrouva dans le couloir, un peu perdu. Il réalisa soudain qu’il avait du monde à prévenir et sortit du bâtiment pour utiliser son portable.

***

Charlie était enfin seul. Le Docteur Wells et les infirimières lui avait fait un tas d’examens pour voir s’il allait bien. Ensuite, le médecin lui avait dit qu’il le garderait en observation deux ou trois jours pour être sûr qu’il n’aurait pas de séquelles avant de le laisser enfin. Don n’étant pas revenu immédiatement, le jeune homme supposa que son frère était allé prévenir leur père et leurs amis. Ses pensées revinrent vers Amita. Son cœur se serra à l’idée qu’il ne verrait plus jamais son sourire et son regard pétillant. Puis, son esprit se mit à vagabonder et se focalisa sur les mots qui l’avaient ramenés vers la conscience. A son réveil, il était persuadé qu’il avait réellement entendu les mots d’amour prononcés par Don, mais alors que les secondes s’égrainaient lentement, il comprenait qu’il n’avait fait que percevoir ce que son cœur souhaitait si fort. Un soupir de détresse s’échappa de ses lèvres au moment même où la porte de la chambre se rouvrait sur son aîné. Il se força à sourire.

— Comment te sens-tu ? demanda Don en se rasseyant près de lui.

— Un peu groggy. Le médecin m’a donné des médicaments contre la douleur. Tu as prévenu Papa ?

— Oui. Il sera là dans une demi-heure.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? A l’université…

— Une explosion. Terry et David sont partis chercher des infos.

Charlie baissa les yeux sur ses mains jointes.

— Je suis désolé, Don… Je n’aurais jamais du réagir comme ça… Je ne sais pas ce qui m’a pris…

— N’en parlons plus, sourit son aîné. Je suis heureux que tu sois réveillé. C’est tout ce qui compte !

— Je… Tu as raison, soupira le mathématicien. Mais je suis quand même désolé de ce que j’ai dit. C’était méchant et je ne le pensais pas. Je…

Il sentait la fatigue l’envahir, mais il ne voulait pas s’endormir, pas tant qu’il n’aurait pas soulagé son cœur. Il ouvrit la bouche et la referma sans parler. Ses yeux se fermaient tout seul et il comprit qu’il ne pourrait pas lutter contre les effets des médicaments. Il se laissa alors emporter par le sommeil. La dernière chose qu’il sentit fut la main de Don caressant tendrement sa joue.

***

Lorsque son père arriva à l’hôpital, Don le laissa veiller seul sur Charlie pour aller aux nouvelles. Terry répondit dès la première sonnerie.

— D’après le chef des pompiers, l’explosion est d’origine criminelle. Leur enquêteur a trouvé les restes d’une petite bombe artisanale dans les sous-sols du bâtiment, juste en dessous du département de mathématiques.

— Quelqu’un a revendiqué ?

— Non. Et ils n’ont encore aucune piste sérieuse. Comment va Charlie ?

— Il dort. Le médecin l’a mis sous sédatif pour qu’il ne souffre pas trop. Mon père est avec lui.

— Et toi, comment tu vas ?

— Mieux… beaucoup mieux, sourit Don. Tu es au bureau ?

— Non, encore à l’université. J’allais partir.

— Ok. Il est tard. Rentre chez toi, on verra tout ça demain matin. Je vais passer la nuit ici, je pense.

— D’accord. Embrasse Charlie pour moi. Bonne nuit, Don.

— A demain.

Il raccrocha et retourna dans la chambre. Son père et son frère étaient en grande discussion. Lorsqu’il entra, ils se tournèrent vers lui simultanément.

— Quoi ? demanda t’il, surpris.

— Papa ne veut pas rentrer à la maison, soupira Charlie. Je lui ai dit qu’il n’avait pas besoin de rester là, mais il refuse de me laisser seul.

— Il ne sera pas seul, sourit Don. Je vais rester ici.

— Mais…

— Papa, tu dois te reposer…

— Toi aussi, Don ! Moi, j’ai tout mon temps pour dormir lorsque Charlie sera sorti de l’hôpital. Toi, tu as un boulot important !

L’agent du FBI savait que son père avait raison mais n’avait aucune envie de partir.

— Je peux très bien dormir sur une chaise, ça ne me dérange pas, ça ne sera pas la première fois. Rentre, Papa. Je vais veiller sur notre blessé.

— Empêche-le de trop en faire, surtout !

Charlie lança alors, l’air faussement vexé :

— Je vous signale que je suis là !

Les deux hommes se tournèrent vers lui en riant. Alan soupira :

— Ok ! Puisque vous êtes deux contre moi, je rentre !

Il se leva, embrassa son plus jeune fils, puis prit le bras de l’aîné pour l’attirer hors de la chambre.

— Surtout, appelle-moi s’il y a quoi que ce soit. Je sais que le médecin a dit qu’il était tiré d’affaire, mais…

— Ne t’en fais pas, je te préviens au moindre problème. Tu veux que je t’appelle un taxi ?

— Non, c’est bon, j’en trouverai bien un devant l’hôpital. Bonne nuit, Don.

— Bonne nuit, Papa.

Lorsque son père fut parti, Don retourna dans la chambre. Charlie était plongé dans la contemplation de son plâtre, semblant perdu dans ses pensées. Il ne bougea pas quand son frère s’installa à nouveau sur la chaise près de son lit. Don le regarda en silence, ne sachant quoi dire.

— Elle me manque tant…

Surpris, l’agent du FBI souffla :

— Qui ?

En prononçant ce mot, un prénom lui vint à l’esprit :

— Amita ?

— Non… Maman…

Le mathématicien se tourna enfin vers son aîné, les yeux embués de larmes.

— Elle était si belle dans mon rêve… exactement comme dans mes souvenirs… comme elle était la dernière fois que je l’ai vue avant que…

Il s’interrompit puis reprit :

— Je m’en veux tellement de l’avoir déçue…

Encore une fois, Don ne comprenait pas de quoi son frère parlait et l’interrogea :

— Déçue ?

Le jeune homme ferma les yeux, s’enfonçant dans l’oreiller tandis que les pleurs commençaient à couler sur ses joues.

— Charlie… dis-moi ce qui te tourmente… souffla son frère, tout en espérant que ça ne soit pas ce à quoi il pensait.

— Je ne peux pas… murmura son cadet.

Don sentit son cœur se serrer. Il aurait tellement aimé soulager la conscience de celui qu’il aimait plus que sa propre vie ! Mais, il ne pouvait rien dire sans se trahir lui-même, sans faillir à la promesse qu’il avait faite à leur mère sur son lit de mort. Ce dilemme lui nouait les entrailles. Il laissa sa main aller essuyer les joues humides de Charlie qui rouvrit les yeux et darda sur lui un regard énigmatique un court instant, avant de se détourner.

— Tu devrais essayer de dormir, proposa Don pour tenter de rompre le silence gêné qui s’était installé dans la chambre.

— Oui. Toi aussi.

Charlie referma les yeux. Quelques secondes plus tard, il dormait profondément, sous l’effet conjugué des médicaments, de la fatigue et de ses blessures. Don resta un long moment à le regarder, puis s’installa de son mieux sur la chaise, prêt à passer la nuit à veiller sur son petit frère.

***

Le lendemain matin, Charlie s’éveilla avant l’aube. Il sourit en voyant son aîné endormi sur la chaise, puis tenta de se redresser, mais ses blessures le faisaient souffrir et il retomba sur le lit, essoufflé. Il laissa échapper un gémissement de douleur qui réveilla Don en sursaut.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda l’agent du FBI, l’air déboussolé.

— Rien, le rassura son frère. J’ai seulement essayé de bouger un peu…

— Tu ne devrais pas…

— J’en ai marre de rester dans ce lit… j’ai les jambes ankylosées.

— Tu dois te reposer. Tes blessures sont sérieuses. Tu étais dans le coma.

— Je sais, je sais… Euh… Don, tu peux sonner l’infirmière ?

— Un problème ?

— Envie d’aller aux toilettes… souffla Charlie, gêné.

Il se gifla mentalement d’être aussi puéril tandis que son frère appuyait sur le bouton. L’infirmière arriva presque aussitôt.

— Bonjour, Messieurs.

Charlie vit que Don semblait connaître la jeune femme vu le regard suspicieux qu’il lui lançait. Il se promit de l’interroger dès qu’ils seraient seuls, puis se tourna vers la nouvelle venue.

— J’ai besoin d’aller aux toilettes. Vous pouvez m’enlever cette perfusion ?

— Je dois d’abord en parler à un médecin. Je reviens.

Lorsqu’elle fut sortie, Charlie se tourna vers son frère :

— Tu la connais ?

— Quoi ? Euh… oui. On a un peu discuté hier.

Voyant que Don ne semblait pas enclin à en dire plus, il n’insista pas mais une petite pointe de jalousie lui étreignit le cœur. L’infirmière revint rapidement accompagnée du médecin. Celui-ci demanda à Don de sortir avant de commencer l’examen de son malade. Enfin, au bout d’un long moment, le docteur autorisa l’infirmière à retirer la perfusion, puis ils aidèrent le jeune homme à aller jusqu’à la salle de bains. Lorsqu’il revint dans la chambre, Don l’y attendait. Il l’aida à se réinstaller dans son lit, puis soupira :

— Je vais devoir y aller. Terry m’a laissé un message. L’enquêteur des pompiers a une piste pour la bombe.

— Ok, vas-y. Surtout, sois prudent.

— Ne t’en fais pas pour moi. Repose-toi.

Don lui sourit, puis quitta la pièce.

Quelques heures plus tard, Charlie s’occupait en résolvant de tête des équations compliquées lorsqu’il en fut tiré par de légers coups frappés à la porte. Il leva les yeux vers le nouveau venu et plongea dans deux iris azur familiers.

— Alexis ?

— Bonjour, Professeur Eppes, répondit le jeune homme.

— Que faites-vous ici ?

— J’ai appris ce qui vous étais arrivé hier et je voulais voir si vous alliez bien.

Charlie sourit.

— Entrez !

L’étudiant pénétra timidement dans la chambre. Son professeur le détailla, toujours amusé par le look très particulier du jeune homme : son crâne rasé dissimulé partiellement par un chapeau en feutre noir, il portait un long imperméable sombre, cintré, qui recouvrait un jean et une chemise noirs eux aussi. Un sac noir porté en bandoulière sur l’épaule droite venait compléter cette allure un peu spéciale. Sa silhouette longiligne et androgyne faisait que, de dos, certaines personnes le prenaient pour une femme. Il sourit légèrement à Charlie et vint prendre place sur la chaise laissée vacante par Don.

— C’est vraiment gentil d’être venu jusqu’ici.

L’air gêné, le jeune homme balbutia :

— Lorsque j’ai su ce qui s’était passé, je voulais venir immédiatement, mais je me suis dit qu’on ne me laisserait pas vous voir. Alors, j’ai attendu l’heure des visites ce matin. Je voulais vous amener des chocolats, mais je ne savais pas si les infirmières vous auraient autorisé à les manger.

— Ne vous en faites pas pour ça, sourit Charlie. Je suis content de voir que l’un de mes étudiants se soucie de ma santé.

— Vous êtes beaucoup aim… apprécié à la fac. Je suis sûr que d’autres auraient voulu venir mais qu’ils n’ont pas osé. Je suis heureux de voir que vous allez bien.

Charlie soupira.

— Oui, j’ai eu de la chance…

Alexis baissa les yeux.

— J’ai appris pour Amita Ramajuan. C’est triste…

Le mathématicien sentit son cœur se serrer, mais décida d’éluder le sujet.

— Je suppose que les cours sont suspendus.

— Oui. Ce qui reste du bâtiment de sciences va être rasé et ils vont le reconstruire. En attendant, ils vont monter des préfabriqués et les autres départements vont nous prêter des amphi. Les cours reprendront la semaine prochaine. Ils ont décrété lundi journée de deuil pour les douze victimes.

— Douze… murmura Charlie. Combien de blessés ?

— Une trentaine. Vous faisiez partie des plus graves. Il n’y avait plus grand monde dans le département de Mathématiques à l’heure où c’est arrivé. La plupart des blessés étaient à l’extérieur et ont reçu des éclats de verre lorsque les vitres ont été soufflées.

— Je me demande bien qui a pu faire ça…

— Ce n’était pas un accident ?

Réalisant qu’il avait dit à voix haute ce qu’il pensait, Charlie se mordit la lèvre.

— Euh…

Alexis fit un petit signe de la main.

— Je comprends si vous ne voulez rien me dire. Je suppose que c’est confidentiel. Votre frère est sur l’enquête ?

— Oui, sourit le mathématicien, soulagé que son étudiant n’insiste pas. Changeons de sujet : où en êtes-vous de la préparation de votre exposé ?

***

Lorsque Don entra dans la chambre, il fut surpris de trouver son frère en grande discussion avec un jeune homme qui lui fit une première impression désagréable. Charlie ne semblait pas s’être aperçu de sa présence, trop pris par sa discussion. Il toussota, faisant se tourner les deux hommes vers lui.

— Don ! Ca fait longtemps que tu es là ?

— Non. Tu nous présentes ?

— Voici Alexis Johnson, l’un de mes meilleurs étudiants de deuxième année. Alexis, mon frère : Don Eppes.

Le jeune homme se leva et alla serrer la main de l’agent du FBI.

— Ravi de vous rencontrer.

Don fit l’effort de répondre aimablement.

— Moi de même.

Alexis se retourna vers Charlie et souffla :

— Je vais vous laisser.

— D’accord. Merci d’être venu. A demain !

— Oui. A demain.

Au moment où il allait sortir, il croisa brièvement le regard de Don. Celui-ci remarqua dans les iris azur une lueur inconnue qui lui laissa une sensation de malaise. Il l’oublia bien vite lorsque Charlie lui demanda :

— Quoi de neuf ?

— On a une piste.

— Et ?

— Je préfère ne pas en parler pour le moment, rien n’est sûr.

— Tu sais que je pourrais t’aider, proposa le jeune homme.

— Tu dois te reposer, pas mener une enquête !

— Mais…

Il fut interrompu par l’arrivée de leur père.

— Salut les enfants ! Comment tu te sens, Charlie ?

— Bien.

— Pourquoi tu n’es pas venu plus tôt ? l’interrogea Don sur un ton sec.

Alan se tourna vers son aîné :

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu t’es levé du pied gauche ? Ah non, j’ai compris ! Tu as mal dormi sur cette chaise et maintenant, tu es grognon !

— Je ne suis pas grognon, répliqua l’agent du FBI en croisant les bras.

Charlie pouffa. Devant le regard noir de son frère, il se calma instantanément et lui adressa un grand sourire. Le cœur de Don fit un bond dans sa poitrine. Il détourna le regard en soupirant :

— Je dois y retourner. Je venais juste voir si ça allait.

— Ca va, répondit son cadet.

— Ok. Je repasserai ce soir !

Alors qu’il allait sortir, il s’arrêta sur le seuil puis fit volte-face :

— Repose-toi.

— Promis !

Don sourit, puis quitta la chambre. Alors qu’il avançait dans le couloir, il aperçut l’étrange étudiant qui discutait avec deux jeunes femmes qui semblaient être du même âge. Don s’arrêta un moment, cette sensation désagréable à nouveau en lui. Il ne comprenait pas pourquoi ce jeune homme lui était si antipathique alors qu’il ne le connaissait pas. Il n’était pas du genre à se fier juste à l’allure d’une personne pour la juger et pourtant, quelque chose chez Alexis le mettait très mal à l’aise. Renonçant à comprendre ce que ça pouvait être, il quitta l’hôpital pour rejoindre son bureau où Terry et David devaient sûrement l’attendre pour continuer leur enquête.

***

Le médecin avait autorisé Charlie a sortir de l’hôpital au bout de trois jours. Son père était aux petits soins pour lui, l’empêchant de se fatiguer et il était ravi de se laisser un peu chouchouter. Don n’avait pas passé beaucoup de temps avec lui, très pris par son enquête dont il ne voulait rien lui dire. En revanche, Alexis était venu le voir chaque jour à l’hôpital et même chez lui lorsqu’il était rentré. Ils passaient des heures à discuter de leur sujet de prédilection : les mathématiques. Installé sur le sofa, Charlie devisait joyeusement avec son étudiant lorsque son père entra :

— J’avais complètement oublié que j’avais rendez-vous chez le dentiste dans une demi-heure. Ca m’ennuie de te laisser tout seul.

— Je ne suis pas seul, répondit son fils en désignant Alexis.

— Oui, mais…

— Vas-y, Papa, ça ira.

— D’accord.

Alan se tourna vers Alexis :

— Surtout, ne le laissez pas faire d’imprudences.

— Je vous le promets, sourit le jeune homme.

Le chef de la famille Eppes s’éclipsa dans la cuisine puis quitta la maison pour se rendre à son rendez-vous. Une fois seul avec son étudiant, Charlie soupira :

— Il est gentil, mais un peu trop protecteur. J’ai l’impression d’avoir à nouveau quatre ans.

— Vous deviez être très mignon à cet âge là, sourit Alexis.

Charlie lui adressa un regard surpris, puis sourit.

— Je ne sais pas… Dites-moi… vous n’avez rien de mieux à faire que de rester ici avec moi ?

— Non, répondit le jeune homme.

Le mathématicien fut étonné de voir une légère rougeur envahir les joues de son étudiant lorsqu’il ajouta :

— J’aime bien être avec vous…

Charlie ne savait pas trop quoi répondre. Il se sentait un peu gêné de l’intérêt que lui portait le jeune homme. Détournant la conversation, il demanda :

— Vous pouvez m’apporter un verre d’eau ?

— Bien sûr.

Alexis disparut dans la cuisine et revint presque aussitôt avec le verre demandé. Il le tendit à son professeur qui but lentement, cherchant quoi dire lorsqu’il aurait fini de boire. Il fut sauvé par la sonnerie du téléphone.

— Allô ?

— Charlie, c’est moi.

— Salut Don ! Quoi de neuf ?

— Pas grand chose… notre enquête avance. Je venais juste prendre de tes nouvelles.

— Ca va. Tu viens dîner ce soir ?

L’agent du FBI ne répondit pas immédiatement.

— Non, je… Je pense que je vais passer la soirée au bureau avec Terry et David.

— Ah… souffla Charlie, déçu.

— J’essayerai de venir demain dans la journée.

— Ok.

— Tu te soignes bien ?

— Je n’ai pas le choix, Papa me traite comme un gamin.

— Il a bien raison ! répliqua Don en riant. Il faut que je te laisse.

— D’accord. Bon courage !

— Merci. A demain, Charlie.

— A demain.

Il raccrocha, un peu désappointé. Il sentait que Don s’éloignait de plus en plus de lui et en souffrait. Ils n’avaient jamais été très proches, mais, à l’hôpital, il avait cru que leurs relations allaient s’améliorer. Et puis, sans prévenir, son frère s’était à nouveau éloigné de lui, sans qu’il en comprenne la raison.

Charlie sursauta lorsqu’une main se posa sur son bras valide. Il leva les yeux vers Alexis qui le fixait d’un air inquiet.

— Vous allez bien ?

— Oui… ce n’est rien…

Il se redressa et commença à se lever. Il éprouvait une irrésistible envie de bouger pour étouffer la colère contre son frère qu’il sentait monter en lui. Une fois debout, il fut pris d’un léger vertige et chancela. Alexis le rattrapa, l’empêchant de retomber sur le sofa. Charlie se retrouva enlacé entre les bras de son étudiant, son visage à quelques centimètres de celui du jeune homme. Le regard céruléen d’Alexis plongea dans le sien un bref instant et, avant qu’il ait eu le temps de réaliser ce qui se passait, leurs lèvres s’étaient jointes pour un doux baiser. Charlie sentit un frisson de désir traverser son échine et prit peur. Il repoussa un peu brusquement son étudiant, se dégageant de son étreinte et reculant d’un pas. Alexis lui adressa un regard contrit.

— Je suis désolé…

— Non, c’est moi… je ne sais pas ce qui m’a pris…

Le jeune homme retourna s’asseoir. Charlie se réinstalla difficilement sur le sofa. Il se passa une main dans les cheveux, le cœur affolé.

— Je devrais peut-être partir… souffla Alexis.

— Non ! Je veux dire…

— Je vous aime.

Pris au dépourvu, Charlie écarquilla les yeux. Il ne savait plus quoi dire.

— Ca fait déjà plusieurs mois que vous m’attirez… mais vous êtes mon professeur… j’ai essayé de me résigner cependant… je n’y parviens pas… je vous aime…

Le mathématicien était flatté mais totalement perdu. Et, en même temps, il comprenait ce mal qui rongeait son étudiant, en étant lui-même victime. Il soupira longuement.

— Je n’aurais jamais du vous embrasser mais… je n’ai pas pu résister… je suis désolé…

— Ne t’excuse pas, je suis aussi fautif que toi. Je… comme tu l’as dit, je suis ton professeur et… j’aime quelqu’un…

— Je m’en doute, sourit tristement le jeune homme en relevant la tête vers lui. Un homme tel que vous ne peux pas être disponible… surtout pour quelqu’un comme moi…

A ces mots, une bouffée d’indignation envahit Charlie. Il se releva rapidement et s’approcha d’Alexis qui s’était levé lui aussi et se tenait prêt à le soutenir si besoin.

— Ne te dévalorises jamais ! lança le mathématicien. Tu es quelqu’un de formidable, tu es très intelligent, tu es gentil…

— Je suis moche…

L’indignation se transforma instantanément en tendresse. Charlie laissa sa main aller caresser la joue du jeune homme.

— Ne dis pas ça… souffla t’il. Tu es beau et attirant… Si j’étais disponible et si je n’étais pas ton professeur…

Il s’approcha un peu plus, n’arrivant pas à résister à l’attrait magnétique de ces yeux si bleus. Il savait que ce qu’il s’apprêtait à faire était mal, mais ne pouvait s’en empêcher. Ses lèvres se posèrent timidement sur celles d’Alexis, attendant une réaction. Le jeune homme l’enlaça, l’attirant au plus près.

Les deux hommes sursautèrent lorsque la porte d’entrée s’ouvrit brusquement. Ils se tournèrent simultanément vers Alan qui les fixait d’un air surpris. Mal à l’aise, Charlie ouvrit la bouche pour s’expliquer, mais son père le devança :

— Ne vous dérangez pas pour moi.

Il traversa le salon pour aller dans la cuisine, mais son fils l’interpella.

— Papa, attends ! Je vais t’expliquer…

— Tu n’as rien à m’expliquer, Fiston.

— Je vais vous laisser, souffla Alexis.

Avant que Charlie ait eu le temps de répondre, le jeune homme était sorti. Il jeta un regard à son père qui attendait au milieu du salon, puis retourna s’asseoir, épuisé physiquement et nerveusement. Alan vint prendre place à côté de lui sur le sofa.

— Ca va ?

— Non… souffla Charlie en fermant les yeux. Je ne sais plus où j’en suis…

— Il est gentil ce petit…

— Oui. Je l’apprécie beaucoup… mais il est mon étudiant… je dois mettre fin à tout ça avant que ça n’aille trop loin.

— C’est la seule raison ?

Il rouvrit les yeux, plongeant dans le regard de son père.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Rien… C’est ta vie, je n’ai pas à m’en mêler… mais je n’ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère si ça finit mal…

Charlie soupira. Son père se releva, puis sourit.

— Je vais préparer le dîner.

— Je n’ai pas faim… je monte me coucher.

— Tu es sûr ? Tu dois te nourrir…

— Papa…

Alan renonça à le faire changer d’avis. Il l’aida à se lever, puis l’accompagna jusqu’à sa chambre au premier.

— On va refaire ton bandage avant que tu te couches.

— Ok.

Charlie s’assit sur son lit, ôta son tee-shirt, puis attendit que son père revienne, les mains chargées de tout le nécessaire pour désinfecter et bander le torse de son fils. Alan s’assit près de lui, puis se mit au travail en silence.

— Don a appelé, lança soudain le jeune homme.

— Il a du nouveau ?

— Il n’a rien voulu me dire, mais je pense que oui. Il ne viendra pas ce soir, il reste au bureau avec Terry et David.

— Je suis sûr qu’ils vont vite trouver qui a posé cette bombe.

— Je l’espère…

Alan finit de soigner son fils, puis l’aida à s’allonger.

— Bonne nuit, Charlie.

— Bonne nuit, Papa.

Une fois seul, le jeune homme soupira. Il sentait encore la douceur des lèvres d’Alexis sur les siennes. Il était complètement perdu. Il savait qu’il aimait Don de toute son âme, mais, pourtant, il se sentait attiré par la fragilité et la gentillesse de son étudiant. La fatigue eut rapidement raison de ses tourments et il s’endormit profondément.



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